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30/12/1991 | FRANCE | N°89BX00932

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 30 décembre 1991, 89BX00932


Vu la décision en date du 19 janvier 1989, enregistrée au greffe de la Cour le 3 mars 1989, par laquelle le président de la 8ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour M. Jean Y... ;
Vu la requête enregistrée au secrétariat du Conseil d'Etat le 26 décembre 1988 sous le n° 104176 et le mémoire complémentaire enregistré au greffe de la Cour le 27 avril 1990, présentés pour M. Jean Y... demeurant ... ; M. Y... demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du 26 octobre 1988 par lequel le Tribunal adm...

Vu la décision en date du 19 janvier 1989, enregistrée au greffe de la Cour le 3 mars 1989, par laquelle le président de la 8ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour M. Jean Y... ;
Vu la requête enregistrée au secrétariat du Conseil d'Etat le 26 décembre 1988 sous le n° 104176 et le mémoire complémentaire enregistré au greffe de la Cour le 27 avril 1990, présentés pour M. Jean Y... demeurant ... ; M. Y... demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du 26 octobre 1988 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers ne lui a accordé qu'une décharge partielle du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1979, 1980 et 1981 ;
2°) de prononcer la décharge totale de cette imposition ;
3°) d'ordonner que jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête, il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 1991 :
- le rapport de M. LALAUZE, conseiller ; - les observations de Me Z..., substituant Me X... pour M. Y... ; - et les conclusions de M. LABORDE, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 19 septembre 1991, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des impôts de Poitiers a prononcé le dégrèvement en droits et pénalités, à concurrence des sommes de 341.185 F, 510.606 F et de 196.951 F des compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. Y... a été assujetti au titre respectivement des années 1979, 1980 et 1981 ; que les conclusions de la requête de M. Y... relative à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre chargé du budget :
Considérant que si le ministre fait valoir que M. Y... n'aurait contesté les réintégrations effectuées par le service au titre des plus-values immobilières et des revenus de capitaux mobiliers pour l'année 1981, ni dans sa réclamation au directeur des services fiscaux ni dans sa demande de première instance, les conclusions du requérant sur ce point demeurent recevables dans la limite du dégrèvement total demandé par ladite réclamation ;
Sur la procédure d'imposition d'office :
Considérant qu'en vertu de l'article L 16 du livre des procédures fiscales, l'administration, peut, en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, demander des justifications au contribuable lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir qu'il peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ; que, selon l'article L 69 du même livre, le contribuable qui s'est abstenu de répondre à une telle demande de justifications, est taxé d'office à l'impôt sur le revenu ; qu'aux termes, enfin, de l'article L 193 du livre des procédures fiscales : "Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition" ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les revenus déclarés par M. Y... au titre des années 1979, 1980 et 1981 s'élevaient respectivement à 118.110 F, 232.225 F et 378.628 F, alors que les crédits inscrits sur ses comptes bancaires se montaient pour les mêmes années aux sommes de 1.322.702 F, 3.277.289 F et 1.048.653 F ; qu'en présence de telles discordances, l'administration doit être regardée, même préalablement à l'établissement de balances de trésorerie, comme ayant réuni des éléments permettant d'établir que M. Y... avait pu avoir des revenus supérieurs à ceux qu'il avait déclarés ; qu'ainsi elle a pu légalement adresser au requérant la demande prévue à l'article L 16 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en second lieu, que l'administration a adressé, les 30 janvier et 11 juillet 1983, à M. Y... des demandes de justification des soldes des balances de trésorerie faisant apparaître d'importants excédents de disponibilités pour chacune des années vérifiées ; qu'il résulte de l'instruction que M. Y... ne justifiant pas la provenance des sommes de 418.949 F pour 1979, 722.627 F pour 1980 et 244.303 pour 1981, a été régulièrement taxé d'office à concurrence desdits montants ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. Y... soutient que dans les avis d'imposition qui lui ont été adressés, les sommes contestées ont été irrégulièrement portées dans les colonnes "activités lucratives non professionnelles", cette erreur affectant un document destiné à l'information du contribuable est sans incidence sur l'imposition en cause ;
Considérant, en quatrième lieu, que contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration, lorsqu'elle procède à une imposition d'office du revenu global par application des articles L 69 et L 76 du livre des procédures fiscales, n'est tenue, d'une part, compte tenu des textes en vigueur à l'époque des faits, ni de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ni, d'autre part, de rattacher les sommes en cause à une catégorie particulière de revenus ;
Considérant enfin que, contrairement à ce que soutient M. Y..., il résulte des dispositions de l'article L 101 du livre des procédures fiscales que si l'administration fiscale a la faculté, après le prononcé d'une décision par une juridiction judiciaire, de consulter au greffe les pièces qui doivent être tenues à sa disposition, elle est également en droit, avant l'intervention d'une décision, d'obtenir de l'autorité judiciaire la communication des indications que celle-ci est susceptible de détenir ; qu'il appartient à l'autorité judiciaire, qu'elle soit ou non saisie d'une telle demande, d'apprécier souverainement si les renseignements et les pièces qu'elle détient sont ou non au nombre des indications qui, étant de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale, doivent être communiquées à l'administration des impôts ; que, dans ces conditions, c'est par une exacte application de ces dispositions que le service a pu obtenir du premier juge d'instruction au tribunal de grande instance de Poitiers, les conclusions de l'enquête portant sur le casino de la Roche Posay et qui lui ont adressées le 30 juin 1983 par la police des jeux ; qu'en notifiant le 7 novembre 1983 à M. Y... les redressements qu'elle se proposait d'apporter selon la procédure de taxation d'office à l'imposition de ses revenus, l'administration l'a suffisamment informé de la teneur des renseignements ainsi recueillis, et dont il n'est pas établi au demeurant qu'ils aient servi à l'établissement des impositions contestées, pour qu'il ait été mis à même de demander la communication des documents en cause avant la mise en recouvrement des impositions ; que contrairement à ce que soutient M. Y..., le service n'était pas tenu de communiquer de lui-même, en l'absence de toute demande de sa part, lesdites pièces ;
Sur le bien-fondé des impositions d'office :

Considérant que si M. Y... critique comme arbitraire l'évaluation faite par le service de son train de vie au cours de chacune des trois années en litige, il ne fournit aucun élément permettant de démontrer que ladite évaluation a été excessive ; que si le requérant conteste, en outre, la prise en compte de dépenses payées par chèques en emplois des balances de trésorerie établies par l'administration, il n'apporte pas la preuve que ces dépenses aient été déjà prises en compte par ailleurs ; qu'enfin pour tenter d'expliquer l'origine des sommes taxées d'office, M. Y... fait état d'un gain de 2.035.000 F réalisé en 1975 au Casino de Nouméa ; que, toutefois, il ne démontre pas qu'il avait encore toute ou partie de cette somme à sa disposition au début de la période vérifiée ; que dès lors, M. Y... ne peut être regardé comme apportant la preuve lui incombant de l'exagération des impositions mises à sa charge ;
Sur les revenus catégoriels :
En ce qui concerne la cession d'immeuble à la Lombarderie :
Considérant que si M. Y... soutient que la cession, en date du 11 septembre 1981, d'un immeuble situé à la Lombarderie, a été réalisée dans le cadre de son activité agricole, il n'est pas contesté que l'immeuble en cause, acquis moins de 10 ans auparavant n'avait pas le caractère d'une exploitation rurale ; que dès lors, le requérant, qui ne démontre pas l'absence d'intention spéculative dans l'opération, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la plus-value résultant de la vente susmentionnée a été imposée en application de l'article 35-A du code général des impôts ;
En ce qui concerne la cession de la propriété à la Vignaudière :
Considérant que M. Y... soutient que la vente, en date du 25 janvier 1980, d'une propriété agricole à la Vignaudière (Indre), qu'il avait achetée le 26 janvier 1977, n'a dégagé aucune plus-value en raison du montant des réparations qu'il y avait effectuées ; qu'en se bornant, cependant, à l'appui de son affirmation à produire un simple état récapitulatif des factures, il n'établit pas le montant des impenses déductibles de la plus-value réalisée ;
En ce qui concerne les dividendes de Nice-Matin :
Considérant que l'imposition litigieuse a pour origine un redressement effectué selon la procédure contradictoire prévue à l'article L 55 du livre des procédures fiscales ; qu'il appartient par suite à l'administration d'apporter la preuve de l'existence et du montant des dividendes qu'aurait perçus M. Y... en 1981 ; qu'elle ne s'acquitte pas de cette preuve en se bornant à produire à cet effet le bulletin de renseignements émanant de ses propres services ; que dès lors, le requérant est fondé à demander à être déchargé de l'imposition résultant de la réintégration desdits dividendes dans ses revenus imposables de 1981 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
En ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux :

Considérant que pour contester les redressements portant sur les revenus tirés de son activité de location d'avion, M. Y... soutient que le vérificateur, en ne faisant pas état du caractère non probant de sa comptabilité, n'a pas justifié le recours à la procédure de rectification d'office ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, notamment de la notification de redressement, qu'après avoir relevé la discordance entre les recettes déclarées et les recettes soumises à la T.V.A., la prise en compte dans les charges déductibles de la totalité des frais financiers et des amortissements inhérents à l'avion utilisé à titre privatif, ainsi que l'absence de comptabilisation des dépenses en carburant, le service a pu à bon droit écarter la comptabilité de M. Y... comme non probante et faire application des dispositions de l'article L 75 du livre des procédures fiscales ;
Sur les pénalités :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, l'administration, en retenant le caractère répété des omissions de déclaration d'une partie importante des revenus perçus par M. Y... au cours de chacune des années en litige, a justifié de l'application des pénalités prévues à l'article 1729 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif n'a pas fait droit à sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de 1981 dans la catégorie des revenus de placements immobiliers ;
Article 1er : A concurrence des sommes de 341.185 F, 510.606 F et 196.951 F en ce qui concerne le complément d'impôt sur le revenu auquel M. Y... a été assujetti respectivement au titre des années 1979, 1980 et 1981, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de sa requête.
Article 2 : La base de l'impôt sur le revenu assignée à M. Y... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers pour l'année 1981 est réduite de 35.040 F.
Article 3 : M. Y... est déchargé des droits et pénalités correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 2.
Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Poitiers en date du 26 octobre 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 89BX00932
Date de la décision : 30/12/1991
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02-05-02-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - TAXATION D'OFFICE - POUR DEFAUT DE REPONSE A UNE DEMANDE DE JUSTIFICATIONS (ART. 176 ET 179 DU CGI, REPRIS AUX ARTICLES L.16 ET L.69 DU LIVRE DES PROCEDURES FISCALES)


Références :

CGI 35, 1729
CGI Livre des procédures fiscales L16, L193, L69, L76, L101, L55, L75


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: LALAUZE
Rapporteur public ?: LABORDE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1991-12-30;89bx00932 ?
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