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03/07/1995 | FRANCE | N°93BX00358

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2e chambre, 03 juillet 1995, 93BX00358


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 29 mars 1993 présentée pour MM. Y... et X..., domiciliés ... ;
MM. Y... et X... demandent à la cour :
- de réformer le jugement en date du 23 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a condamné solidairement M. Y..., architecte et la société anonyme C.I.M. Massol à payer au département de l'Aveyron la somme de 848.400 F avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 1990 ainsi que celle de 5.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives

d'appel, a mis à leur charge la somme de 36.025,34 F représentant les...

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 29 mars 1993 présentée pour MM. Y... et X..., domiciliés ... ;
MM. Y... et X... demandent à la cour :
- de réformer le jugement en date du 23 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a condamné solidairement M. Y..., architecte et la société anonyme C.I.M. Massol à payer au département de l'Aveyron la somme de 848.400 F avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 1990 ainsi que celle de 5.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, a mis à leur charge la somme de 36.025,34 F représentant les frais d'expertise et enfin a condamné M. Y... à garantir la S.A. C.I.M. Massol à concurrence de 90 % des condamnations prononcées à l'encontre de cette dernière ;
- de rejeter au principal la demande du département de l'Aveyron en tant que les désordres en cause ne relèvent pas de la garantie décennale mais de celle de parfait achèvement, de les mettre hors de cause à titre subsidiaire au cas où la cour estimerait devoir faire application de la garantie décennale ou à défaut de condamner la S.A. C.I.M. Massol à les relever indemnes de toute condamnation et à leur verser la somme de 5.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 1995 :
- le rapport de M. TRIOULAIRE, conseiller ;
- les observations de Maître MARGNOUX, substituant Maître DARNET, avocat de M. Y... et de M. X... ;
- les observations de Maître DUVERNEUIL, substituant Maître VACARIE, avocat du département de l'Aveyron ;
- les observations de Maître LABADIE, substituant Maître TERRACOL, avocat de la S.A. C.I.M. Massol Frères ;
- et les conclusions de M. CIPRIANI, commissaire du gouvernement ;

Considérant que MM. Y... et X... font appel du jugement en date du 23 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, condamné M. Y... solidairement avec la société anonyme C.I.M. Massol à payer au département de l'Aveyron la somme de 848.400 F toutes taxes comprises avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 1990 correspondant aux travaux destinés à supprimer les désordres affectant un bâtiment à usage d'archives situé à Rodez et, d'autre part, à garantir l'entreprise précitée à concurrence de 90 % des condamnations prononcées à son encontre ;
Sur la recevabilité de l'appel formé par M. X... :
Considérant qu'il est constant que le jugement du 23 décembre 1992 du tribunal administratif de Toulouse n'a prononcé aucune condamnation à l'encontre de M. X... ; que ce dernier n'a donc pas d'intérêt lui donnant qualité pour agir contre ledit jugement ; que, par suite, ses conclusions ne sont pas recevables ;
Sur le principe de la responsabilité décennale :
Considérant, en premier lieu, que si des défauts d'étanchéité provoquant des infiltrations d'eau dans le bâtiment à usage d'archives départementales étaient apparus notamment aux niveaux du faîtage avant la réception définitive prononcée sans réserve le 1er juillet 1980 par le propriétaire dudit ouvrage, il est constant que ces défauts avaient fait l'objet de réparations avant cette date ; que, contrairement à ce que soutient M. Y..., il ne résulte pas de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que les désordres à l'origine des nouvelles infiltrations d'eau affectant le bâtiment dont s'agit dans sa seule partie archives et à raison desquelles le département de l'Aveyron a recherché la responsabilité décennale des constructeurs aient été apparents lors de la réception définitive ;
Considérant, en second lieu, que par leur étendue, ces infiltrations d'eau étaient de nature à rendre le bâtiment impropre à sa destination et, par suite, susceptibles d'engager la responsabilité décennale des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Sur la responsabilité des constructeurs :
Considérant qu'il résulte du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif que les infiltrations trouvent leur origine dans la pente insuffisante de la toiture qui comportait des chiens assis ; qu'il résulte tant de l'acte d'engagement que du cahier des clauses techniques particulières que l'architecte s'était vu confier une mission de conception de l'ouvrage ; que les désordres sont imputables tant à l'erreur de conception de M. Y... qui ne peut utilement invoquer la circonstance que la couverture avait été réalisée selon un procédé élaboré par l'entreprise Cegedur Pechiney, qu'à l'entreprise C.I.M. Massol qui n'a prononcé aucune réserve quant à l'insuffisance de la pente ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a retenu la responsabilité solidaire de l'architecte et de l'entreprise C.I.M. Massol ;
Sur la réparation :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du rapport d'expertise que le montant des travaux destinés à supprimer les désordres affectant le bâtiment en cause consistant en une dépose des chiens assis, en une reconstitution du plafond à leur emplacement, en une dépose de l'ensemble de la couverture existante et à son remplacement par une nouvelle en bac acier et en la mise en place de chassis doit être évalué à 808.400 F toutes taxes comprises ; que si le requérant soutient que la société anonyme C.I.M. Massol était disposée à effectuer des travaux de remise en état de la couverture pour un coût très nettement inférieur, il n'établit pas que l'offre ainsi faite recouvrait l'intégralité des prestations ci-dessus décrites et indispensables à la suppression des désordres ;
Considérant, en deuxième lieu, que le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection ; que ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître d'ouvrage ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'instauration par l'article L.235-13 du code des communes d'un fonds d'équipement destiné à permettre progressivement le remboursement de la taxe à la valeur ajoutée acquittée par les collectivités locales sur leurs dépenses réelles d'investissement ne fait pas obstacle à ce que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les travaux de réfection de l'immeuble soit incluse dans le montant de l'indemnité due ;
Considérant, en dernier lieu, que la vétusté du bâtiment doit s'apprécier à la date d'apparition des désordres et non à celle du jugement ; qu'il résulte de l'instruction que les désordres affectant le bâtiment en cause sont apparus six ans après la réception définitive ; qu'ainsi, il y a lieu comme le soutient le requérant de pratiquer sur le montant de 808.400 F toutes taxes comprises un abattement pour vétusté qui ne saurait être toutefois supérieur à 10 % ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de recourir à une mesure d'instruction le montant de l'indemnité à laquelle peut prétendre le département de l'Aveyron doit être fixé à 727.560 F toutes taxes comprises ;
Sur l'appel incident du département de l'Aveyron :
Considérant que le département de l'Aveyron a présenté, par la voie de l'appel incident, des conclusions aux fins que l'indemnité qui lui a été allouée par le jugement attaqué en dédommagement des troubles de fonctionnement imputables aux désordres soit fixée à 100.000 F ; qu'il n'apporte toutefois à l'appui de ses prétentions aucun élément autre que ceux par lui exposés devant les premiers juges qui n'ont pas fait, dans les circonstances de l'espèce une inexacte appréciation de ce chef de préjudice en le fixant à 40.000 F toutes taxes comprises ;
Sur l'appel en garantie de M. Y... à l'encontre de la société anonyme C.I.M. Massol :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... ne peut demander à être intégralement garanti des condamnations prononcées à son encontre ; que le tribunal administratif de Toulouse n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'affaire en décidant par l'article 5 du jugement du 23 décembre 1992 que l'architecte serait garanti par la société anonyme C.I.M. Massol dans la proportion de 10 % du montant des dommages ;
Sur l'appel provoqué de la S.A. C.I.M. Massol :
Considérant que la situation de la S.A. C.I.M. Massol se trouve aggravée par le présent arrêt ; que, par suite, ses conclusions présentées par la voie de l'appel provoqué relatives au montant de la réparation allouée au département de l'Aveyron et aux intérêts qui l'assortissent sont recevables ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A. C.I.M. Massol est fondée à demander que la somme à laquelle elle a été condamnée solidairement avec M. Y... soit ramenée à 767.560 F ; qu'il y a lieu, par contre, de rejeter sa demande aux fins d'être exonérée à compter de la date du jugement attaqué des intérêts de retard sur la somme ainsi allouée dès lors que le cours des intérêts légaux ne s'est pas trouvé interrompu par l'intervention dudit jugement ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. Y... et la société C.I.M. Massol qui ne sont pas la partie perdante soient condamnés à payer au département de l'Aveyron la somme qu'il réclame au titre des frais irrépétibles par lui exposés ; qu'elles font de même obstacle à la condamnation de la S.A. C.I.M. Massol à verser à M. Y... une somme correspondant aux frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ; qu'enfin il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accueillir la demande de ce dernier présentée sur le même fondement en tant qu'elle est dirigée contre le département de l'Aveyron ;
Article 1ER : La requête en tant que présentée par M. X... est rejetée.
Article 2 : La somme de 848.400 F toutes taxes comprises que M. Y... a été condamné à payer au département de l'Aveyron solidairement avec la société anonyme C.I.M. Massol est ramenée à 767.560 F toutes taxes comprises. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 7 mars 1990.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 23 décembre 1992 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y..., le recours incident du département de l'Aveyron ainsi que le surplus des conclusions de l'appel provoqué de la société anonyme C.I.M. Massol sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 93BX00358
Date de la décision : 03/07/1995
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DESORDRES DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DECENNALE DES CONSTRUCTEURS - ONT CE CARACTERE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - RESPONSABILITE DE L'ARCHITECTE - FAITS DE NATURE A ENGAGER SA RESPONSABILITE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - ACTIONS EN GARANTIE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - CONDAMNATION SOLIDAIRE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - PREJUDICE INDEMNISABLE - EVALUATION - ABATTEMENT POUR VETUSTE.


Références :

Code civil 1792, 2270
Code des communes L235-13
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. TRIOULAIRE
Rapporteur public ?: M. CIPRIANI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1995-07-03;93bx00358 ?
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