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10/01/2024 | FRANCE | N°23MA02616

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 10 janvier 2024, 23MA02616


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A..., représentée par l'union départementale des associations familiales des Bouches-du-Rhône, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er mars 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.



Par une ordonnance

n° 2303500 du 9 mai 2023, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A..., représentée par l'union départementale des associations familiales des Bouches-du-Rhône, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er mars 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par une ordonnance n° 2303500 du 9 mai 2023, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2023 sous le n° 23MA02617, Mme A..., représentée par l'union départementale des associations familiales (UDAF) du Var, représentée par Me Belotti, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2303500 du 9 mai 2023 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 1er mars 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire lui permettant de travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation de séjour lui permettant de travailler, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la régularité de la désignation des médecins composant le collège qui a rendu un avis médical n'est pas établie ;

- le préfet a méconnu le 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception et méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense, et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui a déposé des pièces enregistrées le 4 décembre 2023.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire du Marseille du 29 septembre 2023.

II. Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2023 sous le n° 23MA02616, Mme A..., représentée par l'union départementale des associations familiales (UDAF) du Var, représentée par Me Belotti, demande à la Cour :

1°) de prononcer, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 1er mars 2023 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé d'admettre Mme A... au séjour ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme A... une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit statué sur son recours au fond dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est remplie ;

- les moyens d'annulation développés dans la requête au fond sont sérieux.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire du Marseille du 29 septembre 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- et les observations de Me Leonhart, substituant Me Belotti, pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante algérienne, a sollicité le renouvellement du titre de séjour dont elle bénéficiait en raison de son état de santé, sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 1er mars 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office. Par une requête n° 23MA02617, Mme A... relève appel de l'ordonnance du 9 mai 2023 par laquelle le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par une requête n° 23MA02616, elle demande au juge des référés de prononcer la suspension de l'exécution de la décision portant refus de séjour.

2. Les requêtes susvisées concernent la situation d'une même requérante et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu d'y statuer par un même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

4. Pour rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour de Mme A..., le préfet s'est notamment approprié l'avis du 11 mai 2022 par lequel le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment du certificat médical du 16 février 2022 établi par un psychiatre de l'hôpital Edouard Toulouse à Marseille produit à l'appui de la demande de titre de séjour, que Mme A..., qui souffre de schizophrénie, est hospitalisée depuis le 28 avril 2017 et bénéficie alternativement d'une prise en charge en hôpital de jour, d'une psychothérapie de soutien, d'une hospitalisation à temps plein régulière et d'un traitement médicamenteux composé de " Cloxipol ", " Effexor ", " Tercian ", " Akineton Retard " et " Temesta ". Si ce certificat médical et le rapport médical destinés au collège de médecins de l'OFII mentionnent une stabilisation, l'état clinique de Mme A... reste extrêmement préoccupant, ainsi qu'en attestent une tentative de suicide par immolation commise le 30 août 2022, antérieurement à l'arrêté attaqué, de même que son hospitalisation à l'hôpital Léon Bérard à Hyères, auprès duquel l'intéressée est dorénavant suivie. Le collège des médecins de l'OFII avait d'ailleurs estimé le 29 mai 2019 et le 1er mars 2021 dans le cadre de précédentes demandes de titres de séjour qu'un traitement nécessaire à l'état de santé de Mme A... n'était pas accessible en Algérie, alors que cet état de santé ne s'est pas amélioré et que la même prise en charge médicale reste indispensable. En outre, Mme A... fait valoir, en produisant des documents issus d'une plateforme de recherche et en se référant à la nomenclature algérienne des produits pharmaceutiques à usage de la médecine humaine, que les médicaments " Cloxipol " et " Tercian ", ainsi que les molécules qui les composent, ne sont pas commercialisés en Algérie, ce qui n'est pas contesté par le préfet et l'OFII, qui n'allèguent pas plus que ces médicaments seraient substituables pour répondre aux exigences de l'état de santé de la requérante. Mme A... fait enfin valoir, sans être plus contredite, qu'une prise en charge en psychiatrie hospitalière adaptée à l'extrême gravité de son état de santé ne peut être assurée en Algérie, compte tenu du manque d'accès aux soins psychiatriques. Dans ces conditions, Mme A... justifie qu'elle ne peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, elle est fondée à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu le 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien en refusant de renouveler son titre de séjour et, par voie de conséquence, que le préfet ne pouvait l'obliger à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixer le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête au fond, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Cette ordonnance et l'arrêté du 1er mars 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône doivent dès lors être annulés.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté retenu au point 4 du présent arrêt, et dès lors qu'il résulte de l'instruction que la situation de Mme A... n'a pas évolué, en fait ou en droit, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à Mme A... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions à fin de suspension :

7. Dès lors qu'elle se prononce sur les conclusions de M. A... tendant à l'annulation du jugement et de l'arrêté contestés, il n'y a pas lieu pour la Cour de statuer sur les conclusions tendant à la suspension de cet arrêté en tant qu'il porte refus de séjour.

Sur les frais liés au litige :

8. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat, Me Belotti, peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Belotti renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à celle-ci de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23MA02616 de Mme A....

Article 2 : L'ordonnance n° 2303500 du 9 mai 2023 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 1er mars 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à Mme A... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Belotti la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 23MA02617 est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'union départementale des associations familiales (UDAF) du Var représentant Mme B... A..., à Me Belotti et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 janvier 2024.

2

N° 23MA02616 - 23MA02617


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02616
Date de la décision : 10/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : BELOTTI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-10;23ma02616 ?
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