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16/07/1998 | FRANCE | N°98BX00634;98BX00635

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, 16 juillet 1998, 98BX00634 et 98BX00635


Vu 1 ) la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 14 avril 1998 sous le n 98BX00634, présentée par le préfet de l'Ariège ; le préfet de l'Ariège demande que la cour :
- annule le jugement, en date du 2 avril 1998, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, à la demande de la commune de Manses, ordonné le sursis à l'exécution de son arrêté en date du 16 février 1998 portant réquisition d'un site sur le territoire de la commune de Manses, en vue de l'exploitation d'un centre d'enfouissement technique de déchets ménagers ;

- rejette la demande présentée par la commune de Manses devant le trib...

Vu 1 ) la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 14 avril 1998 sous le n 98BX00634, présentée par le préfet de l'Ariège ; le préfet de l'Ariège demande que la cour :
- annule le jugement, en date du 2 avril 1998, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, à la demande de la commune de Manses, ordonné le sursis à l'exécution de son arrêté en date du 16 février 1998 portant réquisition d'un site sur le territoire de la commune de Manses, en vue de l'exploitation d'un centre d'enfouissement technique de déchets ménagers ;
- rejette la demande présentée par la commune de Manses devant le tribunal administratif de Toulouse ;

Vu 2 ) la requête, enregistrée le 14 avril 1998 sous le n 98BX00634, présentée par le préfet de l'Ariège et tendant à ce qu'il soit mis fin, à titre provisoire, au sursis à exécution ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n 75-633 du 15 juillet 1975 modifiée notamment par la loi n 92-646 du 13 juillet 1992 ;
Vu la loi n 76-629 du 10 juillet 1976 ;
Vu la loi n 76-663 du 19 juillet 1976 ;
Vu la loi n 83-630 du 12 juillet 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 1998 :
- le rapport de D. BOULARD, rapporteur ;
- les observations de M. Y..., représentant le préfet de l'Ariège ;
- les observations de M. X..., représentant la commune de Manses ;
- et les conclusions de J. F. DESRAME, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les deux requêtes du préfet de l'Ariège enregistrées sous les numéros 98BX00634 et 98BX00635 sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'une même décision ;
En ce qui concerne l'instance n 98BX00634 :
Sur la régularité du jugement :
Considérant que la commune de Manses a demandé le sursis à l'exécution de l'arrêté du 16 février 1998 du préfet de l'Ariège par une requête enregistrée au tribunal administratif de Toulouse le 5 mars 1998 et à laquelle le préfet de l'Ariège a répondu par un mémoire en défense enregistré le 24 mars 1998 ; que si le préfet soutient que le mémoire en réplique de la commune de Manses enregistré le 27 mars 1998 lui est parvenu après clôture de l'instruction, ce mémoire ne contenait pas d'éléments nouveaux sur lesquels le tribunal administratif ait fondé sa décision ; qu'en particulier le moyen tiré de l'absence d'étude d'impact qui a motivé l'octroi du sursis à exécution avait déjà été invoqué par la commune de Manses dans sa demande initiale ; qu'en accordant le sursis à l'exécution de l'arrêt contesté sur le fondement de l'article 2 de la loi n 76-629 du 10 juillet 1976 qu'il a cité, le tribunal administratif de Toulouse a implicitement mais nécessairement écarté le moyen soulevé en défense par le préfet de l'Ariège et tiré de l'intérêt général ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Ariège n'est pas fondé à contester la régularité du jugement attaqué ;
Sur l'arrêté du 16 février 1998 du préfet de l'Ariège :
Considérant que le préfet de l'Ariège a réquisitionné, par l'arrêté contesté du 16 février 1998, des parcelles situées sur le territoire de la commune de Manses et appartenant au SMECTOM du Plantaurel afin que ce site soit aménagé et exploité "pour accueillir les déchets ménagers du département de l'Ariège (hors Couserans)" ; que le préfet a, aux mêmes fins, "requis les instances et moyens humains" ainsi que "le matériel du SMECTOM du Plantaurel" ; que la durée de ces réquisitions a été fixée du jour de l'arrêté "jusqu'à l'obtention de l'autorisation d'exploiter délivrée selon les procédures applicables à cette nature d'établissements, et au plus tard jusqu'à la mise en fonctionnement du centre d'enfouissement technique définitif" ; qu'à cet arrêté, ont été annexées des prescriptions techniques suivant lesquelles le site présenté comme le "centre d'enfouissement technique de Manses" devait être exploité ; qu'enfin, l'arrêté attaqué a prévu que des conventions entre le SMECTOM et les collecteurs ou avec la commune de Manses puissent régler les "conditions financières du traitement des déchets ménagers" ;

Considérant que cet arrêté a été pris par le préfet de l'Ariège sur le fondement du 1 de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales aux termes duquel "le représentant de l'Etat dans le département peut prendre pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques" ; que l'arrêté en litige vise l'urgence et les risques majeurs d'atteinte à la salubrité et à la santé publiques, faute de centre d'enfouissement disponible dans le département de l'Ariège et dans le département limitrophe de la Haute-Garonne ; qu'ainsi, le préfet de l'Ariège se prévaut de ce que le centre d'enfouissement départemental, qui avait été prévu sur le territoire de la commune de Vernet et qui avait été choisi comme centre unique d'enfouissement des déchets ménagers du département de l'Ariège, ne pouvait alors être exploité, la commission d'enquête ayant émis en septembre 1997 lors de la procédure de la déclaration d'utilité publique un avis défavorable et le dossier ayant été transmis au ministre de l'intérieur ;
Considérant que l'arrêté attaqué a pour objet et pour effet l'aménagement et l'exploitation d'un centre technique d'enfouissement des déchets ménagers ; qu'une telle installation entre dans le champ d'application de la loi du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux, de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées et de la loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement ; que les dispositions combinées de ces textes imposent, préalablement à l'exploitation de ce type d'établissement soumis à autorisation, une enquête publique dont le dossier comporte notamment une étude d'impact, l'article 7 de la loi précitée du 15 juillet 1975 issu de la loi n 92-646 du 13 juillet 1992 en ayant accru les exigences dès lors qu'il s'agit d'une installation d'élimination des déchets ; que la situation en l'espèce, alors que l'une de ses causes invoquées par le préfet de l'Ariège réside dans le déroulement de la procédure garantissant l'aménagement et l'exploitation du centre du Vernet, ne justifie pas que les textes susvisés, de nature législative, soient méconnus pour l'aménagement et l'exploitation du centre de Manses ; que, dès lors, les dispositions des lois précitées sont applicables aux installations de ce centre, nonobstant la circonstance que le préfet de l'Ariège ait cru devoir user d'un droit de réquisition ;

Considérant qu'il est constant que l'arrêté en cause n'a pas été précédé d'une enquête publique ; que si le préfet invoque l'existence d'une étude d'impact menée sur le site de Manses, cette étude, outre qu'elle ne saurait tenir lieu à elle seule d'enquête publique, avait été réalisée en 1992 pour un centre d'enfouissement de déchets ultimes et non de déchets ménagers ; que, par suite et même si elle a été actualisée sur certains points, elle ne peut être regardée comme constituant l'étude d'impact légalement exigée ; que, faute d'étude d'impact et d'enquête publique, trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article 2 de la loi du 10 juillet 1975 et de l'article 6 de la loi du 12 juillet 1983 qui imposent dans ce cas de faire droit à la demande de sursis à exécution ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Ariège n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a prononcé le sursis à l'exécution de son arrêté du 16 février 1998 ;
En ce qui concerne l'instance n 98BX00635 :
Considérant que dès lors qu'il est statué sur la requête du préfet de l'Ariège tendant à l'annulation du jugement ayant ordonné le sursis à l'exécution de son arrêté du 16 février 1998, la requête tendant, sur le fondement de l'article R. 124 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à ce qu'il soit mis fin à ce sursis est devenue sans objet ;
Sur l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner l'Etat à verser à la commune de Manses la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du préfet de l'Ariège n 98BX00634 est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n 98BX00635.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Manses tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 98BX00634;98BX00635
Date de la décision : 16/07/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSEES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - CHAMP D'APPLICATION DE LA LEGISLATION - INSTALLATIONS ENTRANT DANS LE CHAMP D'APPLICATION DE LA LOI N° 76-663 DU 19 JUILLET 1976.

POLICE ADMINISTRATIVE - ETENDUE DES POUVOIRS DE POLICE - POLICE GENERALE ET POLICE SPECIALE.

POLICE ADMINISTRATIVE - POLICE GENERALE - SALUBRITE PUBLIQUE.

POLICE ADMINISTRATIVE - AGGRAVATION EXCEPTIONNELLE DES POUVOIRS DE POLICE - ETAT D'URGENCE.

PROCEDURE - PROCEDURES D'URGENCE - SURSIS A EXECUTION.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R124, L8-1
Code général des collectivités territoriales L2215-1
Loi 75-633 du 15 juillet 1975 art. 7
Loi 76-629 du 10 juillet 1976 art. 2
Loi 76-663 du 19 juillet 1976
Loi 83-630 du 12 juillet 1983 art. 6
Loi 92-646 du 13 juillet 1992


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: D. BOULARD
Rapporteur public ?: J.F. DESRAME

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1998-07-16;98bx00634 ?
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