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03/01/2024 | FRANCE | N°21LY03643

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 03 janvier 2024, 21LY03643


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



L'association France Nature Environnement Allier a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté n°280/2019 du 6 février 2019 du préfet de l'Allier portant enregistrement, au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, de la déclaration de la société à responsabilité limitée (SARL) MCP Elevage en vue de l'exploitation d'un élevage de 1 944 porcs à l'engrais et de 4 340 porcelets de moins de 30 kg en post-sevrage, à Barrais-B

ussolles, lieu-dit " L'étang des rivières ", et de mettre à la charge de l'Etat la somme d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association France Nature Environnement Allier a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté n°280/2019 du 6 février 2019 du préfet de l'Allier portant enregistrement, au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, de la déclaration de la société à responsabilité limitée (SARL) MCP Elevage en vue de l'exploitation d'un élevage de 1 944 porcs à l'engrais et de 4 340 porcelets de moins de 30 kg en post-sevrage, à Barrais-Bussolles, lieu-dit " L'étang des rivières ", et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1901171 du 15 septembre 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cet arrêté préfectoral et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 novembre 2021 et 28 septembre 2023, la SARL MCP Elevage, représentée par Adden avocats Auvergne-Rhône-Alpes, agissant par Me Lebeau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 15 septembre 2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'association France Nature Environnement Allier la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté préfectoral en litige, au motif de la prétendue méconnaissance de l'article L. 512-7-2 1° du code de l'environnement ;

- c'est à tort que les premiers juges ont cru ne pas devoir tenir compte des mesures prises par le pétitionnaire, ainsi que des prescriptions pouvant être imposées par l'autorité administrative à l'occasion de la demande d'enregistrement ; l'appréciation de la sensibilité environnementale du milieu au regard de l'ensemble des critères figurant à l'annexe III de la directive ne peut ainsi se limiter à un examen purement théorique d'un projet " brut " dépourvu de prescriptions ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le milieu d'implantation du projet présentait une sensibilité environnementale justifiant que le préfet exige une évaluation environnementale, en l'absence de protection spécifique attachée à la localisation du projet, en tenant compte du plan d'épandage mis en œuvre dans les conditions définies par l'étude pédologique et alors que le site est déjà occupé par un élevage porcin donnant lieu à épandage dans des conditions identiques depuis plus de cinq ans et n'ayant jamais conduit à une pollution des cours d'eau avoisinants ; il faut tenir compte des mesures qui s'imposent à l'exploitant et sont destinées à limiter les risques de pollution induits par le projet, parmi lesquelles figurent le suivi agronomique du plan d'épandage et l'utilisation d'une " rampe de type pendillards " ; la taille du projet ne peut, à elle seule, révéler une quelconque sensibilité du milieu d'implantation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2023, et un second mémoire produit le 9 novembre 2023 après clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué, l'association France Nature Environnement Allier, représentée par Me Martin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SARL MCP Elevage la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Par une ordonnance du 28 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive n°2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et, les observations de Me Gaudon pour la SARL MCP Elevage.

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour l'association France Nature Environnement Allier, enregistrée le 14 décembre 2023 ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL MCP Elevage relève appel du jugement du 15 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, sur demande de l'association France Nature Environnement Allier, a annulé l'arrêté préfectoral du 6 février 2019 portant enregistrement, au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, de sa déclaration en vue de l'exploitation d'un élevage de 1 944 porcs à l'engrais et de 4 340 porcelets de moins de 30 kg en post-sevrage, à Barrais-Bussolles, lieu-dit " L'étang des rivières ".

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En vertu de l'article L. 512-7 du code de l'environnement, sont soumises à autorisation simplifiée, sous la dénomination d'enregistrement, les installations qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées. Les activités relevant de ce régime concernent les secteurs ou technologies dont les enjeux environnementaux et les risques sont bien connus, lorsque les installations ne sont soumises ni à la directive du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles au titre de son annexe I, ni à une obligation d'évaluation environnementale systématique au titre de l'annexe I de la directive du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. Conformément aux articles L. 512-7-1 et L. 512-7-3 du code de l'environnement, le dossier de demande d'enregistrement est mis à disposition du public avant que le préfet prenne, après avis des conseils municipaux intéressés, un arrêté d'enregistrement qu'il peut assortir de prescriptions particulières complétant ou renforçant les prescriptions générales applicables à l'installation. L'article L. 512-7-5 du même code permet au préfet d'imposer, par arrêté complémentaire, de telles prescriptions particulières après la mise en service de l'installation. L'article L. 512-7-2 du même code prévoit, en outre, que le préfet peut décider que la demande d'enregistrement sera instruite selon les règles de procédure prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour les autorisations environnementales, c'est-à-dire selon le régime de l'autorisation : " (...) 1° Si, au regard de la localisation du projet (...), la sensibilité environnementale du milieu le justifie ; / 2° Ou si le cumul des incidences du projet avec celles d'autres projets d'installations, ouvrages ou travaux situés dans cette zone le justifie ; / 3° Ou si l'aménagement des prescriptions générales applicables à l'installation, sollicité par l'exploitant, le justifie. / Dans les cas mentionnés au 1° et au 2°, le projet est soumis à évaluation environnementale. Dans les cas mentionnés au 3° et ne relevant pas du 1° ou du 2°, le projet n'est pas soumis à évaluation environnementale ".

3. Le préfet, saisi d'une demande d'enregistrement d'une installation en principe dispensée d'une évaluation environnementale préalable, doit se livrer à un examen du dossier afin d'apprécier, tant au regard de la localisation du projet que des autres critères mentionnés à l'annexe III de la directive 2011/92/UE susvisée, relatifs à la caractéristique des projets et aux types et caractéristiques de l'impact potentiel, si le projet doit faire l'objet d'une évaluation environnementale, ce qui conduit alors, en application de l'article L. 512-7-2, à le soumettre au régime de l'autorisation environnementale. Ces critères doivent s'apprécier, notamment au regard de la qualité et de la capacité de régénération des ressources naturelles de la zone concernée, indépendamment des mesures prises par le pétitionnaire ou des prescriptions émises par le préfet pour limiter l'impact de son projet sur l'environnement.

4. Le point 2 de l'Annexe III de la directive précitée 2011/92/UE relatif aux critères concernant la " localisation des projets " précise que : " La sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d'être affectées par le projet doit être considérée en prenant notamment en compte: / a) l'occupation des sols existants; / b) la richesse relative, la qualité et la capacité de régénération des ressources naturelles de la zone; / c) la capacité de charge de l'environnement naturel, en accordant une attention particulière aux zones suivantes: / i) zones humides; / ii) zones côtières; / iii) zones de montagnes et de forêts; / iv) réserves et parcs naturels; / v) zones répertoriées ou protégées par la législation des États membres; zones de protection spéciale désignées par les États membres conformément à la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages et à la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ; / vi) zones dans lesquelles les normes de qualité environnementales fixées par la législation de l'Union sont déjà dépassées ; / vii) zones à forte densité de population ; / viii) paysages importants du point de vue historique, culturel et archéologique. ".

5. Pour accueillir le moyen selon lequel l'installation aurait dû être soumise au régime de l'autorisation environnementale, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a retenu que la densité du réseau de petits cours d'eau se jetant dans la Besbre, ajoutée au relief et à la présence de sols granitiques, tend à favoriser une pollution par infiltration des sols et des cours d'eau et que si les zones d'épandage sont situées pour la plupart à plusieurs kilomètres de la Besbre, elles s'étendent sur des terrains parcourus par ce réseau de cours d'eau " à préserver " au titre du Schéma régional de cohérence écologique (SRCE) et répertoriés comme lieu de frayères, lesquels forment un réseau hydrographique avec la Besbre.

6. Toutefois, d'une part, il résulte des mentions de l'arrêté en litige que tant le site d'élevage que les parcelles d'épandage des effluents se trouvent hors des zones sensibles, de zones vulnérables aux nitrates et hors de zones Natura 2000, dont les plus proches sont situées à plus de douze kilomètres. La zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 1 concernant la rivière de la Besbre est également située à plusieurs kilomètres. L'identification comme " cours d'eau à préserver " des affluents de la Besbre par le SRCE, qui ne générait en elle-même aucune restriction particulière, ne saurait caractériser une quelconque sensibilité environnementale du milieu, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges. Si l'association France Nature Environnement Allier se prévaut de l'étude du conservatoire d'espaces naturels relative au bassin-versant de la Besbre, réalisée en mai 2021, la circonstance que le territoire concerné par le plan d'épandage se situe sur le bassin versant de la rivière de la Besbre, alors que la sensibilité du milieu ne saurait s'apprécier à une échelle aussi vaste, ne suffit pas à établir en quoi le projet, au regard de sa localisation, présenterait une sensibilité environnementale particulière.

7. D'autre part, une telle sensibilité ne saurait résulter de la seule circonstance que la demande d'enregistrement présentée par la SARL MCP Elevage pour l'extension de son élevage porcin, permet le passage à 1 944 porcs à l'engraissement de plus de 30 kg, soit, juste en dessous du seuil d'autorisation de 2 000 sujets fixé, selon la rubrique 3660 par le décret n° 2013-375 du 2 mai 2013.

8. Enfin, il ressort des termes de l'arrêté en litige qui le vise que l'élevage sera exploité conformément aux prescriptions de l'arrêté du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement au titre des rubriques nos 2101, 2102 et 2111 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). La réglementation ICPE applicable proscrit l'épandage à une distance inférieure à 35 mètres des cours d'eau. L'association France Nature Environnement Allier n'a fait valoir devant le tribunal ou la cour aucun élément qui établirait que l'installation, au vu de ses caractéristiques techniques, serait susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement.

9. Dans ces conditions, le préfet a pu légalement estimer, tant au regard de la localisation du projet que de ses caractéristiques, que le projet ne présentait pas une sensibilité environnementale justifiant la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement.

10. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen invoqué par France Nature Environnement Allier.

11. Aux termes du 2ème alinéa de l'article L. 512-7-1 du code de l'environnement : " Le dossier de demande d'enregistrement est mis à disposition du public. Le public est informé des modalités selon lesquelles sont possibles la consultation du dossier et l'émission, en temps utile, d'observations. (...) ".

12. Conformément aux dispositions précitées, le dossier déposé par la SARL MCP Elevage a fait l'objet d'une consultation du public selon des modalités fixées par un arrêté préfectoral du 11 septembre 2018 dont l'article 4 prévoit que le dossier est tenu à la disposition du public à la mairie de Barrais-Bussoles ainsi que dans chacune des communes concernées par les risques et inconvénients dont l'établissement envisagé peut être la source. Si la demanderesse a soutenu devant le tribunal que, dans certaines communes, le dossier était uniquement consultable sous forme électronique (DVD), sans possibilité d'accès à un ordinateur permettant de prendre connaissance de son contenu, de telles allégations sont contredites par les attestations des maires des neufs communes concernées, versées au dossier de première instance par la préfète de l'Allier et confirmant la possibilité pour le public de consulter effectivement le dossier sous format numérique. Le moyen selon lequel la procédure de consultation du public aurait été irrégulièrement menée doit, par suite, être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que la SARL MCP Elevage est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté d'enregistrement n°280/2019 du préfet de l'Allier du 6 février 2019.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que l'intimée demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés soit mise à la charge de la SARL MCP Elevage, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de France Nature Environnement Allier le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL MCP Elevage.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 15 septembre 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par France Nature Environnement Allier devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : France Nature Environnement Allier versera à la SARL MCP Elevage une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL MCP Elevage et à l'association France Nature Environnement Allier.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Joël Arnould, premier conseiller,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 janvier 2024.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLa présidente,

Emilie Felmy

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03643


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03643
Date de la décision : 03/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

44-02-02-01 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement. - Régime juridique. - Pouvoirs du préfet.


Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-03;21ly03643 ?
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