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17/06/2003 | FRANCE | N°99BX00239

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3eme chambre, 17 juin 2003, 99BX00239


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 8 février 1999, présentée pour M. Patrick X, demeurant à ..., par Me François Drageon, avocat ;

M. X demande à la Cour :

- d'annuler le jugement du 5 novembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande ;

- d'annuler la décision en date du 22 mars 1991 par laquelle le préfet de la région Poitou-Charentes a rejeté certaines dépenses effectuées par l'association Forma Plus pour les années 1988, 1989 et 1990 en exécution de conventions de formation professionnelle conclues avec

l'Etat ainsi que les actes de poursuites en découlant ;

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Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 8 février 1999, présentée pour M. Patrick X, demeurant à ..., par Me François Drageon, avocat ;

M. X demande à la Cour :

- d'annuler le jugement du 5 novembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande ;

- d'annuler la décision en date du 22 mars 1991 par laquelle le préfet de la région Poitou-Charentes a rejeté certaines dépenses effectuées par l'association Forma Plus pour les années 1988, 1989 et 1990 en exécution de conventions de formation professionnelle conclues avec l'Etat ainsi que les actes de poursuites en découlant ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Classement CNIJ : 66-09-02 B

19-05-06

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2003 :

- le rapport de Mme Texier, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Boulard, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite du contrôle des activités de formation professionnelle conduites par l'association Forma Plus , le préfet de la région Poitou-Charentes a, par une décision en date du 22 mars 1991, rejeté les dépenses de cette association pour un montant total de 734 272 F, dont 431 707 F au titre de l'année 1988, 301 115 F au titre de l'année 1989 et 1 450 F au titre de l'année 1990 et a ordonné le versement au Trésor public d'une somme d'un montant égal à celui desdites dépenses ; que le 5 juillet 1993, le receveur divisionnaire des impôts de La Rochelle-Est a notifié à l'association Forma Plus ainsi qu'à M. X, en qualité de débiteur solidaire, un avis de mise en recouvrement collectif d'un montant de 734 272F ; que M. X sollicite la décharge de la somme qui lui a été réclamée par cet avis de mise en recouvrement ainsi que la décharge de l'obligation de payer la même somme, dont le recouvrement a été poursuivi par deux avis à tiers détenteur en date des 19 et 20 août 1993 ;

Sur les conclusions tendant à la décharge du versement litigieux :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande devant le tribunal administratif :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 950-8 du code du travail, issu de la loi n°84-130 du 24 février 1984 : Des agents commissionnés par l'autorité administrative de l'Etat sont habilités à (...) procéder au contrôle des dépenses effectuées par les organismes de formation pour l'exécution des conventions mentionnées au titre II du présent livre (...) ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 920-10 du même code, repris à l'article 235 ter HC du code général des impôts : Lorsque des dépenses faites par le dispensateur de formation pour l'exécution d'une convention du titre II du présent livre ne sont pas admises parce qu'elles ne peuvent, par leur nature, être rattachées à l'exécution d'une convention de formation ou que le prix des prestations est excessif, le dispensateur est tenu, solidairement avec ses dirigeants de fait ou de droit, de verser au Trésor public une somme égale au montant de ces dépenses ; que l'article L. 920-11 du même code dispose : Les versements au Trésor public visés aux articles L. 920-9 et L. 920-10 sont recouvrés selon les modalités, ainsi que sous les sûretés, garanties et pénalités applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires (...) Les réclamations sont présentées, instruites et jugées comme en matière de taxes sur le chiffre d'affaires. Elles sont communiquées pour avis au service chargé du contrôle de la formation professionnelle (...) ; qu'enfin, en vertu de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, les réclamations relatives à l'assiette des impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature (...) recouvrés par les agents de la direction générale des impôts relèvent du contentieux de l'établissement de l'impôt dont les règles sont définies par ledit livre , et comportent, notamment, que ces réclamations doivent être présentées au directeur des services fiscaux territorialement compétent après la mise en recouvrement du rôle ou la notification de l'avis de mise en recouvrement ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le bien-fondé ou la régularité de la procédure à l'issue de laquelle il est procédé à l'établissement des versements prévus à l'article L. 920-10 du code du travail peut être contesté au soutien d'une réclamation présentée au directeur des services fiscaux postérieurement à l'émission de l'avis de mise en recouvrement d'un versement de montant égal à celui des dépenses non admises, et tendant à la décharge de ce versement ;

Considérant que si le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie soutient que M. X n'a déposé aucune réclamation auprès du directeur des services fiscaux dans le délai de deux mois à partir de la notification de l'extrait de l'avis de mise en recouvrement, qu'il n'est donc plus recevable à en contester la validité en raison de l'expiration du délai de réclamation, et que le contentieux d'assiette relève exclusivement de l'autorité préfectorale, il résulte de l'instruction que M. X a, par un courrier en date du 9 février 1994, adressé au préfet de la région Poitou-Charentes une réclamation tendant à la décharge des sommes dont le paiement lui a été réclamé par l'avis de mise en recouvrement du 5 juillet 1993 ; que cette réclamation, formée avant le 31 décembre de la deuxième année suivant la notification de l'avis de mise en recouvrement, ainsi que le prévoient les dispositions de l'article R. 196-1-a) du livre des procédures fiscales, a été régulièrement transmise au directeur des services fiscaux de la Charente-Maritime ; qu'à défaut de réponse de ce dernier, M. X a régulièrement saisi le tribunal administratif de conclusions à fin de décharge du versement de la somme qui lui avait été réclamée ; que, dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tirée de l'expiration du délai de réclamation, n'est pas fondée et doit être écartée ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 950-25 du code du travail, alors applicable : Dans le cas où il est envisagé de rejeter tout ou partie des dépenses invoquées par un employeur, ce dernier doit recevoir notification des conclusions du contrôle effectué et être avisé en même temps qu'il dispose d'un délai de trente jours, à compter de cette notification, pour présenter des observations écrites et demander, le cas échéant, à être entendu. La décision du ministre chargé de la formation professionnelle ou du préfet de la région ne peut être prise qu'au vu de ces observations et après audition, le cas échéant, de l'employeur, à moins qu'aucune demande écrite ou demande d'audition n'ait été présentée avant l'expiration du délai ci-dessus prévu. Cette décision, qui doit être motivée, est notifiée à l'intéressé, selon le cas par le ministre chargé de la formation professionnelle ou le préfet de région. - La procédure déterminée à l'alinéa précédent est applicable aux dispensateurs de formation. - Si l'employeur ou le dispensateur de formation entend contester la décision administrative qui lui a été notifiée conformément aux dispositions du premier alinéa du présent article, il doit, préalablement à tout recours pour excès de pouvoir, saisir d'une réclamation l'autorité administrative qui a pris la décision. En cas de rejet total ou partiel de la réclamation, une décision motivée est notifiée à l'intéressé ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 256-2 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : Lorsque les sommes figurant sur l'avis de mise en recouvrement concernent plusieurs redevables tenus à leur paiement conjointement ou solidairement, la notification peut être effectuée au moyen d'avis de mise en recouvrement individuels établis au nom de chacun des redevables ou d'un avis de mise en recouvrement collectif. L'avis de mise en recouvrement collectif comporte, outre les indications et éléments prévus pour l'avis de mise en recouvrement individuel, la référence au texte légal ou réglementaire ou à l'engagement établissant l'obligation de chacune des personnes qui sont mentionnées, à l'exception des débiteurs principaux ; que l'article R. 256-1 du même livre dispose : L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L. 256 comporte : 1° Les indications nécessaires à la connaissance des droits, taxes, redevances, impositions ou autres sommes qui font l'objet de cet avis ; 2° Les éléments du calcul et le montant des droits et des pénalités, indemnités ou intérêts de retard, qui constituent la créance. Toutefois, les éléments du calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement ;

Considérant que, si les conclusions du contrôle de l'association Forma Plus ont été notifiées à ladite association par un courrier en date du 28 décembre 1990, et à supposer même qu'elles aient également été adressées à M. X, qui avait été directeur de cette association avant d'être licencié par celle-ci, il est constant que ce dernier n'a pas été destinataire de la décision prise le 22 mars 1991 par le préfet de la région Poitou-Charentes ; que l'extrait d'avis de mise en recouvrement collectif notifié à l'intéressé le 5 juillet 1993 se bornait à faire référence à la décision du 22 mars 1991 du préfet de région prononçant le rejet des dépenses pour l'exécution d'une convention de formation professionnelle (application des articles L. 910-10 et L. 991-5 du code du travail et de l'article 235 ter HC du code général des impôts) ; que, dans ces conditions, la mise à la charge de M. X du versement litigieux, en sa qualité de co-débiteur solidaire redevable dudit versement, est intervenue, en ce qui le concerne, en méconnaissance de la procédure prévue par les dispositions précitées des articles R. 950-25 du code du travail et R. 256-2 du livre des procédures fiscales ; que cette irrégularité est de nature à entraîner la décharge du versement en cause ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande à fin de décharge du versement de 734 272 F qui lui a été réclamé ;

Sur les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant des avis à tiers détenteur en date des 19 et 20 août 1993 :

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'il doit être accordé à M. X la décharge du versement auquel il a été assujetti en qualité de débiteur solidaire de l'association Forma Plus ; que, par suite, et en tout état de cause, ses conclusions susvisées dirigées contre les avis à tiers détenteur en date des 19 et 20 août 1993 sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à payer à M. X une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 5 novembre 1998 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant des avis à tiers détenteur en date des 19 et 20 août 1993.

Article 3 : Il est accordé à M. X la décharge du versement auquel il a été assujetti.

Article 4 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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99BX00239


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 99BX00239
Date de la décision : 17/06/2003
Sens de l'arrêt : Décharge de l'imposition
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CHAVRIER
Rapporteur ?: Mme TEXIER
Rapporteur public ?: Mme BOULARD
Avocat(s) : DRAGEON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2003-06-17;99bx00239 ?
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