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06/10/2015 | FRANCE | N°14BX03585

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 06 octobre 2015, 14BX03585


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par requête, enregistrée le 4 août 2014, la commune de Prayssas (47270), représentée par MeA..., a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement le groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre composé de l'Agence Casals et la SARL INGC, ainsi que les entreprises SAS Eurovia, ESBTP et Unibéton à lui verser à titre de provision, les sommes de 79 027 euros correspondant au coût de la reprise des surfaces ayant fait l'objet de réserves à la réception, 194 66

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par requête, enregistrée le 4 août 2014, la commune de Prayssas (47270), représentée par MeA..., a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement le groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre composé de l'Agence Casals et la SARL INGC, ainsi que les entreprises SAS Eurovia, ESBTP et Unibéton à lui verser à titre de provision, les sommes de 79 027 euros correspondant au coût de la reprise des surfaces ayant fait l'objet de réserves à la réception, 194 660 euros correspondant au coût de la reprise des surfaces sur lesquelles sont apparus des désordres après la réception, 91 117 euros correspondant au coût des travaux de reprise du secteur 1 et de 30 000 euros au titre des préjudices immatériels,

et de mettre à la charge solidaire de l'Agence Casals, de la SARL INGC, des SAS Eurovia, ESBTP et Unibéton une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance n° 1403324 du 9 décembre 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, dans l'article 1er, a condamné solidairement les SAS ESBTP et Eurovia à payer, à titre provisionnel, la somme de 75 523 euros toutes taxes comprises à la commune de Payssas, dans l'article 2, a condamné le groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre composé de l'Agence Casals et de la société INGC à payer, à titre provisionnel, la somme de 3 504 euros toutes taxes comprises à la commune de Payssas, dans l'article 3, a condamné l'Agence Casals, la société INGC, les SAS ESBTP, Eurovia et Unibéton à payer, à titre provisionnel, la somme de 199 660 euros toutes taxes comprises à la commune de Prayssas, dans l'article 4, a mis les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 6 830,64 euros toutes taxes comprises à titre provisionnel, solidairement à la charge du groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre composé de l'Agence Casals et de la société INGC, et des SAS Eurovia, ESBTP et Unibéton, dans l'article 5 a condamné les mêmes à verser solidairement une somme de 1 200 euros à la commune de Payssas, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans l'article 6, a condamné les SAS ESPTP et Eurovia, à titre provisionnel, solidairement à garantir l'Agence Casals de 65 % des condamnations prononcées contre elle par les articles 2 à 5.

Procédure devant la Cour :

I°) Par requête enregistrée le 22 décembre 2014 sous le n° 14BX03585, la SAS Unibéton, représentée par M. B...conclut à ce que la cour :

1°) annule l'ordonnance n° 1403324 du 9 décembre 2014 en tant que le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux s'est déclaré compétent pour la condamner solidairement avec les constructeurs ;

2°) à titre principal, se déclare incompétente pour statuer sur la demande de provision dirigée à son encontre par la commune de Prayssas au profit du président du tribunal de grande instance de Versailles, à défaut, renvoie la commune à mieux se pourvoir et prononce la mise hors de cause de la société, à titre subsidiaire, rejeter la demande de provision de la commune de Prayssas et les autres demandes dirigées contre elle ;

3°) mettre à la charge de la requérante la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2015, le président de la Cour a désigné M. Péano, président de chambre, comme juge des référés et de tout recours présenté sur le fondement des dispositions du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Au cours de l'année 2008, la commune de Prayssas (47360) a fait procéder à l'aménagement de la traversée du bourg. La maîtrise d'oeuvre de ce projet était confiée conjointement à l'Agence Casals et à la société INGC. Le groupement solidaire des sociétés Eurovia et ESBTP se voyait confier l'exécution du lot n°1 relatif aux travaux de maçonnerie-VRD qui ont été réceptionnés avec réserves le 29 mars 2010. Le procès-verbal listait des prestations non conformes concernant notamment les revêtements des trottoirs et stationnements réalisés selon le procédé Unibéton. Ces désordres se sont progressivement étendus à la quasi-totalité des trottoirs et espaces réalisés selon ce procédé. Après dépôt du rapport de l'expert désigné en référé, par requête, enregistrée le 4 août 2014, la commune de Prayssas a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement le groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre composé de l'Agence Casals et la société INGC, ainsi que les SAS Eurovia, ESBTP et Unibéton à lui verser à titre de provision, les sommes de 79 027 euros correspondant au coût de la reprise des surfaces ayant fait l'objet de réserves à la réception le 29 mars 2010, 194 660 euros correspondant au coût de la reprise des surfaces sur lesquelles sont apparus des désordres après la réception, 91 117 euros correspondant au coût des travaux de reprise du secteur 1 et de 30 000 euros au titre des préjudices immatériels. Par ordonnance n° 1403324 du 9 décembre 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, dans l'article 1er, a condamné solidairement les SAS ESBTP et Eurovia à payer, à titre provisionnel, la somme de 75 523 euros toutes taxes comprises à la commune de Prayssas, dans l'article 2, a condamné le groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre composé de l'Agence Casals et de la société INGC à payer, à titre provisionnel, la somme de 3 504 euros toutes taxes comprises à la commune de Prayssas, dans l'article 3, a condamné l'Agence Casals, la société INGC, les SAS ESBTP, Eurovia et Unibéton à payer, à titre provisionnel, la somme de 199 660 euros toutes taxes comprises à la commune de Prayssas, dans l'article 4, a mis les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 6 830,64 euros toutes taxes comprises à titre provisionnel, solidairement à la charge du groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre composé de l'Agence Casals et de la société INGC, et des SAS Eurovia, ESBTP et Unibéton, dans l'article 5 a condamné les mêmes à verser solidairement une somme de 1 200 euros à la commune de Prayssas, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans l'article 6, a condamné les SAS ESPTP et Eurovia, à titre provisionnel, solidairement à garantir l'Agence Casals de 65 % des condamnations prononcées contre elle par les articles 2 à 5. Par deux requêtes, enregistrées respectivement le 22 décembre 2014 sous le n° 14BX03585 et le 24 décembre 2014 sous le n° 14BX03626, la SAS Unibéton et la SAS ESBTP relèvent appel de cette ordonnance.

2. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes relatives au même litige pour statuer par une même ordonnance.

3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence et l'étendue avec un degré suffisant de certitude.

4. En vertu des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil, lorsque des désordres de nature à compromettre la solidité d'un ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination sont survenus dans le délai de dix ans à compter de la réception de celui-ci et sont imputables, même partiellement, à un constructeur, celui-ci en est responsable de plein droit envers le maître d'ouvrage, sauf pour le constructeur à s'exonérer de sa responsabilité ou à en atténuer la portée en établissant que les désordres résultent d'une faute du maître d'ouvrage ou d'un cas de force majeure. Sont solidairement tenus à cette garantie, sans que le maître d'ouvrage ait à prouver qu'il a commis une faute particulière, tous les constructeurs ayant participé effectivement à la conception ou la réalisation de l'ouvrage, y compris, selon l'article 1792-4 du code civil, le fabricant d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance.

5. En l'espèce, il ressort, notamment du rapport de l'expert désigné par ordonnance de référé du président du tribunal administratif de Bordeaux en date du 3 juillet 2013, que les trottoirs et espaces réalisés selon le procédé Unibéton sont affectés de nombreux désordres les rendant impropres à leur destination du fait de la désagrégation substantielle du revêtement mis en place. De tels désordres sont de nature à engager la responsabilité des entrepreneurs et des maîtres d'oeuvre sur le fondement dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil.

6. En premier lieu, il résulte des pièces versées au débat et particulièrement du cahier des clauses techniques particulières du marché que le maître d'ouvrage, en accord avec l'architecte des bâtiments de France, a prédéfini le type et la nature du revêtement qu'il entendait adopter pour la réfection des trottoirs de Prayssas, qui est une commune classée, à savoir que ce revêtement devait être " constitué de sable de Saint-Martin d'Oney ou similaire 0/3 aggloméré au ciment II/A 52 (dosé à 7%) d'épaisseur 10 cm ". Ainsi un tel produit dont les caractéristiques, notamment relatives au dosage du ciment et à la taille des agrégats, ont été définies spécifiquement pour l'ouvrage dans les pièces contractuelles du marché constitue un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, au sens des dispositions de l'article 1792-4 du code civil. Par suite, alors même qu'elle n'était pas liée par contrat au maître d'ouvrage et qu'elle commercialiserait avec d'autres entreprises des productions analogues, la SAS Unibéton qui a fabriqué et livré prêt à l'emploi ce produit au groupement solidaire constitué des sociétés Eurovia et ESBTP, à qui a été confiée l'exécution du lot n°1 relatif aux travaux de maçonnerie-VRD de réaménagement de la traversée de la commune de Prayssas, a la qualité, non de fournisseur, mais de fabricant du revêtement mis en place. En conséquence, la SAS Unibéton n'est pas fondée à soutenir que sa garantie solidaire ne pouvait être recherchée devant la juridiction administrative, en application des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil, avec celles des autres constructeurs ayant participé effectivement à la conception ou la réalisation de l'ouvrage public.

7. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4, la circonstance qu'un constructeur ayant participé effectivement à la conception ou la réalisation de l'ouvrage public n'ait commis aucune faute et qu'il se soit conformé aux règles de l'art et aux normes techniques retenues dans le marché ne l'exonère pas de la garantie due au maître d'ouvrage en application des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil. Il résulte des pièces versées au débat que le groupement solidaire composé de l'Agence Casals et de la société INGC avait été chargé d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre, comprenant notamment la surveillance du chantier, que l'exécution du lot n°1 relatif aux travaux de maçonnerie-VRD de réaménagement de la traversée de la commune de Prayssas a été confiée au groupement solidaire constitué des sociétés Eurovia et ESBTP et que la SAS Unibéton a fabriqué le revêtement mis en place. Par suite, et alors même qu'elles n'auraient commis aucune faute et qu'elles se seraient conformées aux règles de l'art et aux normes techniques retenues dans le marché, c'est à juste titre que le premier juge les a considérés comme étant solidairement responsables de plein droit à l'égard de la commune de Praissas des désordres constatés et ce quel que soit le degré de leur participation à la conception ou la réalisation de l'ouvrage. Il ne ressort pas davantage des pièces produites en appel que le premier juge se serait mépris sur l'étendue de leur obligation à l'égard de la commune en les condamnant à verser solidairement des sommes correspondant aux montants des réparations, évaluées par l'expert. Par suite les demandes tendant à ce que soient prononcés des mises hors de cause et, en tout état de cause, le remboursement des sommes qui auraient déjà été versées ne peuvent qu'être rejetées.

8. En troisième lieu, en l'absence, dans l'état du dossier, de précisions suffisantes sur les missions dévolues notamment aux membres du groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre et sur les fautes respectives de chacun des constructeurs permettant de fixer la part d'obligation non sérieusement contestable qui leur reviendrait en particulier, les appels en garantie qu'ils présentent ne peuvent qu'être rejetés. Pour ce motif, la SAS Eurovia est fondée à demander l'annulation de l'article 6 de l'ordonnance n° 1403324 du 9 décembre 2014 la condamnant solidairement avec la SAS ESPTP à garantir l'Agence Casals de 65 % des condamnations prononcées contre elle.

9. Il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Prayssas quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce même fondement par la commune de Prayssas et de condamner solidairement les SAS Eurovia et ESBTP requérantes à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Aucun dépens n'ayant été exposé au cours de cette instance, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

ORDONNE :

Article 1er : L'article 6 de l'ordonnance n° 1403324 du 9 décembre 2014 est annulé.

Article 2 : Les SAS Eurovia et ESBTP verseront solidairement une somme de 1 500 euros à la commune de Prayssas au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N° 14BX03585, 14BX03626


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 14BX03585
Date de la décision : 06/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP MAXWELL -BERTIN-BARTHELEMY-MAXWELL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-10-06;14bx03585 ?
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