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25/02/1993 | FRANCE | N°90BX00281;90BX00349

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2e chambre, 25 février 1993, 90BX00281 et 90BX00349


Vu 1°) la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au greffe de la cour les 21 mai et 27 juillet 1990 sous le n° 90BX00281 présentés par le secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé de l'environnement et de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs ;
Le secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé de l'environnement et de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs demande que la cour :
- annule le jugement du 6 mars 1990 par lequel le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à payer à Mme du Y...

et à Mme X... la somme de 321.911 F en réparation du préjudice subi du...

Vu 1°) la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au greffe de la cour les 21 mai et 27 juillet 1990 sous le n° 90BX00281 présentés par le secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé de l'environnement et de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs ;
Le secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé de l'environnement et de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs demande que la cour :
- annule le jugement du 6 mars 1990 par lequel le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à payer à Mme du Y... et à Mme X... la somme de 321.911 F en réparation du préjudice subi du fait des nuisances sonores et olfactives provoquées par la mauvais fonctionnement de la station d'épuration située à proximité de leur camping ;
- mette à la charge du maître d'ouvrage la totalité de la réparation du préjudice subi par les requérantes ainsi que les frais de procès et d'expertise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 1993 :
- le rapport de M. BARROS, conseiller ; - les observations de Me Etchegaray, avocat de Mmes du Y... et X... ; - et les conclusions de M. de MALAFOSSE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le recours du secrétaire d'Etat auprès du premier ministre chargé de l'environnement et de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs et la requête de la COMMUNE DE SAINT-PEE-SUR-NIVELLE sont dirigés contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant que par le jugement du 6 mars 1990 le tribunal administratif de Pau a condamné la COMMUNE DE SAINT-PEE-SUR-NIVELLE et l'Etat à payer respectivement à Mme du Y... et à Mme X... la somme de 99.242 F et de 321.911 F avec intérêt au taux légal à compter du 28 décembre 1988 ; que par la voie de l'appel principal l'Etat et la commune demandent l'annulation de ce jugement ; que par la voie de l'appel incident Mme du Sire et Mme Pujo demandent la condamnation solidaire de l'Etat, de la COMMUNE DE SAINT-PEE-SUR-NIVELLE et du syndicat intercommunal d'assainissement de la Haute-vallée de la Nivelle à réparer leur préjudice, à supporter les frais d'expertise et à leur payer 10.000 F au titre des frais irrépétibles ainsi qu'à procéder sous astreinte de 5.000 F par jour à exécuter aux frais de la société ORMA les mesures prescrites par l'expert ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les nuisances dont se plaignent Mmes du Y... et X... sont causées, d'une part, par le bruit émis par la station d'épuration des eaux usées construite en bordure du camping qu'elles exploitent à Saint-Pée-sur-Nivelle et, d'autre part, par les odeurs nauséabondes provenant du point d'arrivée en amont de la station de l'effluent résiduaire, odeurs provoquées par la fermentation de déchets de poissons rejetés dans l'égout public par la conserverie de poissons "ORMA" ;
Considérant, en premier lieu, que, s'agissant du bruit émis par la station d'épuration, il ne résulte pas de l'instruction que le préjudice commercial dont font état Mmes du Y... et X... lui soit imputable ; qu'en effet, la plupart des témoignages versés au dossier et émanant de clients du camping situé non loin d'une route fréquentée font ressortir que les reproches formulés à l'égard de l'établissement concernent les odeurs qui se dégagent à proximité de la station d'épuration ; qu'il suit de là que Mmes du Y... et X... ne sont pas fondées sur ce point à demander réparation du préjudice dont elles se prévalent ;

Considérant, en second lieu, que, pour ce qui est des nuisances olfactives, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par les premiers juges, qu'elles n'ont pas pour origine la station d'épuration elle-même mais le rejet par la conserverie ORMA, établissement déclaré au sens des dispositions de la loi du 19 juillet 1976, de déchets de poissons dans le réseau public des eaux usées ; que, dans les circonstances de l'espèce, aucun péril imminent n'exigeait que le maire se substituât au préfet pour faire respecter par l'entreprise ORMA les dispositions applicables à son installation ; qu'il suit de là que la responsabilité de la COMMUNE DE SAINT-PEE-SUR-NIVELLE ne saurait être retenue ; qu'en revanche, il résulte du rapport d'expertise déposé en avril 1986 devant le tribunal administratif de Pau que toutes les eaux utilisées par l'entreprise ORMA pour le traitement de calmars rejoignent un dégrilleur automatique mal entretenu et que lors de la vidange des bacs de décongélation il y a débordement avec rejet direct dans le réseau collectif de l'effluent non pré-traité y compris les déchets de poisson ; qu'il suit de là, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par l'Etat, qu'en laissant se poursuivre l'exploitation sans faire usage des pouvoirs que lui confère la loi du 19 juillet 1976 et notamment son article 11 et sans lui imposer aucune prescription de nature à remédier aux nuisances qu'elle engendrait, le préfet qui était représenté aux opérations d'expertise ordonnées par les premiers juges a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que, toutefois, pour tenir compte du délai raisonnable dont devait disposer l'administration pour agir, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de fixer au 1er janvier 1987 la date à laquelle la responsabilité de l'Etat est engagée ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les nuisances olfactives en question ont pour conséquence directe une perte de bénéfice pour Mmes du Y... et X... ; que compte-tenu de ce qui a été dit ci-dessus, celles-ci n'ont droit à la réparation du préjudice dont elles font état qu'au titre des seules années 1987 et 1988 ; qu'il résulte du rapport de l'expert et qu'il n'est pas contesté que la perte de bénéfice a été évaluée à 96.688 F pour 1987 et 80.819 F pour 1988 ; qu'il y a donc lieu de condamner l'Etat à leur payer la somme de 177.500 F qui portera intérêt au taux légal à compter du 28 décembre 1988 date d'enregistrement de la demande ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 7 septembre 1991 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les frais d'expertise exposés en première instance :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstance de l'affaire de mettre l'intégralité de ces frais à la charge de l'Etat ;
Sur les conclusions de Mmes du Y... et X... tendant à ce qu'il soit ordonné de faire procéder aux frais de l'exploitant aux travaux préconisés par l'expert :
Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration ;
Sur les frais irrépétibles :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner l'Etat à verser à Mmes du Y... et X... en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel une somme de 10.000 F au titre des frais irrépétibles qu'elles ont exposés tant en première instance qu'en appel ;
Article 1er : Les articles 1, 6 et 7 du jugement du tribunal administratif de Pau du 6 mars 1990 sont annulés.
Article 2 : L'indemnité à laquelle l'Etat a été condamné par l'article 2 du jugement du 6 mars 1990 est ramenée à cent soixante dix sept mille cinq cents francs (177.500 F) ; cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 1988. Les intérêts échus le 7 septembre 1991 seront capitalisés à cette date.
Article 3 : Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge de l'Etat.
Article 4 : L'Etat versera à Mmes du Y... et X... une somme de dix mille francs (10.000 F) en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de l'Etat et de Mmes du Y... et X... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 90BX00281;90BX00349
Date de la décision : 25/02/1993
Sens de l'arrêt : Annulation partielle indemnité
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSEES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - REGIME JURIDIQUE - POUVOIRS DU PREFET - CONTROLE DU FONCTIONNEMENT DE L'INSTALLATION - Préfet n'ayant pas imposé à l'exploitant les prescriptions de nature à faire cesser les nuisances produites par le fonctionnement de l'installation - Abstention engageant la responsabilité de l'Etat (1).

44-02-02-01-03, 44-02-03, 60-01-03-04 Il résulte de l'article 11 de la loi du 19 juillet 1976 modifiée relative aux installations classées pour la protection de l'environnement que lorsqu'une installation soumise à déclaration a été effectivement déclarée mais fonctionne dans des conditions telles qu'elle porte atteinte à l'environnement, le préfet peut par arrêté imposer toutes prescriptions spéciales nécessaires. En s'abstenant de prendre de telles mesures à l'égard d'une conserverie de poissons qui rejetait ses effluents dans le collecteur des eaux usées domestiques et alors que ses services étaient informés de cet état de fait depuis longtemps, le préfet a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

- RJ1 NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSEES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - RESPONSABILITE - Responsabilité de l'Etat à raison de l'abstention du préfet à imposer à l'exploitant les prescriptions de nature à faire cesser les nuisances produites par le fonctionnement de l'exploitation (1).

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS SUSCEPTIBLES D'ENGAGER LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - OMISSIONS - Existence d'une faute - Contrôle des installations classées pour la protection de l'environnement - Préfet s'étant abstenu d'imposer à l'exploitant les prescriptions de nature à faire cesser les nuisances produites par le fonctionnement de l'installation (1).


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 76-663 du 19 juillet 1976 art. 11

1.

Rappr. CE, 1974-02-15, Ministre du développement industriel et scientifique c/ Sieur Arnaud, p. 114 ;

CE, 1986-07-11, Ministre de l'environnement c/ Michallon, n° 61719


Composition du Tribunal
Président : M. Beyssac
Rapporteur ?: M. Barros
Rapporteur public ?: M. de Malafosse

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1993-02-25;90bx00281 ?
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