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30/06/2011 | FRANCE | N°09BX02962

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 30 juin 2011, 09BX02962


Vu la requête, enregistrée le 21 décembre 2009, présentée pour M. et Mme A, demeurant ..., par Me Clarissou ; M. et Mme A demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601552 du 15 octobre 2009 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat pris en sa qualité de maître d'oeuvre et la société anonyme SA Eurovia soient condamnés à leur verser, à titre de réparation des dommages causés à leur propriété par des infiltrations d'eaux résultant de travaux d'assainissement de collecte des eaux pluviales, les sommes de 4

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Vu la requête, enregistrée le 21 décembre 2009, présentée pour M. et Mme A, demeurant ..., par Me Clarissou ; M. et Mme A demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601552 du 15 octobre 2009 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat pris en sa qualité de maître d'oeuvre et la société anonyme SA Eurovia soient condamnés à leur verser, à titre de réparation des dommages causés à leur propriété par des infiltrations d'eaux résultant de travaux d'assainissement de collecte des eaux pluviales, les sommes de 4.451,58 euros au titre de la remise en état de la cave, de 5 000 euros au titre du trouble de jouissance, outre les dépens et à ce qu'il leur soit fait injonction d'exécuter, sur le domaine public, les travaux d'un montant de 8 204,56 euros préconisés par l'expert ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Eurovia la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du es dossier ;

Vu la loi du 28 Pluviôse An VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 janvier 2011 :

- le rapport de M. Lamarche, président-assesseur,

- les observations de Me Plas pour la SA Eurovia,

- et les conclusions de M. Vie, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que par délibération du 2 mars 2001, la commune de Darnets (Corrèze), maître d'ouvrage, a décidé, afin d'éviter que les eaux pluviales aboutissent dans une cuvette en bordure de bâtiments d'habitation sans exutoire, de procéder à des travaux d'assainissement des eaux pluviales au carrefour des voies communales n° 6 et 19 ; qu'ils ont été exécutés courant 2001 et 2002 par la société anonyme Eurovia sous maîtrise d'oeuvre de la direction départementale de l'équipement de la Corrèze et ont été réceptionnés sans réserve le 13 février 2002 ; que M. et Mme A interjettent régulièrement appel du jugement du 15 octobre 2009 par lequel le Tribunal Administratif de Limoges a rejeté leur requête tendant à ce que l'Etat et la société anonyme Eurovia soient solidairement condamnés à leur verser, à titre de réparation du dommage causé à leur propriété par des infiltrations d'eaux résultant de ces travaux, les sommes de 4.451,85 euros au titre de la remise en état de la cave, de 5.000 euros au titre du trouble dans les conditions d'existence, outre les dépens et à ce qu'il leur soit fait injonction à l'Etat et à la société Eurovia d'exécuter sur le domaine public les travaux d'un montant de 8.204,56 euros préconisés par l'expert ;

Sur la fin de non recevoir présentée par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer tirée du défaut de motivation de la requête :

Considérant que M. et Mme A demandent l'allocation d'une indemnité chiffrée du fait des dommages causés par la mise en place du drainage en soutenant que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que ces travaux n'avaient pas aggravé le phénomène d'infiltrations affectant leur immeuble ; qu'ils soutiennent également que leur demande tendait à l'annulation d'une décision implicite de rejet opposée par la commune et que les premiers juges ont entaché leur jugement d' erreur de droit en rejetant leurs conclusions tendant à ce qu'il soit fait injonction à l'État et à la société Eurovia de procéder aux travaux préconisés par l'expert sur le domaine public ; que la requête est motivée au sens des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que par suite, la fin de non recevoir doit être écartée ;

Sur les conclusions tendant à la réformation du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité :

Considérant que pour rechercher la responsabilité solidaire de la société Eurovia et de l'Etat à raison de la maîtrise d'oeuvre assurée par la direction départementale de l'équipement de la Corrèze, M. et Mme A soutiennent que les travaux d'assainissement des eaux pluviales ont modifié leur conditions d'écoulement, affectant ainsi la cave de leur maison et leur grange ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné en référé, que les travaux ont consisté à supprimer le fossé situé à environ deux mètres de la façade arrière de leur maison et à mettre en place un drain destiné à recevoir les eaux pluviales du hameau, auquel sont reliées les gouttières de la maison ; qu'à l'arrière de leur maison construite en maçonnerie de pierres hourdies à la terre, un filtre en revêtement composite de type delta MS , débordant au bas du mur sans fixation ni solin et pour le surplus, recouvert de terre engazonnée, a été disposé de telle sorte que le niveau du sol est supérieur de 40 cm à celui qui existait précédemment contre la façade ; que le film précité ne pouvant être totalement étanche, l'eau atteint et pénètre le mur maçonné enterré du bâtiment en partie haute passe dans les descentes des eaux pluviales et de la tuyauterie d'alimentation du compteur d'eau ; que ce phénomène se produit également lors de la survenance d'intempéries plus intenses sur la totalité de la bordure du mur où le film précité n'assure pas une protection suffisante ; qu'en se fondant sur ce motif, M. et Mme A doivent être regardés comme ayant entendu invoquer le défaut de conception de l'ouvrage public ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier des indications précitées données par l'expert, du rapport d'expertise amiable, d'un constat d'huissier et notamment des photographies annexées à ces documents, que le rehaussement du niveau du sol, et la mise en place du filtre précité, non seulement n'ont pas amélioré la présence d'humidité préexistante, comme en témoigne les photographies annexées au rapport d'expertise d'une rigole et d'un caniveau en béton destinés à évacuer les eaux en direction de l'autre façade non enterrée bâtiment, mais se trouvent à l'origine d'une augmentation de l'imprégnation de la maçonnerie enterrée, et de pénétrations d'eau au travers du mur lors de fortes intempéries ; qu'ainsi M. et Mme A sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur requête tendant à voir reconnaître la responsabilité de l'Etat et de la société Eurovia et à demander que la responsabilité solidaire de la société Eurovia et de l'État soit engagée ; que toutefois, eu égard à l'état préexistant d'humidité de ladite cave, il y a lieu de limiter la responsabilité de l'Etat et de la société Eurovia à 2/3 des travaux destinés à remédier aux dommages en lien direct avec cette aggravation ;

En ce qui concerne la réparation du préjudice :

Considérant, qu'il résulte de l'instruction et notamment des photographies produites que les fondations de la cave construites en pierres hourdies à la terre sont non seulement noircies d'humidité au bas du sol enterré mais que celle-ci se propage jusqu'aux deux tiers du mur et au dessus de l'entrée du compteur d'alimentation en eau sans atteindre le plafond composé de poutres sous plancher de la salle à manger ; que la surélévation du remblai extérieur et l'insuffisance d'étanchéité du filtre composite sont ainsi à l'origine de détériorations qui nécessitent de procéder au remplacement des deux poteaux en bois situés au droit du mur extérieur supportant le plafond et au doublage du mur évalué à un montant TTC de 2 830,65 euros selon devis de la SARL Monneger du 5 juin 2008, et une remise en état par construction d'un dispositif en parpaing créant un vide sanitaire évaluée par devis de l'entreprise Boulandoux du 21 mars 2008 à 679,09 euros HT et 1 006,06 euros HT soit au total 1 777,83 TTC doivent être regardés comme rendus nécessaires par les pénétrations d'eau sus décrites à concurrence de 2/3 avec les travaux publics de drainage dès lors qu'il préexistait un état d'humidité de la cave et un état de vétusté de ses éléments constructifs, que les nouvelles entrées d'eau ont aggravés ; que, par suite, le montant de l'indemnité destinée à remédier aux désordres affectant la cave du fait des travaux d'assainissement des eaux pluviales et mise à la charge solidaire de la société Eurovia et de l'Etat s'élève, après application du partage de responsabilité à 3 072, 32 euros TTC ;

Considérant que les infiltrations d'eaux dans la grange nécessitent selon l'expert des travaux sur le domaine public, sur lesquels il sera statué dans le cadre des conclusions tendant à injonction ; que toutefois, si M. et Mme A ne justifient pas de leur intention de construire une douche dans la grange à l'usage de la mère de M. A décédée le 29 mars 2009 à l'âge de 100 ans, ils établissent néanmoins avoir entrepris de nombreuses démarches amiables auprès de la commune par l'intermédiaire de leur assureur ou du médiateur pour parvenir à régler le litige, à l'origine d'un trouble dans les conditions d'existence qui doit être réparé, après application du partage de responsabilité, par l'allocation d'une somme de 1 200 euros à la charge solidaire de l'Etat et de la société Eurovia ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Limoges doit être réformé en tant qu'il a rejeté l'ensemble des conclusions indemnitaires de M. et Mme A ; que l'entrepreneur, la société Eurovia et l'État, maître d'oeuvre doivent être condamnés à payer à M. et Mme A une somme de 4 272,32 euros au titre de la réparation du préjudice subi ; que le surplus de leurs conclusions indemnitaires doit être rejeté ;

Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif d'enjoindre à une collectivité publique et à une entreprise de réaliser des travaux sur la voie publique fût-ce pour mettre fin à un dommage dont celle-ci serait la cause ; que les conclusions de M. et Mme A tendant à ce qu'il soit fait injonction à l'Etat et à la société Eurovia de réaliser sur le domaine public des travaux évalués par l'expert à la somme de 8 204,56 euros toutes taxes comprises ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions en garantie :

Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert que les travaux qui ont créé des difficultés vis-à-vis de l'immeuble Coudert n'ont pas été définis préalablement. Ils ont donc dû être décidés en cours de chantier sans qu'il y ait eu de PV de chantier et de modification du marché ; que le ministre ne conteste pas sérieusement les carences de la maîtrise d'oeuvre que les services de l'Etat assuraient ; que l'entreprise Eurovia en tant que professionnelle, aurait dû de son côté avertir la maîtrise d'ouvrage de l'insuffisance des documents préparatoires au vu desquels elle devait intervenir ; que dans ces conditions il y a lieu de partager également la charge de la condamnation solidaire entre l'Etat et la société Eurovia ;

Considérant, que la société Eurovia demande que la commune de Darnets la garantisse de la condamnation prononcée à son encontre ; qu'il est constant que les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 13 février 2002 mettant fin aux relations contractuelles nées du marché qui les liaient ; que par suite, la société Eurovia peut se prévaloir de la réception définitive prononcée sans réserve pour demander à être relevée par la commune de la charge de la condamnation prononcée contre elle ;

Sur les dépens :

Considérant qu'aaux termes des deux premiers alinéas l'article R. 761-1 du code de justice administrative : Les dépens comprennent les frais d'expertise (...)./ Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute personne perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ;

Considérant qu'eu égard aux circonstances particulières de l'affaire, il y a lieu de condamner l'Etat et la société Eurovia à supporter chacun par moitié les frais d'expertise taxés à la somme de 2 228,65 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Considérant qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions de M. et Mme A et de condamner l'Etat et la société Eurovia à leur payer la somme de 1 500 euros ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Eurovia tendant à la condamnation de M. et Mme A sur le fondement des dispositions précitées ;

DÉCIDE :

Article 1 : Le jugement du tribunal administratif est annulé.

Article 2 : L'Etat et la société Eurovia sont solidairement condamnés à payer 4 272.32euros à M et Mme A.

Article 3 : L'Etat et la société Eurovia supporteront chacun par moitié la charge de la condamnation prévue à l'article 2.

Article 4 : La commune de Darnets garantira la société Eurovia de la condamnation prononcée contre celle-ci.

Article 5 : Les frais d'expertise s'élevant à la somme de 2 228,65 euros sont mis à la charge par moitié, de la société Eurovia et de l'Etat.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A est rejeté.

Article 7 : L'Etat et la société anonyme Eurovia sont condamnés à payer à M. et Mme A une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Les conclusions présentées par la société anonyme Eurovia contre M. et Mme A au titre au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 09BX02962


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 09BX02962
Date de la décision : 30/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme FLECHER-BOURJOL
Rapporteur ?: M. Frantz LAMARCHE
Rapporteur public ?: M. VIE
Avocat(s) : CLARISSOU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-06-30;09bx02962 ?
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