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30/05/1994 | FRANCE | N°91BX00038

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3e chambre, 30 mai 1994, 91BX00038


Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux respectivement le 23 janvier 1991 et le 6 mars 1992, présentés pour M. Gérard X... demeurant ... (Hauts-de-Seine), par la S.C.P. Tiffreau-Thouin-Palat, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
M. X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 27 novembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à ce que soit ordonnée, sous astreinte de 1.000 F par jour, sa réintégration dans un

poste de médecin-chef de service, d'autre part, à ce que l'Etat so...

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux respectivement le 23 janvier 1991 et le 6 mars 1992, présentés pour M. Gérard X... demeurant ... (Hauts-de-Seine), par la S.C.P. Tiffreau-Thouin-Palat, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
M. X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 27 novembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à ce que soit ordonnée, sous astreinte de 1.000 F par jour, sa réintégration dans un poste de médecin-chef de service, d'autre part, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 135.300 F avec intérêts capitalisés au titre de la perte de salaires subie du 8 octobre 1984 au 8 octobre 1985 en raison du refus de réintégration opposé par l'administration, la somme de 520.480 F avec intérêts capitalisés à raison de la perte de salaires subie, pour le même motif, du 8 octobre 1985 au 8 janvier 1987, la somme de 300.000 F en réparation du préjudice moral et professionnel ;
2°) de faire droit à ses conclusions présentées en première instance ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 1994 :
- le rapport de M. de MALAFOSSE, conseiller ; - et les conclusions de M. CIPRIANI, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un jugement en date du 24 mai 1978, devenu définitif, le tribunal administratif de Nice a annulé pour vice de forme "l'arrêté du préfet du Var en date du 10 juin 1974 mettant fin aux fonctions de médecin neuropsychiatre à mi-temps que le docteur X... exerçait à titre provisoire depuis le 1er mai 1969" ; que, par un jugement du 25 avril 1985, devenu lui aussi définitif, le même tribunal a jugé injustifiée ladite mesure, eu égard aux faits reprochés à l'intéressé, et a condamné l'Etat à verser à M. X... une indemnité de 300.000 F au titre des préjudices subis du 17 septembre 1974 au 8 octobre 1984, l'intéressé n'ayant pas été réintégré dans ses fonctions ou dans un emploi équivalent ; que le requérant demande l'annulation du jugement du 27 novembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à être réintégré sous astreinte dans un poste de médecin-chef de service et à obtenir réparation des pertes de revenu afférentes à la période du 8 octobre 1984 au 8 janvier 1987 et du "préjudice moral et professionnel" résultant du refus de l'administration de le réintégrer et de reconstituer sa carrière ; que, toutefois le requérant ne critique pas ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin de réintégration ;
Considérant que si le requérant soutient que le jugement attaqué a été rendu sur une procédure irrégulière, il n'apporte pas les précisions utiles permettant d'apprécier le bien-fondé de ce moyen ;
Considérant qu'en exécution du jugement précité du tribunal administratif de Nice en date du 24 mai 1978, l'administration était tenue de réintégrer M. X... soit dans un emploi équivalent à celui qu'il occupait avant son éviction, soit, à défaut d'emploi équivalent vacant, dans l'emploi même qu'il occupait ; que le ministre des affaires sociales n'a, à aucun moment de la procédure, contesté qu'il lui appartenait de procéder aux mesures qu'impliquait l'annulation de la mesure d'éviction ;
Sur les conclusions tendant à l'indemnisation des pertes de revenus subies au cours de la période du 8 octobre 1984 au 8 octobre 1985 :
Considérant qu'il est constant que M. X... a exercé, au cours de ladite période, des fonctions de médecin adjoint contractuel à plein temps dans un établissement public départemental ; qu'il ne conteste pas que la rémunération qu'il a perçue à ce titre était supérieure à celle qui lui aurait été versée s'il avait été réintégré dans les fonctions qu'il occupait avant son éviction illégale intervenue le 10 juin 1974 ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant au versement de la différence entre les salaires qu'il aurait perçus s'il avait été régulièrement réintégré et ceux qu'il a effectivement perçus au cours de ladite période ;
Sur les conclusions tendant à la réparation du "préjudice moral et professionnel" invoqué :

Considérant que, tant dans sa réclamation en date du 29 juillet 1985 que dans ses réclamations ultérieures adressées à l'administration, le requérant n'a pas fait état d'un tel préjudice ; que, par suite, lesdites conclusions, sur lesquelles le contentieux n'a pas été lié devant le juge, ne sont pas recevables ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté les conclusions dont s'agit ;
Sur les conclusions tendant à l'indemnisation des pertes de revenus subies au cours de la période du 8 octobre 1985 au 8 janvier 1987 :
Considérant que si, dans sa réclamation en date du 29 juillet 1985, M. X... ne visait pas la période dont s'agit, il a, dans sa réclamation en date du 24 avril 1986, sollicité "le paiement du salaire différentiel résultant de la non-application par le ministère du jugement du tribunal administratif de Nice" ; qu'une telle demande a lié le contentieux sur ce chef de préjudice ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables les conclusions de M. X... tendant à la réparation des pertes de revenus subies du 8 octobre 1985 au 8 janvier 1987 ; que son jugement doit, sur ce point, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions ;
Considérant qu'il résulte des mentions des jugements précités du tribunal administratif de Nice que M. X... exerçait à l'institut médico-pédagogique du Haut-Var, avant son éviction illégale, des fonctions de "médecin auxiliaire employé à mi-temps" ou de "médecin neuropsychiatre à mi-temps ... à titre provisoire" ; que si le requérant soutient qu'il était médecin-chef titulaire, il n'apporte, à l'appui de cette allégation, aucune preuve ni même aucun commencement de preuve ; que, compte tenu de la rémunération dont l'intéressé a été privé et eu égard à la circonstance, non contestée, qu'il était alors sans emploi, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi au titre de la perte de revenus pour la période dont s'agit en fixant à 180.000 F l'indemnité due par l'Etat de ce chef ;
Sur les autres chefs de préjudice invoqués :
Considérant, en premier lieu, que si le requérant fait état, dans son mémoire produit le 29 septembre 1993 des frais qu'il a dû supporter en vue de reprendre une activité libérale, il ne donne aucune indication sur les revenus que lui procure cette activité et ne démontre donc pas en quoi l'engagement desdits frais a été générateur d'un préjudice que l'Etat devrait réparer ;
Considérant, en second lieu, que le requérant n'apporte aucune justification permettant d'apprécier l'existence et le montant du préjudice qui résulterait de la "perte du droit à la retraite de praticien hospitalier", ce préjudice devant être évalué compte tenu des droits constitués au titre de l'activité libérale qu'il exerce depuis une date d'ailleurs non précisée ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que M. X... a droit aux intérêts au taux légal, sur la somme de 180.000 F allouée par le présent arrêt, à compter de la date de réception de sa réclamation du 24 avril 1986 ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 23 janvier 1991 et le 29 septembre 1993 ; qu'à chacune de ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément à l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. X... tendant à l'indemnisation des pertes de revenus subies au cours de la période du 8 octobre 1985 au 8 janvier 1987.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X... la somme de 180.000 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la réception de la réclamation préalable en date du 24 avril 1986. Les intérêts échus le 23 janvier 1991 et le 29 septembre 1993 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 91BX00038
Date de la décision : 30/05/1994
Type d'affaire : Administrative

Analyses

36-13-03 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE - CONTENTIEUX DE L'INDEMNITE


Références :

Code civil 1154


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. DE MALAFOSSE
Rapporteur public ?: M. CIPRIANI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1994-05-30;91bx00038 ?
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