Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 9 mai 1989, présentée par la SARL FRUIT PORT dont le siège social est situé cours de la gare à Port Sainte Marie (47130), représentée par sa gérante en exercice ; la requérante demande à la Cour :
- d'annuler le jugement du 23 février 1989 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1982, 1983 et 1984 dans les rôles de la commune de Port Sainte Marie ;
- de lui accorder le dégrèvement desdites impositions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 1992 :
- le rapport de Melle ROCA, conseiller ;
- les observations de Maître BERGERES, avocat de la Société FRUIT PORT ;
- et les conclusions de M. CIPRIANI, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R.201 du code des tribunaux administratifs, alors applicable à la procédure contentieuse en matière fiscale : "L'avertissement du jour où la requête sera portée en séance ... n'est donné qu'aux parties qui ont fait connaître, antérieurement à la fixation du rôle, leur intention de présenter des observations orales" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL FRUIT PORT avait demandé expressément dans son mémoire introductif d'instance à être informée de la date de l'audience au cours de laquelle le tribunal administratif de Bordeaux serait appelé à statuer sur sa demande ; que le tribunal était tenu, dès lors, de la convoquer à la séance publique ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle convocation lui aurait été adressée ; qu'ainsi le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 23 février 1989 doit être annulé comme rendu sur une procédure irrégulière ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SARL FRUIT PORT devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :
Considérant que selon l'article 44 ter se référant à l'article 44 bis du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux exercices en litige, ne pouvaient bénéficier des exonérations d'impôt prévues par ses dispositions les entreprises constituées sous forme de sociétés qui avaient été "créées dans le cadre d'une concentration ou d'une restructuration d'activités préexistantes ou pour la reprise de telles activités", ou dont les droits de vote étaient "détenus, directement ou indirectement, pour plus de 50 % par d'autres sociétés" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL FRUIT PORT qui a pour activité principale l'achat, la vente et le conditionnement de fruits, dont les kiwis, a été créée le 10 juin 1981 par MM. Guy, Jacques et Pierre X... qui détiennent chacun 1/3 de son capital, à la suite de la liquidation de la société coopérative POSAMA qui exerçait la même activité, à l'exception de l'achat, la vente et la commercialisation de kiwis ; que la société requérante a acquis, lors de cette liquidation, la marque commerciale "POSAMA" ainsi qu'un stock d'emballages marqués à ce sigle pour la somme de 50.000 F ; qu'elle utilise la majeure partie des locaux et des matériels qui étaient précédemment détenus par la société coopérative et qui lui sont loués, au terme d'une convention conclue le 7 septembre 1981, par le GAEC de Japienou, crée en 1977 par MM. Guy, Jacques et Pierre X... ; qu'elle a embauché deux employés de la société coopérative licenciés après sa fermeture ; que le GAEC de Japienou a cessé à compter de l'année 1981 d'assurer lui-même la vente de sa récolte de kiwis, et est devenu, tous fruits confondus, le principal fournisseur de la SARL FRUIT PORT ; qu'ainsi la société requérante doit être considérée comme ayant été créée pour la reprise d'activités préexistantes exercées par la société coopérative POSAMA et, pour partie, par le GAEC de Japienou ; que, par suite, même dans l'hypothèse où les droits de vote des associés de la SARL FRUIT PORT seraient considérés comme n'étant pas détenus, directement ou indirectement, pour plus de 50 % par d'autres sociétés, celle-ci n'est pas fondée à solliciter le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 ter du code général des impôts ; que c'est donc à bon droit que l'administration a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 1982, 1983 et 1984 ;
Sur les pénalités :
Considérant que les impositions litigieuses ont été assorties d'intérêts de retard dont la société requérante demande la décharge en se fondant sur les dispositions de l'article 1728, alinéa 2, du code général des impôts ;
Considérant qu'aux termes de cet article, dans sa rédaction applicable aux années litigieuses : "Lorsqu'un contribuable fait connaître, par une indication expresse portée sur la déclaration ou l'acte, ou dans une note y annexée, les motifs de droit ou de fait pour lesquels il ne mentionne pas certains éléments d'imposition en totalité ou en partie, ou donne à ces éléments une qualification qui entraînerait, si elle était fondée, une taxation atténuée, ou fait état de déductions qui sont ultérieurement reconnues injustifiées, les redressements opérés à ces titres n'entraînent pas l'application de l'indemnité ou de l'intérêt de retard prévu ci-dessus." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL FRUIT PORT s'est bornée, pour chaque exercice litigieux, à indiquer dans une note annexée à sa déclaration qu'elle demandait l'exonération de l'impôt sur les sociétés conformément à l'article 44 ter du code général des impôts et qu'elle s'engageait, en vertu de ce même article, à maintenir dans l'exploitation la totalité du résultat de l'exercice concerné ; qu'en l'absence de précisions complémentaires, l'intéressée n'a pas mis l'administration à même de vérifier si elle remplissait les conditions exigées pour l'application de l'article invoqué ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à demander la décharge des intérêts de retard mis à sa charge au titre des trois exercices litigieux ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 23 février 1989 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SARL FRUIT PORT devant le tribunal administratif de Bordeaux et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.