La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/08/1995 | FRANCE | N°93BX01209

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2e chambre, 01 août 1995, 93BX01209


Vu la requête enregistrée le 18 octobre 1993 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, présentée pour Mme Anne-Marie Z... épouse X..., Melle Florence X..., M. Jean-Louis X... et Melle Valérie X... tous domiciliés ... (Pyrénées-Orientales), par Me Y..., avocat ;
Les consorts X... demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 18 août 1993 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a condamné le centre hospitalier de Prades à leur verser des indemnités qu'ils estiment insuffisantes, en réparation des préjudices causés par le décè

s de M. Francis X..., consécutif à l'accident dont il a été victime le 25 ...

Vu la requête enregistrée le 18 octobre 1993 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, présentée pour Mme Anne-Marie Z... épouse X..., Melle Florence X..., M. Jean-Louis X... et Melle Valérie X... tous domiciliés ... (Pyrénées-Orientales), par Me Y..., avocat ;
Les consorts X... demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 18 août 1993 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a condamné le centre hospitalier de Prades à leur verser des indemnités qu'ils estiment insuffisantes, en réparation des préjudices causés par le décès de M. Francis X..., consécutif à l'accident dont il a été victime le 25 mars 1986 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Prades à leur verser :
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 1995 :
- le rapport de M. de MALAFOSSE, conseiller ;
- les observations de Me GUITTARD, substituant Me NESE, avocat de Mme Anne-Marie X... ;
- les observations de Me GUITTARD, substituant Me NESE, avocat de Melle Florence X... ;
- les observations de Me GUITTARD, substituant Me NESE, avocat de M. Jean-Louis X... ;
- les observations de Me GUITTARD, substituant Me NESE, avocat de Melle Valérie X... ;
- les observations de Me GUITTARD, substituant Me NESE, avocat de la Mutuelle Générale de l'Education Nationale ;
- les observations de Me GUITTARD, substituant Me NESE, avocat de la Mutuelle Assurance des Institeurs de France ;
- les observations de Me MILANI, substituant Me KAPPELHOFF-LANCON, avocat du centre hospitalier de Prades ;
- les conclusions de M. CIPRIANI, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :
Considérant que, le 25 mars 1986 à 4 heures 30, M. Francis X..., qui circulait à vélomoteur et venait de livrer des journaux au centre hospitalier de Prades, a heurté avec la tête la barrière placée à l'entrée de cet établissement ; que le choc a occasionné un traumatisme crânio-facial sévère et de multiples fractures ; que, transporté au centre hospitalier de Perpignan, M. X... est décédé le 19 novembre 1986 après être resté plusieurs mois dans le coma ; que ce décès est, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de Prades, qui n'apporte d'ailleurs aucun élément permettant d'en attribuer l'origine à une autre cause, la conséquence directe de l'accident dont s'agit ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la barrière heurtée par M. X..., qui formait un ensemble avec le support ancré dans le sol auquel elle était reliée, constituait un ouvrage public ; que cette barrière, qui n'était qu'exceptionnellement abaissée, était maintenue en position verticale au moyen d'un assemblage de fils de fer reliant le contrepoids au support ; que ce dispositif sommaire ne permettait pas d'assurer, en période de vent violent, le maintien de la barrière en position ouverte, rendant ainsi celle-ci dangereuse pour les usagers ; que ce défaut d'entretien normal est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Prades ;
Considérant qu'en dépit de son intensité, le vent qui soufflait le jour de l'accident ne présentait pas, pour la région, un caractère de violence imprévisible constituant un cas de force majeure ;
Considérant que l'accident s'est produit de nuit, à un endroit mal éclairé et alors que sévissait un vent violent ; que M. X..., lors de son entrée à l'hôpital, peu de temps avant l'accident, avait trouvé comme d'habitude la barrière levée ; que rien ne permet d'affirmer qu'il a disposé, entre le moment où la barrière s'est abaissée de façon intempestive et le moment où il est arrivé à sa hauteur, d'un délai suffisant pour éviter l'obstacle ; que, dans ces conditions, la victime n'a pas commis de faute susceptible d'exonérer même partiellement l'hôpital de Prades de sa responsabilité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Prades n'est pas fondé à soutenir, par voie d'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier l'a déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident dont s'agit ;
Sur le préjudice :
Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le droit à la réparation des préjudices tant matériels que personnels subis, de son vivant, par M. Francis X... était entré, lors de son décès dans le patrimoine de ses héritiers sans qu'il y ait lieu de rechercher si la victime avait, avant cette date, introduit une action tendant à faire reconnaître ce droit ; qu'il sera fait une juste appréciation des souffrances physiques occasionnées à M. X... par son accident en fixant à 10.000 F l'indemnité due de ce chef ;

Considérant, en deuxième lieu, que le tribunal administratif a fait une évaluation insuffisante de la douleur morale qu'a causé à Mme Veuve X... le décès de son mari ; qu'il y a lieu de porter à 50.000 F l'indemnité destinée à réparer ce chef de préjudice ; qu'en revanche, le tribunal a procédé à une juste évaluation de la douleur morale des trois enfants de M. X..., tous majeurs au moment du décès de leur père, en fixant à 20.000 F l'indemnité due à ce titre à chacun d'eux ;
Considérant, en troisième lieu, qu'à la suite du décès de M. X..., qui exerçait la profession d'agent de lycée et avait une activité de livreur de journaux, son épouse a subi un préjudice consistant en une perte de revenus ; que ce préjudice doit être évalué en tenant compte des revenus que percevait M. X... avant son accident, réévalués en fonction de la dépréciation monétaire, et de la part de ces revenus qui était consacrée à son épouse et qui doit, dans les circonstances de l'espèce, être fixée à 45 % ; qu'en l'absence de toute justification de la réalité et de l'importance des "charges supplémentaires" qu'aurait entraîné la disparition de M. X... pour son épouse, il n'y a pas lieu d'ajouter au montant des revenus de M. X... revenant à sa veuve une somme représentative desdites charges ; que, même si l'Etat n'est pas intervenu dans la procédure, le montant de la pension servie par l'Etat à Mme Veuve X... à la suite du décès de son mari, et dont il n'est pas établi que le versement sera interrompu à une échéance prévisible, doit être déduit des gains de M. X... revenant à sa veuve ; qu'ainsi la perte annuelle de revenus subie par celle-ci s'élève à 23.600,50 F ; qu'après capitalisation, puis déduction du capital décès versé par l'Etat, l'indemnité due à Mme Veuve X... pour ce chef de préjudice s'établit à 334.114,97 F ; que Mme Veuve X... est, dès lors fondée à soutenir que, dans cette mesure, l'évaluation de ce chef de préjudice par le tribunal administratif est insuffisante ;
Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que Melle Valérie X... était âgée de 19 ans et était donc majeure lorsque son père est décédé ne fait pas obstacle à ce qu'elle puisse prétendre à une indemnisation au titre de la perte de revenus résultant du décès de M. X..., dès lors qu'il est établi, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, qu'elle était à la charge de ses parents ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que cette situation se soit prolongée après que Melle Valérie X... eut atteint l'âge de 22 ans ; que, sa part dans les revenus de M. X... étant évaluée à 20 %, son préjudice s'établit à 66.000 F ; qu'il convient toutefois de déduire de cette somme les allocations versées à l'intéressée à la suite du décès de son père pour un total de 60.206,62 F ; que l'indemnité qui lui a été allouée par le tribunal administratif pour ce chef de préjudice doit, dès lors, être ramenée à 5.793,38 F ;
Sur les intérêts :

Considérant que les sommes dues aux requérants par le centre hospitalier de Prades porteront intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 1989, date d'enregistrement de la requête devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Prades à verser aux consorts X... la somme de 6.000 F au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La somme de 1.901 F que le centre hospitalier de Prades a été condamnée à verser aux héritiers de M. Francis X... par l'article 1er du jugement attaqué est portée à 11.901 F. La somme que le centre hospitalier de Prades a été condamnée à verser à Mme Veuve X... par le même article du jugement attaqué est portée de 284.753 F à 393.564,97 F. Celle que le même centre a été condamné à payer à Melle Valérie X... est ramenée à 25.793 F.
Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 18 août 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Les sommes que le centre hospitalier de Prades a été condamné à verser par l'article 1er du jugement attaqué tel que réformé par l'article 1er du présent arrêt porteront intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 1989.
Article 4 : Le centre hospitalier de Prades versera aux consorts X... la somme de 6.000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts X... et de l'appel incident du centre hospitalier de Prades est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 93BX01209
Date de la décision : 01/08/1995
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-06,RJ1,RJ2 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - CREANCIER DU DROIT A INDEMNITE -Transmission aux héritiers de la victime de son droit à réparation (1) (2).

60-04-06 Le droit à réparation des préjudices tant matériels que personnels subis, de son vivant, par la victime est entré, lors de son décès, dans le patrimoine de ses héritiers sans qu'il y ait lieu de rechercher si la victime avait, avant son décès, introduit une action tendant à faire reconnaître ce droit.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1

1.

Cf. CAA de Nantes, Plénière, 1989-02-22, C.H.R. d'Orléans, p. 300 ;

CAA de Paris, Plénière, 1989-06-20, Mme Viroulet, p. 322. 2. Comp. CE, Section, 1971-01-29, Association jeunesse et reconstruction, p. 81


Composition du Tribunal
Président : M. Barros
Rapporteur ?: M. de Malafosse
Rapporteur public ?: M. Cipriani

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1995-08-01;93bx01209 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award