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05/01/2024 | FRANCE | N°23NT01382

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 05 janvier 2024, 23NT01382


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 22 novembre 2021 par laquelle le directeur général des finances publiques du Morbihan a rejeté sa contestation de neuf titres de perception par lesquels l'Etat lui a réclamé le remboursement de l'aide exceptionnelle versée pour les mois de mars à juin 2020, octobre à décembre 2020 ainsi que février et mars 2021 au titre du fonds de solidarité institué à destination des entreprises partic

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 22 novembre 2021 par laquelle le directeur général des finances publiques du Morbihan a rejeté sa contestation de neuf titres de perception par lesquels l'Etat lui a réclamé le remboursement de l'aide exceptionnelle versée pour les mois de mars à juin 2020, octobre à décembre 2020 ainsi que février et mars 2021 au titre du fonds de solidarité institué à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19.

Par un jugement n° 2106699 du 18 janvier 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 mai 2023 et le 3 août 2023, Mme B..., représentée par Me Louvel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 janvier 2023 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la décision du 22 novembre 2021 du directeur général des finances publiques du Morbihan ;

3°) d'enjoindre au directeur régional des finances publiques de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a estimé que son établissement avait fait l'objet d'une fermeture temporaire par l'effet du décret lié à la crise sanitaire, a cru pouvoir effectuer des demandes au titre de l'aide financière, n'a pas compris ce que signifiait " un chiffre d'affaire de référence ", et était de bonne foi et a pensé que ce chiffre d'affaire était celui auquel elle aurait dû prétendre si les ventes des immeubles pour lesquels elle avait été mandatée sur les périodes concernées avaient pu aboutir ;

- l'ordonnance du 25 mars 2020 et le décret du 30 mars 2020 était inintelligibles et elle a commis une erreur de déclaration de ce fait ;

- il est disproportionné de lui réclamer le remboursement des sommes qu'elle a perçues, soit 21 499 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 mars 2023, modifiée le 24 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ;

- la loi n° 2021-195 du 23 février 2021 ;

- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... exerce à titre individuel une activité d'agent immobilier depuis le 15 octobre 2019. Elle a sollicité auprès de la direction générale des finances publiques l'aide financière exceptionnelle versée au titre du fonds de solidarité institué à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19, pour les mois de mars à juin 2020, octobre à décembre 2020 ainsi que février et mars 2021. Ses demandes ont été acceptées pour une somme totale de 21 499 euros qui lui a été effectivement versée. A la suite d'un contrôle a posteriori du versement de ces aides, la direction générale des finances publiques a estimé que l'intéressée n'était pas éligible au bénéfice des aides accordées. Le directeur départemental des finances publiques du Morbihan a, par une décision du 24 juin 2021, constaté l'absence d'éligibilité pour bénéficier de l'aide financière de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences de l'épidémie de Covid-19, au motif que l'intéressée ne justifie pas de la réalisation d'un chiffre d'affaires effectif lié à l'activité professionnelle exercée et que les relevés bancaires transmis ne mentionnent que des virements émis et non des virements reçus en contrepartie d'une prestation réalisée, et a annoncé l'émission d'un titre de perception en vue de la récupération des sommes indûment perçues. Les neuf titres de perception réclamant à Mme B... le remboursement des aides exceptionnelles indument octroyées ont été contestés par l'intéressée par courriel du 28 octobre 2021. Cette réclamation a été rejetée le 22 novembre 2021. Mme B... relève appel du jugement du 18 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 22 novembre 2021.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient Mme B..., aucun moyen tiré de " l'absence de clarté de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité, modifiée à quatre reprises pendant la période concernée par les demandes de remboursement, ainsi que du décret du 30 mars 2020 modifié à seize reprises pendant la même période concernée " au regard de " l'objectif de valeur constitutionnelle du principe d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi " n'a été soulevé devant les premiers juges dans ses écritures des 5 décembre 2021, 8 mars 2022 et 20 mai 2022. Dès lors, le jugement n'est pas insuffisamment motivé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, à l'exception des cas où, en application de l'article 61-1 de la Constitution, une question prioritaire de constitutionnalité est présentée par mémoire distinct, il n'appartient pas au juge administratif de connaître de la question de la conformité d'une loi à la Constitution. Par suite, le moyen tiré de l'atteinte portée " à l'objectif de valeur constitutionnelle du principe d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi " par l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, et régulièrement ratifiée par la loi du 23 février 2021 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, doit être écarté.

4. En deuxième lieu, la circonstance que le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, ait fait l'objet de modifications près de seize fois ne saurait révéler à elle seule l'imprécision de chacune des versions modifiées et par suite son inintelligibilité alléguée.

5. En dernier lieu, le paragraphe II de l'article 3-1 de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation dispose que " Les agents de la direction générale des finances publiques et les agents publics affectés dans les services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat peuvent demander à tout bénéficiaire du fonds communication de tout document relatif à son activité, notamment administratif ou comptable, permettant de justifier de son éligibilité et du correct montant de l'aide reçue (...) / En cas d'irrégularités constatées, d'absence de réponse ou de réponse incomplète à la demande prévue au premier alinéa, les sommes indûment perçues font l'objet d'une récupération selon les règles et procédures applicables en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. ". L'article 2 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 " Les aides financières prévues à l'article 3 prennent la forme de subventions attribuées par décision du ministre de l'action et des comptes publics aux entreprises mentionnées à l'article 1er du présent décret qui remplissent les conditions suivantes : (...) 2° Ou elles ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, (...) pour les entreprises créées après le 1er mars 2019, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 ;... ". Il résulte de ces dispositions que l'obligation du demandeur de justifier de ce qu'il remplit les conditions d'éligibilité aux aides financières implique qu'il justifie de la perception d'un chiffre d'affaires.

6. Il est constant en appel que Mme B... n'a pas justifié de son éligibilité à l'aide financière exceptionnelle versée au titre du fonds de solidarité institué à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19, pour les mois de mars à juin 2020, octobre à décembre 2020 ainsi que février et mars 2021 et ne peut prétendre au bénéfice de la somme de 21 499 euros à ce titre. Elle ne saurait utilement invoquer à l'appui de sa demande " sa bonne foi ", " son manque de discernement " et la circonstance qu'elle " n'a pas cherché délibérément à tromper l'Etat ". Elle ne peut davantage utilement soutenir que le remboursement des sommes qui lui sont réclamées est " disproportionné " " alors que par ailleurs elle n'est pas en mesure financièrement de les assumer ". Enfin, elle n'est pas fondée non plus à se prévaloir " des annonces du gouvernement au moment des confinements " pour justifier ses prétentions.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Louvel et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2024.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01382


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01382
Date de la décision : 05/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : PHILIPPON

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-05;23nt01382 ?
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