Vu le recours enregistré au greffe de la cour le 2 mars 1996, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ;
Le MINISTRE demande à la cour :
1) d'annuler le jugement du 2 novembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à la société d'exploitation des établissements Veynat la somme de 13 584,27 F assorti des intérêts de droit et la somme de 5 000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2) de rejeter la demande présentée par la société d'exploitation des établissements Veynat devant le tribunal administratif
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 octobre 1998 :
- le rapport de M. REY, rapporteur ;
- les observations de Me LEVY, avocat de la société d'exploitation des établissements Veynat ;
- et les conclusions de M. VIVENS, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 92 de la loi n 83-2 du 7 janvier 1983 : "L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre des personnes, soit contre des biens" ;
Considérant que le 25 octobre 1991, sur le territoire de la commune de Carcassonne, un camion de la société de transports Veynat fut attaqué par un groupe d'une cinquantaine de personnes alors qu'il gravissait la côte de Montlegun sur l'autoroute A61 ; que des jets de pierre ont brisé le pare-brise et l'optique des phares et occasionné des dégâts à la calandre du véhicule ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des procès-verbaux établis par la gendarmerie que les délits d'entrave à la circulation routière et de détérioration volontaire d'objet mobilier appartenant à autrui ainsi commis, ont été perpétrés, non pas comme le soutient le MINISTRE par un commando, mais par un attroupement de viticulteurs agissant dans le cadre de manifestations organisées sur la voie publique, à l'initiative d'une organisation syndicale d'agriculteurs ; qu'ainsi ces délits doivent être regardés comme ayant été commis par des attroupements ou rassemblements au sens des dispositions précitées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à indemniser la société d'exploitation des établissements Veynat ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la société d'exploitation des établissements Veynat la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société d'exploitation des établissements Veynat la somme de 5 000 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.