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05/01/2024 | FRANCE | N°23NT02080

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 05 janvier 2024, 23NT02080


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. H... G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 mars 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert vers l'Autriche.



Par un jugement n° 2304071 du 5 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de Maine-et-Loire de procéder au réexamen de la situation de M. G..., dans un délai d'un mois à compter de la noti

fication du jugement.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 mars 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert vers l'Autriche.

Par un jugement n° 2304071 du 5 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de Maine-et-Loire de procéder au réexamen de la situation de M. G..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juillet et 10 août 2023, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 juillet 2023 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. G....

Il soutient qu'il a apporté la preuve de la saisine des autorités autrichiennes au moyen des pièces transmises à l'appui de son mémoire en défense de première instance.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 août et 21 novembre 2023, M. G..., représenté par Me Philippon, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de constater le non-lieu à statuer sur la requête du préfet de Maine-et-Loire ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête du préfet ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'y a plus lieu à statuer sur la requête dès lors que par une décision du 8 novembre 2023 le préfet a décidé de mettre un terme à la procédure " Dublin " de l'intéressé et a enregistré sa demande d'asile en procédure accélérée ;

- la requête n'est pas recevable dès lors que l'appelant ne rapporte pas la preuve de sa compétence pour introduire au nom du ministre compétent une requête en appel et la compétence de Mme I..., signataire de la requête, n'est pas établie ;

- la différence entre la référence qui lui a été attribuée dans son relevé Eurodac (19930687435) et celle figurant en objet de la demande de prise en charge adressée aux autorités autrichiennes (29930687435) ne lui permettait pas de comprendre le fondement légal de la décision du 6 mars 2023 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités autrichiennes ;

- les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés et doivent être écartés.

M. G... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. X, se présentant comme H... G..., de nationalité afghane, né le 28 mars 1995, alias H... L..., né le 1er janvier 1998, alias K..., né le 1er janvier 1998, alias J..., né le 1er janvier 1997, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 15 janvier 2023. Il a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique le 8 février 2023. Les recherches effectuées sur le fichier Eurodac ont fait apparaître qu'il avait sollicité l'asile auprès des autorités autrichiennes le 10 octobre 2022, ses empreintes décadactylaires ayant été enregistrées sous le n° AT 1 29416454-11507325, puis auprès des autorités suisses le 17 octobre suivant. Les autorités suisses ont été saisies le 9 février 2023 d'une demande de reprise en charge de M. G..., qu'elles ont refusée le lendemain, au motif que leur propre demande de reprise en charge de l'intéressé par les autorités autrichiennes avait été acceptée implicitement par celles-ci. Le préfet de Maine-et-Loire fait valoir que les autorités autrichiennes, sollicitées aux mêmes fins par les autorités françaises, ont implicitement accepté la reprise en charge de M. G..., par une décision née le 23 février 2023. Par un arrêté du 6 mars 2023, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de transférer M. G... à ces mêmes autorités autrichiennes. Par un jugement du 5 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a annulé cet arrêté. Le préfet de Maine-et-Loire fait appel de ce jugement.

Sur l'exception de non-lieu à statuer opposé par M. G... :

2. L'arrêté en litige ayant été annulé par le jugement du tribunal administratif du 5 juillet 2023 et l'appel n'ayant pas d'effet suspensif, la circonstance que le préfet, en exécution de ce jugement, ait enregistré, le 8 novembre 2023, soit postérieurement à l'introduction de la présente requête, la demande d'asile de M. G... en procédure accélérée n'est pas de nature à priver d'objet le présent litige. Par conséquent, il y a lieu de statuer sur les conclusions de la requête du préfet de Maine-et-Loire.

Sur les fins de non-recevoir :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 811-10 du code de justice administrative : " Devant la cour administrative d'appel, l'Etat est dispensé de ministère d'avocat soit en demande, soit en défense, soit en intervention. Sauf dispositions contraires, les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 811-10-1 du même code : " I. - Par dérogation aux dispositions de l'article R. 811-10, le préfet présente devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat lorsque le litige est né de l'activité des services de la préfecture dans les matières suivantes : 1° Entrée et séjour des étrangers en France ; (...) ". Il ressort de ces dispositions que M. G... ne peut utilement soutenir que la requête n'est pas recevable au motif que l'appelant ne rapporte pas la preuve de sa compétence pour introduire au nom du ministre compétent une requête en appel.

4. En second lieu, M. G... ne saurait utilement soutenir que la compétence de Mme I... pour signer la requête d'appel n'est pas établie, alors qu'il ressort des pièces du dossier que la requête a été signée par M. D... E..., sous-préfet de Cholet, en tant que secrétaire général par intérim de la préfecture de Maine-et-Loire. En tout état de cause, par un arrêté du 1er avril 2022, régulièrement publié le 4 avril suivant au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de Maine-et-Loire a donné délégation à M. E..., en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Magali Daverton, secrétaire générale de la préfecture, à l'effet de signer notamment tout document relevant des attributions de l'Etat dans ce département, à certaines exceptions limitativement énumérées au rang desquelles ne figurent pas les requêtes d'appel. Il n'est pas établi ni même allégué que Mme F... n'aurait pas été absente ou empêchée. La fin de non-recevoir tirée de l'incompétence du signataire de la requête doit donc être écartée.

Sur le moyen accueilli par le premier juge :

5. Il ressort des pièces du dossier que les autorités autrichiennes ont été saisies, le 9 février 2023, en même temps que les autorités suisses, d'une demande de reprise en charge de M. G.... Les autorités autrichiennes ont émis un accord implicite.

6. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a, par le jugement attaqué, annulé l'arrêté du 6 mars 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé le transfert de M. G... vers l'Autriche au motif que l'autorité préfectorale, faute de pouvoir justifier d'une demande de reprise en charge, ne pouvait se prévaloir de la naissance d'une décision implicite de reprise en charge par les autorités autrichiennes.

7. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. G... tant devant le tribunal administratif que devant la cour.

Sur les autres moyens soulevés par M. G... :

8. En premier lieu, l'arrêté contesté du 6 mars 2023 a été signé par Mme I..., cheffe du pôle régional Dublin. D'une part, conformément à l'article 2 de l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement, le préfet de Maine-et-Loire était compétent pour prendre la décision de transfert concernant M. G... qui résidait alors en Loire-Atlantique, département faisant partie de la région Pays de la Loire. D'autre part, par un arrêté du 22 février 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de Maine-et-Loire a donné délégation à Mme I..., cheffe du pôle régional Dublin à la direction de l'immigration et des relations avec les usagers à la préfecture, en cas d'absence ou d'empêchement de M. B... C..., directeur de l'immigration et des relations avec les usagers, dont il n'est pas établi qu'il n'était pas absent ou empêché, à l'effet de signer les décisions d'application du règlement " Dublin III " prises à l'égard des ressortissants étrangers, notamment les décisions de transfert. Ainsi, le moyen tiré de l'absence de délégation de signature régulière du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.

9. En deuxième lieu, l'arrêté portant transfert aux autorités autrichiennes mentionne les éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde et est ainsi suffisamment motivé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté. Au vu de cette motivation, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. G... doit également être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

12. Il ressort des pièces du dossier que M. G... s'est vu remettre, le 8 février 2023, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, en temps utile, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014. Il a signé le compte-rendu d'entretien en cochant la case " Je reconnais que les brochures A et B m'ont été communiquées oralement et je reconnais les avoir comprises ". Il a également signé les pages de garde sous la mention " je reconnais avoir reçu le guide complet dans une langue que je comprends ", ces brochures étant en langue pachto et contenant les informations prescrites par les dispositions précitées. Il était assisté d'un interprète en langue pachto lors de son entretien. Dans ces conditions, alors même qu'il ne saurait pas lire, son droit à l'information résultant de l'article 4 précité du règlement n° 604/2013 et des articles L. 141-2 et L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été méconnu.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

14. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. G... qu'il a bénéficié le 8 février 2023, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. La circonstance que l'interprète en langue pachto n'ait pas été physiquement présent à ses côtés et soit intervenu par téléphone n'a pas privé M. G... de la garantie que constitue l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, alors qu'il se borne à soutenir, sans apporter aucun commencement de preuve, qu'il n'a pas bénéficié d'un interprète. La seule circonstance que l'agent qui a conduit cet entretien est seulement identifié par la mention " Préfecture de la Loire-Atlantique - L'agent habilité " et ses initiales manuscrites ne permet pas de tenir pour établi que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené dans des conditions qui en auraient garanti la confidentialité. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

15. En cinquième lieu, contrairement à ce que soutient M. G..., il ressort des pièces du dossier, notamment des données issues de la base de données Eurodac, que l'intéressé a présenté une demande d'asile en Autriche le 10 octobre 2022. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les relevés d'empreintes produits ne seraient pas conformes aux principes définis par les dispositions combinées de l'annexe II du règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 et de l'article 9 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013. La circonstance que les numéros Dublinet et Eurodac seraient différents n'est pas de nature à entraîner l'illégalité de l'arrêté litigieux.

16. En sixième lieu, si M. G... soutient être entré dans l'Union européenne par la Hongrie, cela n'est pas établi par les pièces du dossier et notamment par le fichier Eurodac. Par conséquent, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 3, 7 et 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.

17. En septième et dernier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

18. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

19. M. G... fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile objets de mesures de transfert auprès des autorités autrichiennes. Toutefois, les documents qu'il produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que sa propre situation serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités autrichiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Autriche est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si les rapports cités par M. G... font état d'une pratique de refoulement des demandeurs d'asile à la frontière, et de conditions d'hébergement et de soins difficiles, ce document ne suffit pas à caractériser l'existence, dans ce pays, de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. Il n'en ressort pas, en particulier, que les conditions matérielles d'accueil seraient caractérisées par des carences structurelles d'une ampleur telle qu'il y aurait lieu de conclure d'emblée, et quelles que soient les circonstances, à l'existence de risques suffisamment réels et concrets, pour l'ensemble des demandeurs de protection internationale, indépendamment de leur situation personnelle, d'être systématiquement exposés à une situation de dénuement matériel extrême qui porterait atteinte à leur santé physique ou mentale ou les mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, prohibé par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cela n'établit pas davantage que le renvoi de M. G... vers l'Autriche en exécution d'une décision de transfert, en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, entraînerait un risque sérieux qu'il soit exposé à des traitements indignes de ce type en violation des règles du droit européen de l'asile. Il ne ressort des pièces du dossier ni qu'une décision d'éloignement aurait été prise à son encontre par les autorités autrichiennes, ni qu'il ne serait pas en mesure de faire valoir devant ces autorités, responsables de l'examen de sa demande d'asile, tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation qui prévaut en Afghanistan. S'il soutient avoir des problèmes de santé, il ne produit aucune pièce à l'appui de ses allégations. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire au § 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Maine-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté en litige et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. G... dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Philippon, avocat de M. G..., de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dès lors, ce jugement doit être annulé et les conclusions présentées à ce titre par M. G..., tant en première instance qu'en appel, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2304071 du 5 juillet 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Nantes et les conclusions qu'il a présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. H... G... et à Me Thibaut Philippon.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président-assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2024.

La rapporteure

P. PICQUET

Le président

L. LAINÉLe greffier

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02080


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02080
Date de la décision : 05/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : PHILIPPON

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-05;23nt02080 ?
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