La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/11/2006 | FRANCE | N°03BX02246

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3eme chambre (formation a 3), 14 novembre 2006, 03BX02246


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 17 novembre 2003, présentée pour M. Tahar X, demeurant ..., par Me Cartron, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 septembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Châteauroux et de l'Etat à l'indemniser du préjudice consécutif à son accident cardiaque du 30 août 1998 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Châteauroux et l'Etat à lui verser la somme de 112 812,27 euros avec intérêt au taux

légal à compter du 30 octobre 2000 pour l'Etat et 12 avril 2001 pour le centre hosp...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 17 novembre 2003, présentée pour M. Tahar X, demeurant ..., par Me Cartron, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 septembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Châteauroux et de l'Etat à l'indemniser du préjudice consécutif à son accident cardiaque du 30 août 1998 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Châteauroux et l'Etat à lui verser la somme de 112 812,27 euros avec intérêt au taux légal à compter du 30 octobre 2000 pour l'Etat et 12 avril 2001 pour le centre hospitalier, lesdits intérêts étant capitalisés ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Châteauroux et l'Etat à lui verser la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2006 :

- le rapport de M. Madec, président-rapporteur,

- et les conclusions de Mme Jayat, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, incarcéré au centre pénitentiaire de Châteauroux, a été hospitalisé en fin de matinée du mardi 1er septembre 1998 au centre hospitalier de cette ville et qu'un infarctus du myocarde a été diagnostiqué ; que les premiers symptômes de celui-ci étaient apparus lors d'un malaise survenu pendant un match de football disputé dans l'enceinte pénitentiaire le dimanche 30 août vers 9 h 30 ; qu'en raison de ce diagnostic tardif de son affection, M. X soutient que la responsabilité tant du centre hospitalier de Châteauroux que de l'administration pénitentiaire est engagée à son égard ;

Sur la responsabilité :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Limoges, qu'une erreur de diagnostic a été commise par le médecin de garde appelé le 30 août 1998 par l'intermédiaire du service d'aide médicale d'urgence à la suite du malaise de M. X ; qu'il a, en effet, sans pratiquer d'examen cardiologique malgré les circonstances de ce malaise et les symptômes présentés, diagnostiqué une simple douleur d'origine musculaire ; que l'infirmière du centre pénitentiaire a suivi le 30 août 1998 les prescriptions médicamenteuses données et que l'intéressé n'a pu recevoir les soins adaptés qu'avec 48 heures de retard ; que cette erreur de diagnostic est constitutive d'une faute médicale ;

Considérant que l'article L. 711-3 du code de la santé publique alors en vigueur confie au service public hospitalier « les examens de diagnostic et les soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire et, si nécessaire, en milieu hospitalier » ; que, quand bien même le médecin de garde en cause serait extérieur au centre hospitalier, son erreur de diagnostic engage, à l'égard de M. X, la responsabilité du service public hospitalier auquel participait alors de fait ledit médecin ;

Considérant, d'autre part, que cette erreur est seule à l'origine du préjudice de M. X dès lors que le traitement fibrinolytique dont elle l'a privé doit être pratiqué très rapidement, si possible dans les 6 heures, en tout cas dans les 12 heures suivant le début des symptômes, soit en l'espèce, au plus tard dans la soirée du 30 août ; que, par suite, les négligences ou dysfonctionnements divers du centre pénitentiaire allégués par M. X et qui se seraient manifestés les 31 août ou 1er septembre 1998 sont, en tout état de cause, sans lien de causalité directe avec son préjudice ; que, par suite, seule la responsabilité du centre hospitalier est engagée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande dirigée contre le centre hospitalier de Châteauroux ;

Sur le préjudice :

Considérant que, comme il vient d'être dit, l'erreur de diagnostic commise a privé M. X d'un traitement fibrinolytique et, par suite, de la possibilité d'une amélioration de son pronostic ; qu'elle est donc à l'origine d'une perte de ses chances de diminuer les séquelles de l'infarctus dont il était victime ; qu'en conséquence le centre hospitalier doit être condamné à indemniser intégralement la part de son préjudice résultant directement de cette perte de chance, c'est-à-dire l'aggravation de ses séquelles ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise précité que cette aggravation consiste en 45% (60% moins 15%) d'invalidité permanente, six mois (un an moins six mois) d'invalidité temporaire totale, des douleurs physiques évaluées à 4,5 sur 7 et un léger préjudice d'agrément ; que M. X n'allègue aucune perte de revenus ; qu'il sera fait une juste évaluation des troubles de toute nature subis par M. X dans ses conditions d'existence du fait de son invalidité permanente en les fixant à la somme de 90 000 euros et des préjudices correspondant à son invalidité temporaire totale et à ses souffrances physiques en les fixant respectivement à 7 500 euros et 2 500 euros ; qu'il y a donc lieu de condamner le centre hospitalier de Châteauroux à verser à M. X la somme de 100 000 euros ;

Considérant, par ailleurs, que la créance de la CPAM du Cher s'élève au montant non contesté de 32 240,41 euros ; qu'il y a lieu, en application de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, de condamner le centre hospitalier à lui verser cette somme ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que M. X a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 100 000 euros, à compter du 17 avril 2001, date à laquelle sa demande préalable est parvenue au centre hospitalier de Châteauroux ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par un mémoire enregistré le 19 septembre 2002 ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande tant à cette date qu' à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Considérant que la Caisse primaire d'assurance maladie du Cher a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 32 240, 41 euros à compter du 30 mai 2001, date à laquelle sa demande a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Limoges ; qu'elle a demandé la capitalisation des intérêts par un mémoire enregistré à la cour le 15 janvier 2004 ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser au centre hospitalier la somme demandée par lui au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le centre hospitalier de Châteauroux à verser la somme de 1300 euros à M. X et la somme de 1300 euros à la CPAM du Cher au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges, en date du 18 septembre 2003, est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. X dirigée contre le centre hospitalier de Châteauroux.

Article 2 : Le centre hospitalier de Châteauroux est condamné à verser à M. X la somme de 100 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2001. Les intérêts seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts au 19 septembre 2002 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article3 : Le centre hospitalier de Châteauroux est condamné à verser à la CPAM du Cher la somme de 32 240,41 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2001. Les intérêts seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts au 15 janvier 2004 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 4 : Le centre hospitalier de Châteauroux versera à M. X et à la CPAM du Cher la somme de 1300 euros chacun au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus de la requête de M. X est rejeté.

4

N° 03BX02246


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 03BX02246
Date de la décision : 14/11/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : MADEC
Rapporteur ?: Jean-Yves MADEC
Rapporteur public ?: Mme JAYAT
Avocat(s) : CARTRON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2006-11-14;03bx02246 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award