Vu 1°) la requête enregistrée le 27 septembre 1993 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, présentée par Mme Veuve Y... née A...
Z... déclarant être domiciliée chez son fils Jean-Pierre Y...
X..., gendarmerie nationale, Ouagadougou 01 BP 361 (Burkina-Faso) ;
Mme Veuve Y... demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 7 avril 1993 du tribunal administratif de Poitiers en tant que ce jugement ne fait pas intégralement droit à sa demande tendant à ce que soient reconnus, d'une part, son droit à percevoir la totalité des droits acquis par son mari, décédé le 22 septembre 1950, au titre de la pension militaire de retraite dont il était titulaire, d'autre part, son droit à pension de réversion à compter de ce décès ;
2°) de faire intégralement droit à sa demande présentée devant le tribunal administratif de Poitiers ;
3°) de condamner l'Etat à réparer le préjudice moral et matériel subi par son mari et ses ayants droit en raison de la non-exécution de la décision administrative reconnaissant les droits à pension réclamés ;
Vu 2°) le recours enregistré le 3 novembre 1993, présenté par le MINISTRE DU BUDGET ; le MINISTRE DU BUDGET demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement précité du tribunal administratif de Poitiers en date du 7 avril 1993 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Veuve Y... devant le tribunal administratif de Poitiers ;
Vu 3°) le recours enregistré le 29 octobre 1993, présenté par le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE LA DEFENSE ;
Le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE LA DEFENSE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement précité du tribunal administratif de Poitiers du 7 avril 1993 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Veuve Y... devant le tribunal administratif de Poitiers ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 février 1995 :
- le rapport de M. de MALAFOSSE, conseiller ;
- et les conclusions de M. CIPRIANI, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le recours du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE LA DEFENSE, le recours du MINISTRE DU BUDGET et la requête de Mme Veuve Y... présentent les mêmes questions à juger ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;
Sur les conclusions de Mme Veuve Y... tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer le préjudice subi pour non-exécution de décisions administratives :
Considérant que ces conclusions sont nouvelles en appel et ne sont, par suite, pas recevables ;
Sur les droits à pension de réversion de Mme Veuve Y... :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Michel Y..., ancien sergent de l'armée française, a été radié des cadres le 26 janvier 1946 et qu'une pension militaire de retraite lui a été concédée à compter de cette date ; qu'il est décédé le 22 septembre 1950 ; que sa veuve, selon ses propres dires, a déposé une demande de pension de réversion à la fin de l'année 1950 ; qu'elle n'établit pas qu'il a été fait droit à cette demande ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, la décision d'octroyer à M. Y... une pension n'a pas créé en sa faveur un droit à percevoir une pension de réversion à compter du décès de son mari ; qu'ainsi, ladite demande de pension de réversion a donné lieu, en 1951, à une décision implicite de rejet qui est devenue définitive faute d'avoir été contestée devant le Conseil d'Etat dans le délai de recours contentieux prévu à l'article 51 de l'ordonnance du 31 juillet 1945 alors applicable ; que les décisions explicites du 24 décembre 1969 et du 14 juin 1989 par lesquelles le MINISTRE DE LA DEFENSE, a rejeté les demandes ultérieures de pension de réversion formées par l'intéressée ont revêtu un caractère confirmatif et n'ont donc pas eu pour effet de rouvrir le délai de recours contentieux ; que Mme Veuve Y... qui était, dès lors, sans droit à pension, n'était pas fondée à contester devant le tribunal administratif le refus opposé le 14 juin 1989 par le MINISTRE DE LA DEFENSE à sa demande ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE LA DEFENSE et le MINISTRE DU BUDGET sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a partiellement fait droit à la demande de pension de réversion de Mme Veuve Y..., en lui reconnaissant des droits supérieurs à ceux qui lui ont été concédés par un arrêté du 21 janvier 1991 ; qu'il y a lieu, par conséquent, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme Veuve Y... tendant à la réversion de la pension militaire de retraite dont était titulaire son mari, de prononcer un non-lieu à statuer sur ces conclusions à hauteur des droits concédés à l'intéressée par l'arrêté précité du 21 janvier 1991, et de rejeter le surplus de ces conclusions ;
Sur les conclusions de Mme Veuve Y... tendant à obtenir paiement des droits acquis par son mari avant son décès :
Considérant que Mme Veuve Y... a demandé au tribunal administratif de Poitiers et demande en appel que soient reconnus ses droits à percevoir les arrérages de pension de retraite acquis par son mari avant son décès et qui n'auraient jamais été versés ; que l'administration n'a présenté aucune observation en défense relative à ces conclusions, sur lesquelles le tribunal administratif a omis de statuer ; que l'état du dossier ne permet pas à la cour de se prononcer sur le bien-fondé de ces conclusions ; qu'il y a donc lieu, sur ce point, d'ordonner un supplément d'instruction aux fins précisées par l'article 4 du présent arrêt ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 7 avril 1993 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme Veuve Y... tendant à obtenir la réversion de la pension militaire de retraite dont était titulaire son mari.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme Veuve Y... visées à l'article 1er ci-dessus, à concurrence des droits qui ont été reconnus à l'intéressée par l'arrêté de concession de pension du 21 janvier 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme Veuve Y... visées à l'article 1er ci-dessus ainsi que ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à une indemnité sont rejetés.
Article 4 : Avant dire droit sur les conclusions de Mme Veuve Y... tendant à obtenir paiement des droits acquis par son mari avant son décès, au titre de la pension militaire de retraite dont il était titulaire, il sera procédé à un supplément d'instruction à l'effet d'inviter le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE LA DEFENSE et le MINISTRE DU BUDGET à produire leurs observations en défense sur ces conclusions. Un délai de deux mois est imparti auxdits ministres à compter de la notification du présent arrêt, pour produire ces observations.