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15/02/1999 | FRANCE | N°96BX01266;96BX01460

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2e chambre, 15 février 1999, 96BX01266 et 96BX01460


Vu 1 ) enregistrée le 25 juin 1996 sous le n 96BX01266 la requête présentée pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE, dûment représenté par son directeur, et dont le siège est situé l'hôtel-Dieu Saint-Jacques, ... (Haute-Garonne) ;
Le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE demande à la cour :
- d'annuler le jugement du 29 avril 1996 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamné, d'une part, à payer à M. X... la somme de 1 087 296 F en raison des séquelles consécutives à un traitement qui lui a été prescrit dan

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Vu 1 ) enregistrée le 25 juin 1996 sous le n 96BX01266 la requête présentée pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE, dûment représenté par son directeur, et dont le siège est situé l'hôtel-Dieu Saint-Jacques, ... (Haute-Garonne) ;
Le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE demande à la cour :
- d'annuler le jugement du 29 avril 1996 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamné, d'une part, à payer à M. X... la somme de 1 087 296 F en raison des séquelles consécutives à un traitement qui lui a été prescrit dans ses services, et à son épouse, Mme X..., la somme de 100 000 F, d'autre part, à supporter les frais de l'expertise taxés à 3 600 F ;
- de rejeter la demande à fin d'indemnités présentée par M. et Mme X... et de condamner M. X... à la restitution des sommes déjà versées à titre de provisions ;
Vu 2 ) enregistrée le 12 juillet 1996 sous le n 96BX01460 la requête présentée pour M. André X... et son épouse Mme Yvonne X... domiciliés ... (Haute-Garonne) ;
M. et Mme X... demandent à la cour :
* à titre principal, - de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 avril 1996 en ce qu'il a sous-évalué certains des préjudices par eux subis du fait des séquelles dont reste atteint M. X... à la suite d'un traitement administré dans les services du centre hospitalier régional et universitaire de Toulouse ;
- de condamner le centre hospitalier régional et universitaire de Toulouse à payer à M. X... une indemnité globale de 3 256 000 F et à Mme X... une indemnité de 200 000 F, avec intérêts à compter de l'arrêt à intervenir ;
- de condamner ledit centre à leur payer la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
* à titre subsidiaire, - d'ordonner un complément d'expertise médicale pour apprécier l'aggravation de l'état de santé de M. X..., et d'allouer à ce dernier une provision de 1 100 000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 75-619 du 11 juillet 1975 ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 janvier 1999

- le rapport de Melle ROCA, rapporteur ;
- les observations de Maître DUVERNEUIL, substituant Maître FURBURY, avocat de M. et Mme André X... ;
- et les conclusions de M. VIVENS, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête présentée par le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE et celle présentée par M. et Mme X... sont dirigées à l'encontre du même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Considérant que M. X..., âgé de 67 ans, entré au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE pour y soigner des douleurs persistantes dans les membres inférieurs accompagnées d'une claudication intermittente, a été victime d'une paraplégie subaiguë desdits membres inférieurs après avoir subi le 8 novembre 1991 une injection intrathécale d'un produit corticoïde, le Dilar, et demeure atteint de troubles sensitifs et moteurs importants ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a déclaré le centre hospitalier entièrement responsable des conséquences dommageables de cette injection et l'a condamné à verser à M. X... une indemnité de 1 087 296 F et à Mme X..., son épouse, une indemnité de 100 000 F ; que, par les présentes requêtes, le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE demande à être déchargé de toute responsabilité, et M. et Mme X... sollicitent une majoration des indemnités qui leur ont été allouées ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, qui a été mise en cause par le tribunal administratif de Toulouse, n'a pas produit d'observations en première instance ; que, par suite, le jugement attaqué n'avait pas à se prononcer sur les droits éventuels de cet organisme ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du premier rapport de l'expert commis par le tribunal administratif, que l'injection du produit corticoïde est la cause directe de l'apparition des troubles susmentionnés, et que l'état pathologique antérieur de M. X... n'a eu aucune influence sur l'évolution du processus à l'origine de ces troubles ; que si le choix de ce type de médicament était justifié au regard des symptômes présentés par le patient, son administration a été réalisée en méconnaissance des prescriptions d'emploi du produit, lesquelles ne prévoient pas l'utilisation du Dilar en injection directe dans le liquide céphalo-rachidien ; que cette méconnaissance constitue une faute médicale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ; que la circonstance que ce produit appartient à la même famille médicamenteuse que l'hydrocortancil, plus fréquemment employé et serait utilisé depuis plusieurs années sans incident, est sans influence sur l'existence de cette faute ; qu'il suit de là que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges ont retenu à tort son entière responsabilité ;
Sur la réparation :
Considérant qu'à la date des faits litigieux, M. X... était retraité ; qu'il n'a, dès lors, subi aucune perte de revenus pendant la période où il a été atteint d'une incapacité temporaire totale puis partielle, et ne saurait, en conséquence réclamer une indemnité à ce titre ; qu'il a seulement droit à une indemnité réparant les troubles de toute nature dans ses conditions d'existence résultant pour lui de son invalidité ;

Considérant qu'après avoir pris en compte ces périodes d'invalidité temporaire et constaté, au vu des conclusions des deux rapports de l'expert par lui désigné, que M. X... restait atteint, après consolidation de son état, d'une paraparésie flasco-spasmodique très importante entraînant une incapacité de 50 % et la nécessité de faire appel à l'aide d'une tierce personne à temps partiel, le tribunal administratif a évalué les troubles dans les conditions d'existence subis par la victime à la somme de 350 000 F et lui a alloué en sus une indemnité en capital de 487 296 F destinée à pourvoir à la rémunération d'une personne salariée à mi-temps ; que, toutefois, il ressort du certificat médical établi par le docteur Y... le 26 juin 1996, produit en appel par M. et Mme X..., que l'état de santé de M. X... s'est aggravé au point qu'il présente une paraplégie sensitivo-motrice quasi complète nécessitant l'assistance d'une tierce personne pour tous les actes de la vie quotidienne, et qu'il a été hospitalisé à plusieurs reprises pour des problèmes cutanés liés à son état d'impotence ; qu'il sera fait une juste appréciation de cette aggravation en portant à 400 000 F la somme allouée au titre des troubles dans les conditions d'existence et à 600 000 F celle concernant la tierce personne ;
Considérant que si M. X... soutient par ailleurs que les difficultés de déplacement auxquelles il est confronté l'obligent à abandonner l'appartement qu'il occupe actuellement au premier étage d'un immeuble sans ascenseur pour s'installer dans des locaux plus aisément accessibles, il ne fournit aucun élément permettant soit d'évaluer le préjudice qui résulterait pour lui de ce changement de résidence, lequel ne saurait entraîner systématiquement l'achat d'un nouvel appartement, soit de prouver que ledit préjudice ne serait pas couvert par la somme de 50 000 F que lui a alloué forfaitairement le tribunal administratif pour l'aménagement de son logement ; que les prétentions de M. et Mme X... concernant ce chef de préjudice ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice de M. X... s'élève à la somme globale de 1 050 000 F, à laquelle il convient d'ajouter la somme non contestée de 200 000 F allouée par les premiers juges en réparation des souffrances physiques endurées et du préjudice esthétique, soit un total de 1 250 000 F ; qu'il convient de réformer en ce sens le jugement attaqué ;
Considérant que les premiers juges n'ont pas fait une estimation insuffisante des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis par Mme X... du fait des infirmités de son mari en les évaluant à la somme de 100 000 F ;
Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne :
Considérant que si la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne demande que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE soit condamné à lui rembourser le montant des prestations qu'elle a versées du fait de son assuré, M. X..., ces conclusions, présentées pour le première fois en appel, ont le caractère de conclusions nouvelles et sont, par suite, irrecevables ;
Sur les intérêts :

Considérant que même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts du jour de son prononcé jusqu'à son exécution, au taux légal, puis, en application de la loi du 11 juillet 1975 susvisée, au taux majoré s'il n'est pas exécuté dans les deux mois de sa notification ; que, par suite, les conclusions de M. et Mme X... tendant à ce que les sommes dont ils sont bénéficiaires portent intérêts à compter de l'arrêt à intervenir, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. et Mme X..., qui n'ont pas la qualité de parties perdantes, soient condamnés à payer au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE une somme au titre des frais qu'il a engagés non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de condamner le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE à verser à M. et Mme X... 6 000 F en application de ces mêmes dispositions ;
Article 1er : L'indemnité que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE a été condamné à payer à M. X... par l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 avril 1996 est portée de 1 087 296 F à 1 250 000 F.
Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 avril 1996 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE versera à M. et Mme X... 6 000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : La requête du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE, le surplus de la requête de M. et Mme X..., et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 96BX01266;96BX01460
Date de la décision : 15/02/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE MEDICALE : ACTES MEDICAUX - EXISTENCE D'UNE FAUTE MEDICALE DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DU SERVICE PUBLIC - EXECUTION DU TRAITEMENT OU DE L'OPERATION.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MATERIEL - PERTE DE REVENUS.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - TROUBLES DANS LES CONDITIONS D'EXISTENCE - TROUBLES DANS LES CONDITIONS D'EXISTENCE SUBIS PAR LA VICTIME D'UN ACCIDENT.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - TROUBLES DANS LES CONDITIONS D'EXISTENCE - TROUBLES DANS LES CONDITIONS D'EXISTENCE SUBIS DU FAIT DU DECES OU DE L'INVALIDITE D'UNE PERSONNE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MORAL - DOULEUR MORALE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - MODALITES DE LA REPARATION - INTERETS - POINT DE DEPART.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - MODALITES DE LA REPARATION - INTERETS - TAUX.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 75-619 du 11 juillet 1975


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Melle ROCA
Rapporteur public ?: M. VIVENS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1999-02-15;96bx01266 ?
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