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31/05/2001 | FRANCE | N°98BX00056

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, 31 mai 2001, 98BX00056


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 janvier 1998, par laquelle la S.A. USINE DU MARIN, domiciliée à Marin, (Martinique) demande que la cour :
- annule le jugement rendu le 30 septembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Fort de France a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du Préfet de la région Martinique en date du 18 octobre 1993 déclarant d'utilité publique l'acquisition du site du Morne Aca par le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;

- annule la décision attaquée ;
- condamne le préfet de la

Martinique à lui payer la somme de 10.000 F en application de l'article L...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 janvier 1998, par laquelle la S.A. USINE DU MARIN, domiciliée à Marin, (Martinique) demande que la cour :
- annule le jugement rendu le 30 septembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Fort de France a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du Préfet de la région Martinique en date du 18 octobre 1993 déclarant d'utilité publique l'acquisition du site du Morne Aca par le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;

- annule la décision attaquée ;
- condamne le préfet de la Martinique à lui payer la somme de 10.000 F en application de l'article L.761-1 du code de la justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code rural ;
Vu la loi du 12 juillet 1983 ;
Vu le décret du 23 avril 1985 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2001 :
- le rapport de M. Bec, conseiller ;
- et les conclusions de M. Pac, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier qu'au cours de l'enquête publique, la S.A. USINE DU MARIN a fait état du souhait de conserver une partie des terrains concernés par la déclaration d'utilité publique, en vue d'y réaliser un projet immobilier ; qu'en considérant que la société requérante prévoyait de réaliser des opérations d'aménagement de grande importance , le tribunal administratif n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis ;
Sur la légalité de l'arrêté du 18 octobre 1993 :
Considérant que par un arrêté en date du 18 octobre 1993, le préfet de la région Martinique a déclaré d'utilité publique l'acquisition par le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres du site dit du Morne Aca dont la S.A. USINE DU MARIN est en grande partie propriétaire ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'enquête :

Considérant qu'aux termes de l'article R.11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : "l'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I - lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : 1? une notice explicative ; 2? le plan de situation ; 3? le plan général des travaux ; 4? les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; 5? l'appréciation sommaire des dépenses ; 6? l'étude d'impact définie à l'article 2 du décret n? 77-1141 du 12 octobre 1977, lorsque les ouvrages ou travaux n'en sont pas dispensés ou, s'il y a lieu, la notice exigée en vertu de l'article 4 du même décret ; 7? l'évaluation mentionnée à l'article 5 du décret n? 84-617 du 17 juillet 1984 pris pour l'application de l'article 14 de la loi n? 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, lorsque les travaux constituent un grand projet d'infrastructures tel que défini à l'article 3 du même décret ; II lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles, ou lorsqu'elle est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi : 1? une notice explicative ; 2? le plan de situation ; 3? le périmètre délimitant les immeubles à exproprier ; 4? l'estimation sommaire des acquisitions à réaliser" ;

Considérant que la déclaration d'utilité publique contestée porte sur l'acquisition de terrains par le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ; qu'une telle opération constitue une acquisition d'immeubles au sens de l'article R. 11-3 précité du code de l'expropriation ; que les travaux mêmes prévisibles nécessaires à l'ouverture du site au public, conformément à la mission du conservatoire, demeurent distincts de l'opération d'acquisition et n'ont pas à être impérativement déterminés préalablement à l'opération d'acquisition ; qu'ainsi, la procédure spécifique prévue par la loi du 12 juillet 1983 ne trouvait pas à s'appliquer ; que par suite le dossier d'enquête, constitué conformément à l'article R.11-3 précité du code de l'expropriation, n'avait à comporter ni d'évaluation du montant des travaux, ni d'étude d'impact ; que, de même, la durée de l'enquête n'avait pas à être prolongée pour la mettre en conformité avec les prescriptions de la loi du 12 juillet 1983 ; que la notice explicative, qui expose les menaces qui pèsent sur le site, les buts poursuivis par l'opération et les moyens mis en ouvre à cette fin, est ainsi suffisante ; que la sous-évaluation du montant des acquisitions foncières n'est pas établie par de simples allégations sur la valeur de certaines parcelles voisines, qui ne suffisent pas à infirmer l'évaluation opérée par le service des domaines ; qu'en faisant état du souhait émis par le dirigeant de la S.A. USINE DU MARIN de préserver la perspective d'ouvrir une partie du site à l'urbanisation, le commissaire enquêteur n'a pas dénaturé les observations qui lui avaient été soumises ; que l'avis du commissaire enquêteur, qui comporte l'énoncé des considérations de fait sur lesquelles ce dernier s'appuie pour fonder son avis, est ainsi suffisamment motivé; qu'en relevant que l'excellent état de préservation du site justifie l'intervention du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, le commissaire enquêteur, eu égard à la mission et aux moyens du conserv atoire, n'a pas entaché son avis d'une contradiction de motif ; qu'enfin, si le commissaire enquêteur a assorti son avis favorable d'un voeu ayant trait à la réflexion à mener sur la consistance d'un éventuel équipement touristique du secteur, de telles considérations, au surplus relatives à des perspectives d'aménagement touristique étrangères à l'opération d'acquisition sur laquelle porte l'enquête publique, ne peuvent être regardées comme constituant une réserve qui, faute d'avoir été levée, devrait faire regarder l'avis comme défavorable; que la S.A. USINE DU MARIN n'est par suite pas fondée à soutenir que le préfet de région n'aurait pas été l'autorité compétente pour prendre l'arrêté attaqué ;
En ce qui concerne l'utilité publique de l'opération :
Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si l'atteinte à la propriété privée, le coût financier, et éventuellement les inconvénients d'ordre social qu'elle comporte ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente ;

Considérant que la mission de préservation dont l'article L.243-1 du code rural investit le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres confère aux terrains dont ce dernier se porte acquéreur une protection renforcée ; qu'eu égard aux garanties dont l'article L. 243-3 du code rural entoure une éventuelle revente des terrains, la faculté dont dispose le conservatoire d'aliéner des éléments de son patrimoine ne porte pas atteinte à cette protection ; qu'ainsi la circonstance que le Morne Aca ferait déjà l'objet d'une protection au titre de la législation sur les sites, et d'un classement dans une zone du plan d'occupation des sols où l'urbanisation est interdite, n'est pas de nature à retirer son utilité publique à l'acquisition projetée ; qu'en se bornant à affirmer que les développements de la notice explicative sur les menaces que les divagations d'animaux et la présence d'occupants sans titre feraient courir aux lieux revêtiraient un caractère fantaisiste, que le conservatoire ne disposerait pas des moyens matériels nécessaires au respect de l'intégrité des terrains qu'il acquiert, et que la S.A. USINE DU MARIN aurait toujours veillé à préserver l'intégrité du site, la requérante n'établit pas que la protection attachée à l'acquisition par le conservatoire du site du Morne Aca serait inutile, superflue ou illusoire ; qu'eu égard à l'intérêt qui s'attache à la préservation d'un site vierge, menacé par une urbanisation anarchique, et sans qu'il soit besoin d'organiser une expertise sur le préjudice ainsi porté à la S.A. USINE DU MARIN, le projet d'acquisition ne porte pas aux autres intérêts privés et aux nécessités du développement économique une atteinte de nature à retirer son utilité publique à l'opération ;
Considérant que si la S.A. USINE DU MARIN soutient que l'opération n'aurait pour but que de nuire à ses intérêts, le détournement de pouvoir ainsi invoqué n'est établi ni par des considérations tirées des prises de position prodiguées à titre individuel par l'un des administrateurs du conseil des rivages français d'Amérique, ni par l'évocation d'éventuelles opérations immobilières auquel le projet ferait obstacle ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la S.A. USINE DU MARIN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort de France a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel , le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation."
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres du site dit du Morne Aca, qui n'est pas dans la présente instance la partie qui succombe, soit condamné à payer une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la S.A. USINE DU MARIN à payer au le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres du site dit du Morne Aca la somme de 5.000 F ;
Article 1er : la requête de la S.A. USINE DU MARIN est rejetée.
Article 2 : la S.A. USINE DU MARIN est condamnée à payer au conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres du site dit du Morne Aca la somme de 5.000 F au titre de l'article L.761-1 du code de la justice administrative.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 98BX00056
Date de la décision : 31/05/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - NOTIONS GENERALES - NOTION D'UTILITE PUBLIQUE - EXISTENCE.

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - REGLES GENERALES DE LA PROCEDURE NORMALE - ENQUETES - ENQUETE PREALABLE - DOSSIER D'ENQUETE - APPRECIATION SOMMAIRE DES DEPENSES.


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique R11-3
Code rural L243-1, L243-3
Décret du 23 avril 1985
Loi du 12 juillet 1983


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bec
Rapporteur public ?: M. Pac

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2001-05-31;98bx00056 ?
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