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14/01/2014 | FRANCE | N°12BX02132

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 14 janvier 2014, 12BX02132


Vu I, sous le n° 12BX02132, la requête enregistrée le 8 août 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 10 août 2012, présentée pour la communauté de communes du Montmorillonnais, représentée par son président en exercice, par Me Elfassi, avocat ;

La communauté de communes du Montmorillonnais demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000902, 1002285 du 14 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a, à la demande de l'association pour la sauvegarde de la Gartempe et de l'association ussonnaise de défense de l'environne

ment (AUDE), annulé l'arrêté du préfet de la région Poitou-Charentes du 16 févri...

Vu I, sous le n° 12BX02132, la requête enregistrée le 8 août 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 10 août 2012, présentée pour la communauté de communes du Montmorillonnais, représentée par son président en exercice, par Me Elfassi, avocat ;

La communauté de communes du Montmorillonnais demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000902, 1002285 du 14 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a, à la demande de l'association pour la sauvegarde de la Gartempe et de l'association ussonnaise de défense de l'environnement (AUDE), annulé l'arrêté du préfet de la région Poitou-Charentes du 16 février 2010 instaurant une zone de développement de l'éolien (ZDE) sur le territoire des communes d'Adriers, d'Asnières-sur-Blour, de Bouresse, de Lathus-Saint-Rémy, de Luchapt, de Moulismes, de Millac, de Plaisance, de Saint-Martin-l'Ars, d'Usson-du-Poitou et du Vigeant ;

2°) de rejeter les demandes de l'association pour la sauvegarde de la Gartempe et de l'association ussonnaise de défense de l'environnement devant le tribunal administratif de Poitiers ;

3°) de mettre à la charge de ces associations une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu II, sous le n° 12BX02198, le recours enregistré le 14 août 2012 sous forme de télécopie et régularisé par courrier le 22 août 2012, présenté par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

La ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000902, 1002285 du 14 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a, à la demande de l'association pour la sauvegarde de la Gartempe et de l'association ussonnaise de défense de l'environnement (AUDE), annulé l'arrêté du préfet de la région Poitou-Charentes du 16 février 2010 instaurant une zone de développement de l'éolien (ZDE) sur le territoire des communes d'Adriers, d'Asnières-sur-Blour, de Bouresse, de Lathus-Saint-Rémy, de Luchapt, de Moulismes, de Millac, de Plaisance, de Saint-Martin-l'Ars, d'Usson-du-Poitou et du Vigeant ;

2°) de rejeter les demandes de l'association pour la sauvegarde de la Gartempe et de l'association ussonnaise de défense de l'environnement devant le tribunal administratif de Poitiers et en appel ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne du paysage signée à Florence le 20 octobre 2000, ratifiée par la loi n° 2005-1272 du 13 octobre 2005 ;

Vu la directive n° 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;

Vu le préambule de la Constitution et notamment la Charte de l'environnement auquel il renvoie ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative au service public de l'électricité ;

Vu la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, complétant la loi susvisée ;

Vu le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2013 :

- le rapport de M. Jean-Michel Bayle, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à la demande de la communauté de communes du Montmorillonnais et de la commune de Bouresse, le préfet de la Vienne a, par arrêté du 16 février 2010, instauré une zone de développement de l'éolien comprenant sept secteurs dont un composé de deux sites, sur le territoire de cette dernière commune et des communes d'Adriers, d'Asnières-sur-Blour, de Lathus-Saint-Rémy, de Luchapt, de Moulismes, de Millac, de Plaisance, de Saint-Martin-l'Ars, d'Usson-du-Poitou et du Vigeant ; que le tribunal administratif de Poitiers a, à la demande de l'association pour la sauvegarde de la Gartempe et de l'association ussonnaise de défense de l'environnement, annulé cet arrêté par jugement du 14 juin 2012 ; que, par les requêtes enregistrées sous les n° 12BX02132 et 12BX02198, la communauté de communes du Montmorillonnais et la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ont, respectivement, interjeté appel de ce jugement ;

2. Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant que le tribunal administratif, qui a relevé que le préfet de la Vienne s'était fondé sur les données fournies par l'atlas du potentiel éolien dressé dans le cadre schéma régional éolien, a estimé que ces informations étaient insuffisantes pour permettre d'apprécier le potentiel éolien de chaque périmètre de la zone, en indiquant qu'elles avaient été élaborées à l'échelle de la région Poitou-Charentes et qu'elles étaient par suite impropres à renseigner sur la réalité de ce potentiel dans des secteurs délimités ; que les premiers juges, qui ont ainsi précisé le motif pour lequel ils estimaient que les éléments du schéma régional éolien ne permettaient pas d'instaurer une zone de développement de l'éolien ont suffisamment motivé leur jugement, contrairement à ce que soutient la communauté de communes du Montmorillonnais ;

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Considérant qu'en application de l'article 10 de la loi susvisée du 10 février 2000, dans sa rédaction issue de la loi également susvisée du 13 juillet 2005, en vigueur à la date de l'arrêté contesté, les installations de production d'électricité d'origine éolienne implantées dans les zones de développement de l'éolien ouvrent droit, dans les conditions prévues par cet article, à une obligation d'achat par Electricité de France et les distributeurs non nationalisés, à un tarif réglementaire, de l'électricité produite ; qu'aux termes de l'article 10-1 de la loi du 10 février 2000, ajouté par l'article 37 de la loi du 13 juillet 2005 : " Les zones de développement de l'éolien sont définies par le préfet du département en fonction de leur potentiel éolien, des possibilités de raccordement aux réseaux électriques et de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés. Elles sont proposées par la ou les communes dont tout ou partie du territoire est compris dans le périmètre proposé ou par un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, sous réserve de l'accord de la ou des communes membres dont tout ou partie du territoire est compris dans le périmètre proposé. / La proposition de zones de développement de l'éolien en précise le périmètre et définit la puissance installée minimale et maximale des installations produisant de l'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent pouvant bénéficier, dans ce périmètre, des dispositions de l'article 10. Elle est accompagnée d'éléments facilitant l'appréciation de l'intérêt du projet au regard du potentiel éolien, des possibilités de raccordement aux réseaux électriques et de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés. / La décision du préfet du département intervient sur la base de la proposition dans un délai maximal de six mois à compter de la réception de celle-ci, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites et des communes limitrophes à celles dont tout ou partie du territoire est compris dans la zone de développement de l'éolien. (...) Le préfet veille à la cohérence départementale des zones de développement de l'éolien et au regroupement des installations afin de protéger les paysages. / Les zones de développement de l'éolien s'imposent au schéma régional éolien défini au I de l'article L. 553-4 du code de l'environnement " ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions que la création d'une zone de développement de l'éolien, qui ouvre droit à un régime préférentiel d'achat de l'électricité produite, est subordonnée à l'existence d'un potentiel éolien significatif ; que, cependant, ni le législateur, ni le pouvoir réglementaire n'ont précisé les éléments au vu desquels doit être apprécié le potentiel éolien d'une zone ; que pour pouvoir se livrer à une telle appréciation, l'autorité préfectorale doit disposer de données recueillies selon une méthode scientifique de nature à établir le potentiel éolien de la zone à une échelle géographique et avec une précision suffisante ; qu'aux termes de l'article L. 553-4 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté, les régions peuvent mettre en place un schéma régional éolien qui " indique les secteurs géographiques qui paraissent les mieux adaptés à l'implantation d'installations produisant de l'électricité en utilisant l'énergie mécanique du vent " ; qu'il ressort des pièces du dossier que, pour apprécier le potentiel éolien du projet de zone, le préfet s'est fondé sur les données fournies par l'atlas du potentiel éolien dressé dans le cadre du schéma régional éolien dont la région Poitou-Charentes s'est dotée le 27 mars 2006 ; que ce schéma, que le préfet a pu prendre en compte alors même qu'il s'agit d'un document purement indicatif, a été établi sur la base d'informations fournies par les stations météorologiques de Météo-France et des simulations informatiques réalisées par cet organisme ; que ces simulations ont conduit à une estimation de la vitesse du vent dans les secteurs considérés de 6 à 6,5 mètres par seconde à 50 mètres de hauteur ; que l'autorité préfectorale a pris en compte également la carte relative à la rose des vents observée à la station de Météo-France de Poitiers-Biard, reproduite dans le dossier de demande déposée par la communauté de communes du Montmorillonnais et la commune de Bouresse ; que l'association pour la sauvegarde de la Gartempe n'établit pas que cette carte serait dépourvue de pertinence dans les périmètres de la zone en litige ; que le préfet qui, pour apprécier le potentiel éolien, pouvait prendre en compte des données complémentaires, y compris des données non évoquées dans le dossier de demande, s'est fondé aussi sur une carte de la vitesse des vents dressée par Météo-France et les mesures recueillies à partir d'un mât implanté sur le territoire de la commune de Saint-Martin-l'Ars qui est concernée par les secteurs n° 2 et n° 4 de la zone et qui est limitrophe de deux autres communes dont des parties sont incluses dans d'autres secteurs ; qu'en se bornant à soutenir que le potentiel éolien ne pouvait être évalué qu'au regard de la durée d'exposition à un vent compris entre 4 et 25 mètres par seconde, l'association pour la sauvegarde de la Gartempe ne démontre pas que les éléments précités sur lesquels repose l'arrêté du 16 février 2010, qui ont été recueillis selon des méthodes scientifiques, étaient trop imprécis pour que l'administration puisse apprécier globalement ce potentiel ; que, dans ces conditions, en jugeant que les données retenues par le préfet de la Vienne n'étaient pas suffisantes pour permettre d'évaluer le potentiel éolien de la zone en application de l'article 10-1 de la loi du 10 février 2000, le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte également des dispositions précitées qu'un arrêté portant création d'une zone de développement de l'éolien a pour objet la définition d'un périmètre privilégié par les autorités publiques pour l'implantation des éoliennes ; qu'il repose sur une appréciation comparative et globale, à l'échelle d'un vaste territoire, des regroupements qu'il convient de favoriser dans le but d'assurer une cohérence au sein du département et de respecter les paysages et les sites remarquables et protégés ; que le préfet de la Haute-Vienne n'était pas tenu, pour satisfaire à ces objectifs, de prendre en considération les demandes d'instauration de zones de développement de l'éolien en cours d'instruction, demandes par elles-mêmes dépourvues d'effet, ou les zones créées dans d'autres départements ; que les dispositions précitées de la loi du 10 février 2000 ne font pas obstacle à ce qu'une zone soit créée sur un secteur déjà concerné par une demande de permis de construire un aérogénérateur ; qu'elles ne font pas davantage obstacle à ce qu'une zone soit répartie en plusieurs secteurs pour assurer une meilleure prise en compte des objectifs susmentionnés, en particulier la protection des paysages et des sites remarquables et protégés ; que, par suite, c'est également à tort que, pour annuler l'arrêté du 16 février 2010, le tribunal administratif a estimé que le préfet avait méconnu les conditions posées par la loi du 10 février 2010, d'une part, en s'abstenant de prendre en compte les demandes de création d'autres zones, les zones instaurées hors du département et les demandes de permis de construire d'aérogénérateur sur le territoire de la communauté de communes du Montmorillonnais, d'autre part, en admettant un zonage réparti en sept secteurs ;

7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association pour la sauvegarde de la Gartempe et l'association ussonnaise de défense de l'environnement en première instance comme en appel ;

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté du 16 février 2010 :

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 5 du décret du 8 juin 2006 susvisé : " La commission se réunit sur convocation de son président, qui fixe l'ordre du jour. Cette convocation peut être envoyée par tous moyens, y compris par téléphone ou par courrier électronique... " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Vienne a diffusé, par la voie électronique, le 4 janvier 2010, dans un délai respectant les prescriptions de l'article 9 de ce décret, la convocation des membres de la formation " sites et paysages " de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites à la séance programmée le 14 janvier 2010 en vue de l'examen, notamment, du projet de zone de développement de l'éolien en litige ; que l'association pour la sauvegarde de la Gartempe et l'association ussonnaise de défense de l'environnement soutiennent que M.A..., membre de cette formation, n'a pas été destinataire de cette convocation qui, selon elle, aurait été expédiée à une adresse électronique erronée ; que, toutefois, le préfet de la Vienne fait valoir, sans être contredit, que ladite convocation a été transmise à M. A...à l'adresse électronique qui avait été utilisée jusqu'alors pour l'inviter à des séances de la commission auxquelles il avait dument participé ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que M. A...n'ait pas été régulièrement convoqué ; que, par suite, l'absence de ce dernier à la séance du 14 janvier 2010 n'a pas entaché d'irrégularité l'avis de la commission de la nature, des paysages et des sites ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du décret du 8 juin 2006 : " Les membres d'une commission ne peuvent prendre part aux délibérations lorsqu'ils ont un intérêt personnel à l'affaire qui en est l'objet. La violation de cette règle entraîne la nullité de la décision prise à la suite de cette délibération lorsqu'il n'est pas établi que la participation du ou des membres intéressés est restée sans influence sur la délibération " ; que l'association pour la sauvegarde de la Gartempe et l'association ussonnaise de défense de l'environnement font valoir que l'association " Vienne Nature ", qui a participé à la séance de la commission précitée du 14 janvier 2010, était intéressée à l'instauration de la zone de développement de l'éolien dès lors qu'elle a été prestataire de service de la communauté de communes du Montmorillonnais en ce qui concerne l'étude du périmètre du secteur n° 1 de ladite zone ; qu'il ressort toutefois du compte rendu de la séance de la commission que le représentant de l'association " Vienne Nature ", qui a clairement fait mention de la prestation rendue par cette dernière à la communauté de communes, s'est borné à indiquer qu'eu égard aux efforts du pétitionnaire en ce qui concerne ce secteur, cette dernière association n'était pas défavorable au projet sur ce point ; que, sur les douze membres de la commission, onze ont donné un avis favorable à l'intégration du secteur n° 1 dans la zone de développement de l'éolien, contre un avis défavorable et une abstention ; qu'il est établi ainsi, que la participation du représentant de l'association " Vienne Nature " n'a pas eu d'influence sur le sens de l'avis de la commission ;

10. Considérant que ni la loi du 10 février 2000, ni aucune autre disposition de nature législative ou réglementaire n'imposait au préfet de la Vienne de consulter Météo-France ; que l'association pour la sauvegarde de la Gartempe ne peut utilement se prévaloir de la circulaire interministérielle du 19 juin 2006 qui est dépourvue de caractère réglementaire ; que le préfet n'était pas davantage tenu de consulter le ministre de la défense, la direction de l'aviation civile ou le service départemental d'architecture et du patrimoine, alors surtout que l'instauration d'une zone de développement de l'éolien n'a nullement pour effet d'autoriser la construction d'aérogénérateurs ;

11. Considérant que le dossier de demande dont la communauté de communes du Montmorillonnais a saisi le préfet de la Vienne, d'une part, contient une analyse des paysages naturels qui examine différentes entités en décrivant, pour chacune, les particularités des sous entités repérables, d'autre part, précise les enjeux au regard du patrimoine monumental, notamment les risques de co-visibilité entre aérogénérateurs et monuments et entre les secteurs envisagés ; que, contrairement à ce que soutiennent l'association pour la sauvegarde de la Gartempe et l'association ussonnaise de défense de l'environnement, l'ensemble de ces informations renseignait suffisamment le préfet sur le contexte paysager et patrimonial du territoire d'implantation de la zone ; que le dossier mentionne les zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique proches des périmètres du projet en litige ;

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté du 16 février 2010 :

12. Considérant que l'association pour la sauvegarde de la Gartempe, qui soutient que les zones de développement de l'éolien ont une incidence notable sur l'environnement, invoque l'incompatibilité de la loi du 10 février 2000 avec les objectifs de la directive n° 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, faute de subordonner la création d'une telle zone à la réalisation d'une évaluation environnementale ;

13. Considérant que le paragraphe 1 de l'article 3 de cette directive, qui en fixe le champ d'application, prévoit qu'une évaluation environnementale doit être effectuée conformément à ses articles 4 à 9, pour les plans et programmes élaborés et/ou adoptés par, notamment, une autorité au niveau national, régional ou local et visés aux paragraphes 2, 3 et 4 dudit article 3 susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ; qu'en vertu du paragraphe 2 de l'article 3, l'évaluation environnementale doit être effectuée pour tous les plans et programmes qui sont élaborés pour les secteurs de l'agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l'énergie, de l'industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l'eau, des télécommunications, du tourisme, de l'aménagement du territoire urbain et rural ou de l'affectation des sols et qui définissent le cadre dans lequel pourra être autorisée la mise en oeuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive n° 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, ou pour lesquels, étant donné les incidences qu'ils sont susceptibles d'avoir sur des sites, une évaluation est requise en vertu des articles 6 et 7 de la directive n° 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite Natura 2000 ;

14. Considérant que la transposition de cette directive du 27 juin 2001 a été assurée, en France, par une ordonnance du 3 juin 2004 qui a inséré dans le code de l'environnement notamment les articles L. 122-4 et L. 122-8 ; qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 122-4 : " Les plans, schémas, programmes et autres documents de planification figurant sur une liste établie par décret en Conseil d'Etat qui, sans autoriser par eux-mêmes la réalisation de travaux ou prescrire des projets d'aménagement, sont applicables à la réalisation de tels travaux ou projets doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale (...) " ; que ce I ajoute que " Doivent comporter une telle évaluation : / 1° Les plans, schémas, programmes et autres documents de planification adoptés par l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements et les établissements publics en dépendant, relatifs à l'agriculture, à la sylviculture, à la pêche, à l'énergie (...) qui ont pour objet de fixer des prescriptions ou des orientations avec lesquelles doivent être compatibles les travaux et projets d'aménagement entrant dans le champ d'application de l'étude d'impact en application de l'article L. 122-1 ; / 2° Les plans, schémas, programmes et autres documents de planification adoptés par l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements et les établissements publics en dépendant, autres que ceux mentionnés au 1° du présent article, qui ont pour objet de fixer des prescriptions ou des orientations avec lesquelles doivent être compatibles des travaux ou projets d'aménagement s'ils sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement " ; qu'aux termes de l'article L. 122-8 : " Le rapport environnemental est rendu public avant l'adoption du plan ou du document. / Le projet de plan ou de document et le rapport environnemental auquel sont annexés, le cas échéant, les avis recueillis en application de l'article L. 122-7 sont mis à la disposition du public dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat / (...) " ; que l'article R. 122-17 du code de l'environnement, pris pour l'application de ces dispositions, fixe la liste des plans, schémas, programmes et autres documents de planification mentionnés au I de l'article L. 122-4 du même code ;

15. Considérant, d'une part, que les arrêtés préfectoraux pris sur le fondement de la loi du 10 février 2000, qui ne fixent ni prescription ni orientation, ne sont pas au nombre des plans, schémas, programmes et autres documents de planification énumérés par l'article R. 122-17 ; que, d'autre part, les zones de développement de l'éolien, qui ont pour seul objet d'inciter au regroupement des parcs éoliens sur un territoire déterminé pour limiter le risque de mitage, sans créer aucune obligation pour les collectivités ou les constructeurs, ni faire obstacle, par elles-mêmes, à l'édification d'aérogénérateurs en dehors de leur périmètre, ne sauraient être regardées comme des " plans et programmes " au sens du paragraphe 1 de l'article 3 de la directive du 27 juin 2001 ; que, pour les mêmes motifs, ces zones, dont l'instauration n'a pas pour effet d'autoriser l'installation d'aérogénérateurs, n'ont pas d'incidences notables sur l'environnement ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'incompatibilité de la loi du 10 février 2000 avec la directive faute de prévoir une évaluation environnementale ne peut qu'être écarté ;

16. Considérant que, si les dispositions de l'article 10-1 de la loi du 10 février 2000 impose à l'autorité préfectorale de veiller, dans la délivrance des autorisations de zone de développement de l'éolien, à la cohérence départementale, elles ne font pas obstacle à ce que, en vue d'assurer le plus efficacement la protection des paysages, des monuments historiques comme des sites remarquables et protégés, objectif qui doit également être poursuivi, le préfet délimite plusieurs secteurs au sein d'une même zone ; que l'association pour la sauvegarde de la Gartempe et l'association ussonnaise de défense de l'environnement ne soutiennent pas pertinemment, par suite, que le préfet aurait méconnu la condition de cohérence départementale en admettant une structure éclatée de la zone, comme le proposait d'ailleurs la communauté de communes du Montmorillonnais ;

17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 110-1 du code de l'environnement : " I. Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages (...) font partie du patrimoine commun de la nation. / II. Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en l'état et leur gestion sont d'intérêt général (...). Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : / 1° Le principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable " ; qu'ainsi qu'il a été dit, la création d'une zone de développement de l'éolien a seulement pour effet de conférer aux producteurs d'électricité par l'exploitation d'aérogénérateurs construits à l'intérieur de la zone un droit, dans les conditions prévues par l'article 10-1 de la loi du 10 février 2000, à une obligation d'achat par Electricité de France et les distributeurs non nationalisés, de l'énergie produite et ce, à un tarif réglementaire ; que, dès lors, l'instauration d'une telle zone ne saurait être regardée comme susceptible de présenter, pour l'environnement, un risque de dommages graves et irréversibles ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance du principe de précaution posé par les dispositions précitées de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ou celles de l'article 5 de la Charte de l'environnement ne peut qu'être écarté ;

18. Considérant que la création d'une zone de développement de l'éolien ne préjuge pas des lieux d'implantation des aérogénérateurs, de leur nombre et de leurs caractéristiques, notamment de leur hauteur et de la taille des pales, et n'a nullement pour effet d'autoriser la construction de tels ouvrages ; que, dès lors, si les associations font valoir que les limites de certains secteurs de la zone ne respectent pas une distance de sécurité de 500 mètres par rapport aux habitations ou aux voies de communication, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en cause ; que, pour les mêmes motifs, les associations n'invoquent utilement ni les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, selon lesquelles un projet de construction, d'aménagement et de travaux peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité du fait de sa situation, de ses caractéristiques ou de son importance, ni les dispositions des articles R. 1334-31 et suivants du code de la santé publique, relatifs à lutte contre le bruit ;

19. Considérant que, si l'association pour la sauvegarde de la Gartempe et l'association ussonnaise de défense de l'environnement soutiennent que le préfet de la Vienne n'a pas tenu compte des " périmètres de protection " des édifices classées monuments historiques, elles n'assortissent pas ce moyen des précisions nécessaires pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ; que la présence d'un dolmen, qui serait classé monument historique, sur le territoire de la commune de Plaisance ne faisait pas obstacle, par elle-même, à l'instauration du secteur n° 7 de la zone de développement de l'éolien ; que la " charte pour les éoliennes dans la Vienne " constitue un document d'orientation qui est mis à disposition des élus par ce département et qui est dépourvu de caractère réglementaire ; que, dès lors, les associations ne peuvent opposer la recommandation de cette charte qui propose une distance minimale entre monuments protégés et aérogénérateurs ;

20. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'implantation d'éoliennes dans les secteurs n° 1, 2 et 3 de la zone porterait atteinte à la faune, en particulier aux chiroptères ; que ces mêmes pièces ne font pas ressortir que le préfet ait mal apprécié les effets de la zone sur la protection des paysages, des sites et des monuments, les lieux d'installation des aérogénérateurs, leur nombre et leurs caractéristiques n'étant pas déterminés, et qu'il ait, ainsi, méconnu les stipulations de la convention européenne du paysage ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes du Montmorillonnais et la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 14 juin 2012, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du préfet de la Vienne du 16 février 2010 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'association pour la sauvegarde de la Gartempe, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, la somme dont la communauté de communes du Montmorillonnais demande le paiement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de cet établissement public et de l'Etat, qui ne sont pas parties perdantes dans les présentes instances, les sommes dont l'association pour la sauvegarde de la Gartempe demande le versement sur ce fondement ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 1000902 1002285 du 14 juin 2012 est annulé.

Article 2 : Les demandes de l'association pour la sauvegarde de la Gartempe et de l'association ussonnaise de défense de l'environnement devant le tribunal administratif de Poitiers sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la communauté de communes du Montmorillonnais tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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Nos 12BX2132, 12BX02198


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX02132
Date de la décision : 14/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

29-035 Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. DRONNEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Michel BAYLE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SCP CHARTIER ; SCP CHARTIER ; SCP CHARTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-01-14;12bx02132 ?
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