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29/05/2001 | FRANCE | N°98BX00424

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3e chambre, 29 mai 2001, 98BX00424


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 mars 1998, présentée pour M. et Mme Jean Y..., demeurant ..., par Me X..., avocat ;
M. et Mme Jean Y... demandent à la cour :
1?) d'ordonner le sursis à exécution et d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau n? 93/575, en date du 18 décembre 1997, en tant qu'il a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1987, 1988 et 1989 ;
3?) de leur accorder la décharge des impositions contestées ;
4?) de con

damner l'Etat à leur verser la somme de 8 000 F en application de l'article L...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 mars 1998, présentée pour M. et Mme Jean Y..., demeurant ..., par Me X..., avocat ;
M. et Mme Jean Y... demandent à la cour :
1?) d'ordonner le sursis à exécution et d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau n? 93/575, en date du 18 décembre 1997, en tant qu'il a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1987, 1988 et 1989 ;
3?) de leur accorder la décharge des impositions contestées ;
4?) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 8 000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2001 :
- le rapport de Mme Leymonerie, premier conseiller ;
- les observations de Me X..., avocat, pour Mme KOSNAR Jean ;
- et les conclusions de M. Heinis, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement en tant qu'il concerne M. et Mme Jean Y... :
Considérant que pour rejeter comme irrecevable la demande de M. et Mme Jean Y..., le tribunal administratif de Pau a relevé que leur intervention, en qualité d'associés de la S.A.R.L. Société nouvelle Le Lotus d'Or, au soutien de la requête présentée par M. et Mme Christian Kosnar, n'avait pas été présentée par requête séparée ; qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme Jean Y... ont introduit, le 12 mai 1993, devant le tribunal administratif de Pau, une demande commune avec la S.A.R.L. Société nouvelle Le Lotus d'Or et M. et Mme Christian Y... ; que, le 11 juin 1993, il ont régularisé leur demande en présentant une requête distincte de celle de la S.A.R.L. Société nouvelle Le Lotus d'Or et de celle M. et Mme Christian Y... ; que cette requête nécessitait l'examen de la situation fiscale propre à M. et Mme Jean Y... qui était différente de celle de M. et Mme Christian Y... et de celle de la S.A.R.L. Société nouvelle Le Lotus d'Or ; que, dès lors, le tribunal administratif s'est mépris sur la nature des écritures présentées par M. et Mme Jean Y... en considérant qu'il s'agissait d'une intervention ; qu'il ne s'est pas prononcé sur la requête des intéressés ; que, par suite, le jugement rendu par le tribunal administratif de Pau doit être annulé en tant qu'il ne s'est pas prononcé sur la requête distincte de M. et Mme Jean Y... ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme Jean Y... devant le tribunal administratif ;
Considérant que la S.A.R.L. Société nouvelle Le Lotus d'Or, restaurant, qui a opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes, dont M. et Mme Jean Y... sont deux des quatre associés, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur trois exercices clos durant les années 1987, 1988 et 1989 ; que l'administration fiscale a considéré que la comptabilité de cette société pour ces exercices n'était pas probante et sincère ; qu'en conséquence, le vérificateur a procédé à des reconstitutions de recettes d'après la "méthode des cafés", et à titre subsidiaire, d'après "la méthode des vins", pour les périodes correspondant aux exercices allant du 1er octobre 1986 au 30 septembre 1987, du 1er octobre 1987 au 30 septembre 1988 et du 1er octobre 1988 au 30 septembre 1989 ; que des redressements en matière de droits de taxe sur la valeur ajoutée ont été notifiés à la société pour les périodes correspondant à ces trois exercices ; qu'à l'issue de la procédure contradictoire, la S.A.R.L. Société nouvelle Le Lotus d'Or a contesté les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie ; que parallèlement, M. et Mme Jean Y... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de l'ensemble de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 1987 et 1988 et d'un contrôle sur pièces portant sur l'année 1989 ; que des redressements découlant de la vérification de comptabilité de la S.A.R.L. ont été notifiés aux intéressés en matière d'impôt sur le revenu au titre de ces trois années ; qu'à l'issue de la procédure contradictoire, M. et Mme Jean Y... ont contesté les cotisations supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : "Lorsqu'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge ..." ;
Sur l'année 1987 :
Considérant que pour justifier, comme il lui appartient de le faire en vertu des dispositions précitées, le rejet de la comptabilité présentée au titre de l'exercice clos au 30 septembre 1987 par la S.A.R.L. Société nouvelle Le Lotus d'Or, l'administration, qui admet le caractère régulier en la forme de ladite comptabilité, se prévaut des résultats d'une "comptabilité matière" établie par le vérificateur qui a porté sur les vins représentant 3 600 bouteilles sur la période du 1er janvier 1987 au 30 septembre 1988 ; que cette étude, que le vérificateur a effectuée à partir des factures d'achats, des états des stocks et des doubles des notes délivrées aux clients, fait apparaître que certaines catégories de vins n'avaient pas été facturées en totalité sur les notes des clients et qu'à l'inverse, pour d'autres catégories, les notes des clients faisaient apparaître plus de bouteilles vendues que de bouteilles achetées ; que la différence portait sur 300 bouteilles ; que, toutefois cette différence peut s'expliquer, pour 80 bouteilles, par des consommations effectuées dans des repas de groupe, qui n'ont pas été mentionnées sur les notes relatives à ces repas établies pour un montant forfaitaire, et, pour 26 bouteilles de champagne, par l'utilisation qui en est faite pour la confection d'apéritifs ; qu'ainsi, l'écart porte uniquement sur 194 bouteilles pour une période couvrant une partie de l'exercice considéré ; que, par ailleurs, il n'a pas été tenu compte des pertes dues à la casse, des retours et de la consommation personnelle ; que cet écart, qui, en tout état de cause, est inférieur à 194 bouteilles sur l'exercice considéré, ne permet pas à lui seul d'écarter l'ensemble de la comptabilité présentée par la S.A.R.L. Société nouvelle Le Lotus d'Or pour l'exercice en cause ;
Sur l'année 1988 :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L 57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son appréciation ..." ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressement exposait, pour l'année en litige, les discordances existant entre la "comptabilité matière" vins et la "comptabilité matière" café et les relevés opérés sur les notes des clients ; qu'elle mentionnait le montant des redressements envisagés en matière de bénéfices industriels et commerciaux, pour M. et Mme Jean Y..., au titre de l'année 1988, après avoir procédé à une reconstitution de recettes ; que, par suite, nonobstant la circonstance que le vérificateur n'ait pas mentionné les textes dont il entendait faire application, la notification de redressement était suffisamment motivée pour permettre à M. et Mme Jean Y... de formuler leurs observations ;
Considérant, en second lieu, que le sens de l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne peut avoir d'autre effet que de modifier, le cas échéant, la dévolution de la charge de la preuve dans les termes prévus par l'article L. 192 précité du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, d'éventuelles erreurs commises dans le rapport soumis à la commission, qui auraient pu entacher l'avis de celle-ci, n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition et ne sont, par suite, pas de nature à entraîner la décharge des impositions établies à la suite de redressements soumis à son examen ; que, dès lors, M. et Mme Jean Y... ne sauraient utilement invoquer le caractère erroné du rapport soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions contestées :

Considérant que, pour l'exercice en cause, l'administration qui admet le caractère régulier en la forme de la comptabilité se prévaut des résultats d'une "comptabilité matière" établie par le vérificateur qui a porté sur les cafés pour la période du 1er octobre 1987 au 30 septembre 1988 ; qu'en tenant compte du café utilisé en cuisine et de la consommation du gérant et du personnel, l'étude du vérificateur fait apparaître une discordance de 1 778 cafés entre la reconstitution théorique résultant de la quantité de café consommée et la comptabilisation effective sur les notes des clients, pour la période en litige ; que cette évaluation a été faite à partir d'une dose moyenne de café par tasse comprise entre 7,10 g et 7,90 g et d'une dose double par tasse comprise entre 14,6 g et 17 g ; que cette quantité par dose résulte d'une pesée contradictoire effectuée par la brigade de contrôle et de recherche, le 20 juin 1990 à l'heure du déjeuner ; qu'à cette occasion, un procès-verbal a été établi et signé par le gérant, M. Christian Kosnar ; que, par ailleurs, l'ensemble des professionnels de la restauration admet que le poids d'une dose normale de café varie entre 7 et 8 g ; que, si M. Kosnar conteste le résultat de cette pesée contradictoire, en faisant référence, d'une part, à un constat d'huissier établi le 25 juillet 1990 selon lequel le poids d'une dose simple serait de 11,50 g et celui d'une dose double de 16 g, d'autre part, à un témoignage du serveur, en date du 17 mars 2000, déclarant qu'il rajoutait une petite dose à chaque café, ces éléments postérieurs à la pesée contradictoire, au cours de laquelle aucun surdosage n'avait été évoqué, ne permettent pas de remettre en cause l'évaluation effectuée par l'administration ; que, dans ces conditions, l'administration a pu retenir que la dose pour un café simple était de 8 g et ainsi déterminer à 1 778 le nombre de cafés non comptabilisés, représentant 14 % des cafés consommés pendant la période du 1er octobre 1987 au 30 septembre 1988 ; que cette différence constit ue une omission de comptabilisation des recettes ;
Considérant que la discordance de "comptabilité matière" portant sur les cafés ne permet pas de regarder comme probante et sincère la comptabilité de la S.A.R.L. Société nouvelle Le Lotus d'Or au titre de l'année 1988 ; que l'administration établit ainsi les irrégularités que comporte celle-ci et que, l'imposition ayant été établie conformément à l'avis de la commission départementale des impôts, la charge de la preuve incombe au contribuable pour cet exercice ;

Considérant que la reconstitution de recettes a été faite à partir des achats de café et de la dose moyenne de café par tasse, soit 8 g par tasse et 125 doses par kg ; que les prélèvements personnels de café ont été estimés à 8 tasses par jour et que suivant un relevé de consommation, les doses de café utilisées pour les desserts s'élèvent à 120 par mois ; que pour la période du 1er octobre 1987 au 30 septembre 1988, l'analyse d'un échantillon significatif de notes de clients a permis de relever que le pourcentage de repas avec café était de 36 % ; que c'est à partir de ces éléments que les recettes totales du restaurant ont été déterminées pour la période en cause ; que, pour contester la reconstitution de recettes, les requérants se bornent à soutenir que la dose de café par tasse est supérieure à 8 g et que la méthode est imprécise ; qu'ils ne proposent aucune méthode permettant de calculer les recettes du restaurant avec une précision supérieure à la méthode retenue par le vérificateur ; que, dès lors, la méthode de reconstitution de recettes proposée par l'administration ne saurait être écartée ;
En ce qui concerne les pénalités pour mauvaise foi :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a mentionné dans la notification de redressement adressée à M. et Mme Jean Y..., pour la période correspondant à l'exercice 1987-1988, que, compte tenu du montant des recettes omises, il serait fait application des pénalités pour mauvaise foi ; que, par suite, le moyen des requérants tiré de l'insuffisance de motivation des pénalités pour mauvaise foi manque en fait ;
Considérant, en deuxième lieu, que le gérant de la S.A.R.L. Société nouvelle Le Lotus d'Or n'enregistrait pas ses recettes correctement ; que la reconstitution de recettes effectuée par le vérificateur à partir des données propres à l'entreprise, pour la période en cause, a fait ressortir des minorations de recettes significatives qui se sont répétées tout au long de l'exercice comptable en cause ; que ces faits justifient les pénalités prévues en cas de mauvaise foi par l'article 1729 du code général des impôts ;
Considérant, en troisième lieu, que le respect des stipulations du paragraphe premier de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'implique pas que le juge de l'impôt puisse moduler l'application du barème résultant de l'article 1729 ; que, par suite, M. et Mme Jean Y... ne sont pas fondés à soutenir que l'application des pénalités pour mauvaise foi a été faite en méconnaissance desdites stipulations ;
Sur l'année 1989 :
Considérant que, pour l'exercice en cause, l'administration qui admet le caractère régulier de la comptabilité se prévaut seulement de la différence entre la marge réalisée, soit 4,28, et la marge déclarée, soit 4,21 ; que ce seul élément ne permet pas d'écarter l'ensemble de la comptabilité présentée par la S.A.R.L. Société nouvelle Le Lotus d'Or au titre de cette année ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme Jean Y... sont fondés à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1987 et 1989 ; qu'ils ne le sont pas, en revanche, en ce qui concerne l'année 1988 ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à payer à M. et Mme Jean Y... la somme de 3 000 F au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 18 décembre 1997 est annulé en tant qu'il concerne M. et Mme Jean Y....
Article 2 : M. et Mme Jean Y... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1987 et 1989.
Article 3 : Le surplus de la demande de M. et Mme Jean Y... devant le tribunal administratif est rejeté.
Article 4 : L'Etat est condamné à verser à M. et Mme Jean Y... la somme de 3 000 F en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. - - 98BX00424


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