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02/12/2003 | FRANCE | N°99BX01363

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3eme chambre (formation a 3), 02 décembre 2003, 99BX01363


Vu, enregistrés, le 4 juin 1999 et le 4 octobre 1999 la requête et le mémoire présentés par le MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT, ... 07 SP, qui demande à la cour :

- d'annuler le jugement en date du 25 mars 1999 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé les arrêtés en date du 29 novembre 1996 par lesquels le Préfet des Landes a fixé d'une part la liste des espèces classées nuisibles et d'autre part les modalités de destruction à tir de ces animaux ;

- de rejeter la demande de l'Association pour la protection des animaux sau

vages devant le tribunal administratif de Pau ;

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Vu, enregistrés, le 4 juin 1999 et le 4 octobre 1999 la requête et le mémoire présentés par le MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT, ... 07 SP, qui demande à la cour :

- d'annuler le jugement en date du 25 mars 1999 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé les arrêtés en date du 29 novembre 1996 par lesquels le Préfet des Landes a fixé d'une part la liste des espèces classées nuisibles et d'autre part les modalités de destruction à tir de ces animaux ;

- de rejeter la demande de l'Association pour la protection des animaux sauvages devant le tribunal administratif de Pau ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 79/ 409 CEE du 2 avril 1979 relative à la conservation des oiseaux sauvages ;

Vu la directive n° 92/43 CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;

Classement CNIJ : 03-08-005 C

Vu la loi n°95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement ;

Vu le décret n° 88-940 du 30 septembre 1988 relatif à la destruction des animaux classés nuisibles ;

Vu le décret n° 90-756 du 22 août 1990 portant publication de la convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe ;

Vu l'arrêté du 30 septembre 1988 fixant la liste des animaux susceptibles d'être classés nuisibles ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2003 :

- le rapport de M. Taoumi, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Boulard, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par jugement en date du 25 mars 1999, le tribunal administratif de Pau a annulé les arrêtés du préfet des Landes en date du 29 novembre 1996 fixant la liste des animaux classés nuisibles et les modalités de leur destruction à tir pour l'année 1997 en tant qu'ils visaient le geai des chênes, la martre, la belette, le putois, la fouine et le renard ; que pour prononcer cette annulation le tribunal s'est fondé sur la méconnaissance par le préfet des dispositions de l'article 16 de la directive européenne du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;

Considérant que si l'article 16 susvisé permet aux Etats membres de déroger aux dispositions des articles 12 à 15 de la directive, qui instaurent un système de protection stricte des espèces animales énumérées à l'annexe IV point a) et de celles figurant à l'annexe V point a), à la condition qu'il n'existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, il est constant que seuls la martre et le putois figurent à l'annexe V point a) fixant la liste des espèces animales et végétales d'intérêt communautaire dont le prélèvement dans la nature et l'exploitation sont susceptibles de faire l'objet de mesures de gestion ; que, par suite, le MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'article 16 de la directive du 21 mai 1992 pour annuler les arrêtés précités du préfet des Landes en tant qu'ils concernent la fouine, la belette, le renard et le geai des chênes ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'ASPAS devant le tribunal administratif ;

Sur l'intérêt donnant qualité pour agir à l'ASPAS :

Considérant que, contrairement à ce que soutient la fédération départementale des chasseurs des Landes, l'ASPAS est une association dont l'objet statutaire de protection de la faune sauvage est clairement défini comme s'exerçant au plan national pour notamment ester en justice contre les décisions administratives susceptibles de porter atteinte aux buts qu'elle s'est fixés ; que, dès lors, en l'absence de toute représentation locale, elle présente un intérêt pour agir contre les arrêtés litigieux du préfet des Landes sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elle n'ait été agréée, au titre des associations pour la protection de la nature et de l'environnement, que dans le cadre du département de la Drôme par le préfet de ce département ;

Sur la légalité de l'arrêté du 29 novembre 1996 fixant la liste des espèces classées nuisibles dans le département des Landes :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant qu'aucune disposition législative ni aucun principe général ne fait obligation au préfet d'organiser une représentation paritaire entre les intérêts cynégétiques et écologiques au sein du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage ; que , par suite, le moyen tiré par l'association requérante de ce que la composition et le fonctionnement du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage des Landes serait contraire au principe d'égalité ne peut être accueilli ;

Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de motiver les arrêtés fixant la liste des animaux classés nuisibles et les modalités de leur destruction ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation des arrêtés litigieux est inopérant ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, que la circulaire du 9 novembre 1988 est dépourvue de valeur réglementaire ; qu'ainsi ses dispositions ne peuvent être invoquées pour soutenir que l'arrêté de classement litigieux serait illégal ;

Considérant, en deuxième lieu, que les stipulations de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe, dite convention de Berne, créent seulement des obligations entre les Etats parties et ne produisent pas d'effets directs dans l'ordre juridique interne ; que l'association requérante ne peut donc utilement se prévaloir de la violation de cette convention pour soutenir que le décret du 30 septembre 1988 serait illégal ;

Considérant, en troisième lieu, que le décret du 30 septembre 1988 autorise la destruction de certaines espèces animales nuisibles sur le fondement du régime dérogatoire justifié en l'espèce, soit dans l'intérêt général de la santé publique , soit pour les dommages causés aux cultures , aux élevages ou à la faune sauvage ; qu'ainsi ledit décret a pu prévoir un régime permettant au préfet d'autoriser la destruction desdites espèces, après avoir contrôlé, dans l'appréciation de la situation locale à laquelle il se livre, qu'il n'existait pas de solution alternative à la destruction plus satisfaisante ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance par le décret du 30 septembre 1988 et par l'arrêté du même jour de la directive européenne du 2 avril 1979 et de celle du 21 mai 1992, lesquelles prévoient elles- mêmes des dérogations aux mesures de protection qu'elles envisagent, doit être écarté ; qu'enfin, le moyen tiré de ce que le renard ne serait pas une espèce nuisible est inopérant à l'appui des conclusions présentées contre l'arrêté attaqué lui-même dès lors que cette espèce a été classée nuisible au plan national par l'arrêté du 30 septembre 1988 ;

Considérant, en quatrième lieu, que si l'association a entendu se prévaloir du principe de précaution énoncé à l'article 1er de la loi susvisée du 2 février 1995, il résulte de l'instruction que l'arrêté litigieux , qui se borne à dresser une liste d'espèces nuisibles, ne fait pas courir des dommages graves et irréversibles à l'environnement au sens de cette disposition ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 3 du décret susvisé du 30 septembre 1988 : Dans chaque département, le préfet détermine les espèces d'animaux nuisibles parmi celles, figurant sur la liste prévue à l'article 2, en fonction de la situation locale, et pour l'un des motifs ci-après : 1° dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ; 2° pour prévenir les dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles ; 3° pour la protection de la flore et de la faune ; qu'il résulte de ces dispositions, qu'au titre d'une année considérée, il peut être légalement procédé au classement, parmi les nuisibles, d'une espèce animale figurant sur la liste établie par l'arrêté susvisé du 30 septembre 1988 pris pour l'application de l'article 2 du décret du 30 septembre 1988 dès lors que cette espèce est répandue de façon significative dans le département et que, compte tenu des caractéristiques géographiques, économiques et humaines de celui-ci, sa présence est susceptible de porter atteinte aux intérêts protégés par les dispositions précitées ou dès lors qu'il est établi qu'elle est à l'origine d'atteintes significatives aux intérêts protégés par ces mêmes dispositions ;

Considérant que, faute d'études scientifiques sérieuses, les relevés de piégeage pour la période 1996-1997 permettaient au préfet des Landes d'apprécier la situation locale et de mettre en évidence que le renard est une espèce répandue de manière significative dans le département des Landes et que cette espèce est susceptible de porter atteinte aux intérêts que le classement comme nuisible d'une espèce animale doit protéger en vertu des dispositions réglementaires précitées ; que le préfet des Landes a donc pu sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation classer le renard dans la liste des espèces nuisibles ; qu'il ne ressort pas, en revanche, des pièces du dossier, que la belette, la fouine et le geai des chênes étaient en 1996 des espèces répandues de façon significative dans le département des Landes ; qu'il n'est par ailleurs pas établi par l'administration que ces espèces aient porté atteinte aux intérêts que le classement, comme nuisible, d'une espèce animale doit protéger aux termes de l'article 3 du décret susvisé du 30 septembre 1988 ;

Sur l'arrêté du 29 novembre 1996 fixant les modalités de destruction à tir des espèces classées nuisibles :

Considérant que, comme il résulte de ce qui vient d'être dit, l'arrêté du préfet des Landes en date du 29 novembre 1996 en tant qu'il classe la fouine, la belette et le geai des chênes en nuisibles est illégal ; que l'arrêté du même jour fixant les modalités de destruction à tir, de ces espèces est illégal par voie de conséquence ; que toutefois, l'association n'invoque aucun moyen pour critiquer les modalités de destruction à tir du renard ; qu'elle n'est donc pas fondée à contester la légalité dudit arrêté en tant qu'il vise cette espèce ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Pau a, par le jugement attaqué, annulé les arrêtés du 29 novembre 1996 en tant qu'ils concernent la belette, la fouine et le geai des chênes ; qu'il est, en revanche, fondé à demander l'annulation dudit jugement en tant qu'il vise le renard ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à l'ASPAS la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 3 et 4 du jugement du tribunal administratif de Pau du 25 mars 1999 sont annulés en tant qu'ils annulent en ce qui concerne le renard les arrêtés du préfet des Landes du 29 novembre 1996.

Article 2 : Le surplus de la demande de l'ASPAS devant le tribunal administratif de Pau, le surplus de ses conclusions devant la cour ainsi que le surplus des conclusions de la demande du MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT sont rejetés.

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99BX01363


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 99BX01363
Date de la décision : 02/12/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MADEC
Rapporteur ?: M. TAOUMI
Rapporteur public ?: Mme BOULARD
Avocat(s) : JUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2003-12-02;99bx01363 ?
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