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23/03/2004 | FRANCE | N°98BX00967

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3eme chambre (formation a 3), 23 mars 2004, 98BX00967


Vu en date du 21 mai 2002, l'arrêt par lequel la cour, statuant sur la demande présentée pour M. et Mme X :

- a annulé le jugement du 9 avril 1998, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat, de la commune de Jarnac, du département de la Charente et de la Société nouvelle de génie civil (S.N.G.C.) à leur verser la somme de 2 500 000 F en réparation des dommages causés à leur propriété ;

- a déclaré le département de la Charente, l'Etat et la S.N.G.C. solidairement responsables du sinistre subi pa

r M. et Mme X le 20 janvier 1996 à concurrence de 70% et les a condamnés à en ...

Vu en date du 21 mai 2002, l'arrêt par lequel la cour, statuant sur la demande présentée pour M. et Mme X :

- a annulé le jugement du 9 avril 1998, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat, de la commune de Jarnac, du département de la Charente et de la Société nouvelle de génie civil (S.N.G.C.) à leur verser la somme de 2 500 000 F en réparation des dommages causés à leur propriété ;

- a déclaré le département de la Charente, l'Etat et la S.N.G.C. solidairement responsables du sinistre subi par M. et Mme X le 20 janvier 1996 à concurrence de 70% et les a condamnés à en réparer les conséquences dommageables ;

- a rejeté l'appel en garantie formé par le département de la Charente ;

Classement CNIJ : 60-04-03 C

- a, avant de statuer sur la demande d'indemnité de M. et Mme X, décidé qu'il serait procédé à une expertise contradictoire aux fins notamment d'indiquer quelle était la valeur vénale de l'immeuble avant le sinistre du 20 janvier 1996, d'évaluer le coût des travaux de reconstruction de l'immeuble en indiquant si et dans quelle mesure ces travaux sont susceptibles de procurer une plus-value à l'immeuble ;

- a mis les frais de l'expertise de référé à la charge solidaire du département de la Charente, de l'Etat et de la société S.N.G.C. ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 février 2004 :

- le rapport de Mme Texier, président-assesseur,

- les observations de Me Cheysson, avocat de M. et Mme X ;

- les observations de Me Brossier, avocat pour le département de la Charente ;

- les observations de Me Gagnère, avocat de la S.N.G.C. ;

- et les conclusions de Mme Boulard, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un arrêt en date du 21 mai 2002, la cour, statuant sur la demande présentée pour M. et Mme X, a, d'une part, annulé le jugement du 9 avril 1998, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat, de la commune de Jarnac, du département de la Charente et de la Société nouvelle de génie civil (S.N.G.C.) à leur verser la somme de 2 500 000 F en réparation des dommages causés à leur propriété, et, d'autre part, déclaré le département de la Charente, l'Etat et la S.N.G.C. solidairement responsables du sinistre subi par M. et Mme X le 20 janvier 1996 à concurrence de 70%, les a condamnés à en réparer les conséquences dommageables et a rejeté l'appel en garantie formé par le département de la Charente ; que par le même arrêt, elle a, avant de statuer sur la demande d'indemnité de M. et Mme X, décidé qu'il serait procédé à une expertise contradictoire aux fins notamment d'indiquer quelle était la valeur vénale de l'immeuble avant le sinistre du 20 janvier 1996, d'évaluer le coût des travaux de reconstruction de l'immeuble en indiquant si et dans quelle mesure ces travaux étaient susceptibles de procurer une plus-value à l'immeuble et de donner à la cour tous éléments de nature à lui permettre d'évaluer les préjudices de toute nature subis par les requérants ;

Sur la réparation des préjudices subis :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du rapport d'expertise que le coût des travaux de réparation des immeubles endommagés, comportant notamment des travaux de fondation du pignon en limite du lit du fleuve, la reconstitution du gros oeuvre et de la couverture ainsi que des travaux d'aménagement intérieurs portant sur les trois niveaux endommagés, doit être compris entre les sommes hors taxe de 1 403 190 F et 2 392 000 F ; que même en prenant en compte la somme la plus basse et en ajoutant la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 5,5%, dont il n'est pas contesté que M. et Mme X devront l'acquitter, la part du coût des travaux incombant à l'Etat, au département de la Charente et à la SNGC devrait, eu égard à l'abattement de 40% au titre de la plus-value procurée à l'ensemble immobilier et à la part de responsabilité leur incombant, être fixée à 621 740 F, soit 94 784 euros ; que toutefois, la valeur vénale d'un bien immobilier constitue la limite de l'indemnisation pouvant être attribuée au propriétaire en réparation des préjudices résultant des dommages causés à ce bien ; qu'il résulte du rapport d'expertise et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que la valeur vénale de l'ensemble immobilier à la date du sinistre, soit le 20 janvier 1996, s'établissait à un peu plus de 600 000 F ; que, dès lors, l'indemnité mise à la charge de l'Etat, du département de la Charente et de la S.N.G.C. à ce titre doit être limitée à la somme de 91 500 euros ;

Considérant, en deuxième lieu, que si l'octroi d'une indemnité égale à la valeur vénale de l'immeuble fait obstacle à ce que le propriétaire obtienne une indemnité supplémentaire au titre de la perte de jouissance postérieure à la date à laquelle l'étendue du dommage a été connue, il ne fait pas obstacle à l'octroi d'une indemnité réparant la perte de jouissance subie pendant la période antérieure où le propriétaire s'est trouvé dans l'impossibilité tout à la fois de réparer son immeuble et de l'habiter ; que, par suite, les consorts X peuvent, ainsi qu'ils le demandent, prétendre à l'indemnisation de la perte de jouissance qu'ils ont subie jusqu'au terme de la période retenue par l'expert ; qu'il résulte également du rapport d'expertise que le préjudice subi à ce titre doit, nonobstant la circonstance que l'immeuble ne serait pas utilisé à titre de résidence principale, être fixé à la somme de 210 000 F, soit 32 014 euros ; qu'eu égard au partage de responsabilité, l'indemnité mise à la charge de l'Etat, du département de la Charente et de la S.N.G.C. à ce titre doit être limitée à la somme 22 410 euros ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte également du rapport d'expertise que les consorts X ont dû, après le sinistre, supporter des frais de maçonnerie afin de consolider et sauvegarder la construction, des frais de déménagement et de garde-meuble afin de préserver le mobilier ainsi que des frais de plomberie engagés pour la vidange des installations de chauffage et sanitaire ; que le préjudice résultant de ces travaux de sauvegarde, de sauvetage et de consolidation, distinct de celui résultant des travaux de réparation des dommages causés à l'immeuble, doit être fixé à la somme de 36 117 euros, dont l'Etat, le département de la Charente et la S.N.G.C. devront supporter 70%, soit 25 282 euros ;

Considérant, en quatrième lieu, que si les consorts X sollicitent une somme de 80 000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de mobiliers et de documents de valeur, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les frais de restauration d'un secrétaire Louis XVI endommagé, d'un montant de 12 060 F, ont été pris en compte par l'expert au titre des travaux de sauvegarde, de sauvetage et de consolidation susvisés ; que pour le surplus, les requérants ne justifient pas, en se bornant à faire référence à leur contrat d'assurance, des pertes qu'ils allèguent ;

Considérant, enfin, que si les consorts X font valoir qu'ils se sont trouvés dans l'obligation de procéder au licenciement de l'employée qui assurait l'entretien de l'habitation et le gardiennage de l'immeuble, ils n'établissent pas l'existence d'un lien de causalité direct entre ce licenciement et les dommages causés à leur propriété ; que, par suite, ils ne sont pas fondés à solliciter le remboursement des frais exposés à ce titre ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Etat, le département de la Charente et la S.N.G.C. doivent être condamnés conjointement et solidairement à verser à M. et Mme X la somme de 139 192 euros ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant, d'une part, que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que, par suite, M. et Mme X ont droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 139 192 euros à compter du 2 juin 1997, date de la saisine au fond du tribunal administratif de Poitiers ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que M. et Mme X ont demandé par un mémoire enregistré le 9 octobre 2003 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus au moins pour une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, les frais et honoraires des opérations d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 900, 20 euros par ordonnance du président de la cour en date du 16 juin 2003, doivent être mis à la charge solidaire de l'Etat, du département de la Charente et de la S.N.G.C. ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les consorts X, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, soient condamnés à verser au département de la Charente et à la S.N.G.C. les sommes qu'ils réclament sur le fondement dudit article ;

Considérant, en deuxième lieu, que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner solidairement l'Etat, le département de la Charente et la S.N.G.C. à payer aux consorts X une somme de 1 600 euros au titre des frais exposés par eux, y compris les frais de constat d'huissier auquel ils ont fait procéder le 22 janvier 1996 ;

Considérant, en troisième lieu, que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Jarnac tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E

Article 1er : L'Etat, le département de la Charente et la S.N.G.C. sont condamnés conjointement et solidairement à verser à M. et Mme X la somme de 139 192 euros.

Article 2 : Ladite somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 1997. Les intérêts échus le 9 octobre 2003 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par l'arrêt susvisé du 21 mai 2002, liquidés et taxés à la somme de 1 900,20 euros, seront supportés solidairement par l'Etat, le département de la Charente et la S.N.G.C.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. et Mme X est rejeté.

Article 5 : L'Etat, le département de la Charente et la S.N.G.C. verseront à M. et Mme X une somme de 1 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les conclusions du département de la Charente, de la S.N.G.C. et de la commune de Jarnac tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

5

98BX00967


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 98BX00967
Date de la décision : 23/03/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MADEC
Rapporteur ?: Mme TEXIER
Rapporteur public ?: Mme BOULARD
Avocat(s) : SCP LAFARGE FLECHEUX CAMPANA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2004-03-23;98bx00967 ?
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