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17/05/1994 | FRANCE | N°93BX000541

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, 17 mai 1994, 93BX000541


Vu le recours du MINISTRE DU BUDGET enregistré le 17 mai 1993 au greffe de la cour ;
Le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 21 janvier 1993 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a déchargé la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel du Gard de la taxe sur la valeur ajoutée et la taxe sur les salaires auxquelles cette banque a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre de la même année et de l'exercice clos en 1984 ;
2°) de rétablir les impositions dont le dégrèvement a été ordonné par l

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3°) d'annuler la condamnation de l'Etat à payer à la caisse ...

Vu le recours du MINISTRE DU BUDGET enregistré le 17 mai 1993 au greffe de la cour ;
Le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 21 janvier 1993 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a déchargé la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel du Gard de la taxe sur la valeur ajoutée et la taxe sur les salaires auxquelles cette banque a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre de la même année et de l'exercice clos en 1984 ;
2°) de rétablir les impositions dont le dégrèvement a été ordonné par ledit jugement ;
3°) d'annuler la condamnation de l'Etat à payer à la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel du Gard une somme de 30.000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 91-716 du 26 juillet 1991 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 avril 1994 :
- le rapport de M. LOOTEN, conseiller ; - et les conclusions de M. CATUS, commissaire du gouvernement ;

Sur l'application de la loi fiscale :
En ce qui concerne la taxe sur valeur ajoutée :
Considérant qu'aux termes de l'article 212 de l'annexe II du code général des impôts : "Les assujettis qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations égale au montant de cette taxe multipliée par le rapport existant entre le montant annuel des recettes afférentes à des opérations ouvrant droit à déduction et le montant annuel des recettes afférentes à l'ensemble des opérations réalisées" ; qu'aux termes de l'article 19 de la 6e directive du Conseil des Communautés européennes : "- 1- Le prorata de déduction résulte d'une fraction comportant : - au numérateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction ... - au dénominateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations qui n'ouvrent pas droit à déduction ..." ; qu'enfin, aux termes de l'article 7-1 de la loi susvisée du 26 juillet 1991 : "Pour l'application de l'article 256 du code général des impôts, les opérations mentionnées aux "d" et "e" du 1° de l'article 261 C du même code sont considérées comme des prestations de service. Le chiffre d'affaires afférent à ces opérations est constitué par le montant des profits et autres rémunérations. Cette disposition présente un caractère interprétatif sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée" ;
Considérant que, pour déterminer, ainsi que le prescrit l'article 212 précité de l'annexe II au code général des impôts, le prorata de déduction de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle pouvait prétendre au titre de l'année 1984, la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel du Gard a retenu, dans le calcul du dénominateur et du numérateur du rapport entre les recettes taxables et les recettes totales, le montant total des devises livrées aux clients ; que le service, estimant que les recettes des opérations de change ne comprennent que le profit brut réalisé par les établissements bancaires, a rectifié en conséquence le prorata ainsi déterminé ;

Considérant que le système de la taxe sur valeur ajoutée repose sur la taxation, à chaque étape du processus économique, de la seule valeur ajoutée propre à celle-ci ; que cette règle a pour corollaire la déduction de la taxe d'amont ayant frappé les biens et services acquis pour l'exercice d'une activité taxable ; que lorsque des biens et services concourent à l'exercice à la fois d'activités taxables et d'activités non taxables, la déduction n'est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux opérations ouvrant droit à déduction ; que le droit à déduction est alors déterminé par un prorata résultant, en application de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, qui a transposé les dispositions de l'article 19-I de la 6e directive du Conseil des Communautés européennes en date du 17 juin 1977, d'une fraction comportant au numérateur, le montant annuel des recettes afférentes aux opérations ouvrant droit à déduction, et au dénominateur, le montant annuel des recettes afférentes à l'ensemble des opérations réalisées ; qu'au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, les opérations de change, et notamment de change manuel, même si elles donnent lieu à un contrat d'achat et de vente portant sur les devises, consistent en un échange d'instruments de paiement, dans lequel l'intervention de l'établissement bancaire ne peut être regardée que comme une prestation de service, dont la rémunération est constituée par la commission perçue et le profit de change réalisé ; que c'est cette rémunération, et non le prix total des devises échangées, qui constitue, pour l'établissement bancaire qui procède à l'opération, la recette au sens de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts ; que le I de l'article 7 de la loi n° 91-719 du 26 juillet 1991, à caractère interprétatif, dans la mesure où il dispose que les opérations mentionnées au d) du 1° de l'article 261 C du code général des impôts, parmi lesquelles figurent les opérations de change, notamment de change manuel, doivent être regardées comme des prestations de services dont le chiffre d'affaires est constitué par le montant des profits et autres rémunérations, se borne à expliciter la règle de droit déjà applicable, avant l'intervention dudit article, aux opérations de change et ne saurait porter atteinte aux principes de "sécurité juridique" et de "confiance légitime", dont le non-respect ne peut, en tout état de cause, avoir pour effet de faire obstacle à l'application de la loi ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de saisir la cour de justice de la Communauté Européenne d'une question préjudicielle relative à la conformité au droit communautaire de l'article 7-1 de la loi précitée du 26 juillet 1991, il doit être considéré que pour la période antérieure au 29 juillet 1991, pendant laquelle il résultait des dispositions combinées de l'article 256-I du d) du 1°) de l'article 261 C et de l'article 260 B du code général des impôts que les opérations portant sur les devises, parmi lesquelles les opérations de change manuel, étaient exonérées de taxe sur la valeur ajoutée, mais pouvaient être assujetties sur option, cette rémunération constitue le chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, et peut seule figurer tant au numérateur en cas d'option qu'au dénominateur, dans tous les cas, du rapport servant à calculer la fraction de taxe déductible ;
En ce qui concerne la taxe sur les salaires :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 231 du code général des impôts que l'assiette de la taxe sur les salaires due par les personnes ou organismes qui ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement des rémunérations "est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total" ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, que pour le calcul du rapport visé par l'article 231.1 du code général des impôts, il y a lieu d'évaluer le chiffre d'affaires réalisé sur les opérations de change manuel au montant du profit brut réalisé sur ces opérations ; que, par suite, l'administration a fait, en l'occurrence, une correcte application de l'article 231.1 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts pour prononcer les dégrèvements litigieux ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel du Gard ;
Sur le bénéfice de la doctrine administrative :
Considérant que si l'instruction de la direction générale des impôts 3 L-1-79, en date du 31 janvier 1979 qualifie les opérations de change manuel de "livraisons de biens meubles corporels", cette position n'a été admise qu'au point de vue de la territorialité et du fait générateur de l'impôt, et ne comporte aucune interprétation formelle relative à l'assiette de la taxe ou l'étendue du droit à déduction ;
Sur la demande de compensation présentée par la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel du Gard :

Considérant que, se fondant sur les dispositions de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel du Gard demande la compensation entre le montant des droits redressés et les dégrèvements qui résulteraient, pour le calcul du prorata de l'article 212 de l'annexe II précité au code général des impôts, d'une évaluation du chiffre d'affaires non taxable qui déduirait des recettes le montant des intérêts versés à la caisse nationale de Crédits Agricole en contrepartie des avances consenties par cette dernière, pour la réalisation des opérations litigieuses ;
Mais considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 266 I du code général des impôts et 212 de l'annexe II à ce code que les recettes à prendre en compte pour le calcul du prorata prévu par ledit article 212 II de l'annexe II au code général des impôts sont constituées, pour les opérations financières et bancaires, par le profit brut réalisé à l'occasion de ces opérations ; que l'instruction administrative 3-L-1-79 du 31 janvier 1979 ne donne pas une définition différente des recettes sur opérations financières ou bancaires ; que contrairement à ce qu'affirme la caisse, l'administration, qui pour le calcul du prorata prévu par l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts a pris en compte, pour l'évaluation des différentes recettes, les profits bruts réalisés, n'a pas retenu des définitions différentes de la notion des recettes, pour le calcul du prorata, selon que les opérations sont ou ne sont pas imposables à la taxe sur la valeur ajoutée ; que si la caisse soutient que cette définition de ses recettes serait défavorable au crédit agricole, ce moyen ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'une imposition établie conformément à la loi ; qu'en conséquence, la demande de compensation qu'elle présente ne saurait prospérer ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a prononcé la décharge litigieuse et à solliciter le rétablissement de la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel du Gard aux impositions contestées ainsi que le remboursement de la somme de 3.000 F que l'Etat a été indûment condamné à verser à cet établissement au titre des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : Le jugement en date du 21 janvier 1993 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La taxe sur la valeur ajoutée et la taxe sur les salaires auxquelles la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel du Gard a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre de la même année et de l'exercice clos en 1984 sont remises intégralement à sa charge.
Article 3 : La somme de 3.000 F que l'Etat a été condamné à verser à la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel du Gard au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel lui sera reversée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 93BX000541
Date de la décision : 17/05/1994
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-06-02-08-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - LIQUIDATION DE LA TAXE - DEDUCTIONS


Références :

CEE Directive 388-77 du 17 mai 1977 Conseil art. 16
CGI 261 C, 260 B, 231, 266
CGI Livre des procédures fiscales L205
CGIAN2 212
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Instruction 3L-1-79 du 31 janvier 1979
Loi 91-719 du 26 juillet 1991 art. 7-1, art. 7


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LOOTEN
Rapporteur public ?: M. CATUS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1994-05-17;93bx000541 ?
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