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29/06/2017 | FRANCE | N°16BX01550

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 29 juin 2017, 16BX01550


Vu la procédure suivante :

M. B...a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 32 226 euros, 13 332 euros et 5 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité des décisions prises à son égard au titre de l'application des régimes du départ anticipé à la retraite et de la bonification pour enfants prévus par les articles L. 24 et L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

Par une ordonnance n° 1500276 du 9 mars 2016, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif

de La Réunion a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une re...

Vu la procédure suivante :

M. B...a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 32 226 euros, 13 332 euros et 5 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité des décisions prises à son égard au titre de l'application des régimes du départ anticipé à la retraite et de la bonification pour enfants prévus par les articles L. 24 et L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

Par une ordonnance n° 1500276 du 9 mars 2016, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 mai 2016, et un mémoire enregistré les 15 décembre 2016, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion du 9 mars 2016 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 60 558 euros s en réparation des préjudices matériel et moral qu'il a subis, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la double question préjudicielle relative à l'impartialité de la formation contentieuse du Conseil d'Etat ayant statué dans la décision n° 372426 Quintanel du 27 mars 2015 au regard de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et au point de savoir si cette décision a méconnu les principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme des entiers dépens, dont les frais d'expertise, et la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision n° 372426 Quintanel du Conseil d'Etat du 27 mars 2015 a été prise par une formation contentieuse dont la composition méconnaît le principe d'impartialité de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et le droit au procès équitable protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, certains membres de cette formation de jugement ayant pris part à des avis rendus antérieurement dans les sections administratives du Conseil sur les dispositions en litige ;

- cette décision du Conseil d'Etat se fonde sur des données statistiques non vérifiables en méconnaissance du principe de l'égalité des armes ; ces données n'apparaissent dans aucune donnée publique accessible et leur utilisation constitue un procédé déloyal ;

- la bonification pour enfant prévue par les dispositions de l'article 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite issues de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 et de l'article R. 37 de ce même code modifié par le décret n° 2005-449 du 10 mai 2005, accordée sous condition d'interruption d'activité n'est pas un critère étranger au sexe des travailleurs ; les juridictions civiles ont estimé que ce droit à jouissance immédiate à la retraite dans le cadre des régimes spéciaux, qui a pour effet d'accorder aux fonctionnaires féminins un avantage en fin de carrière, est indirectement discriminatoire ; la condition d'interruption d'activité est ouverte systématiquement aux femmes dans une proportion telle que les hommes ne peuvent de fait en bénéficier et qu'elle aggrave les inégalités ;

- de nombreuses statistiques tendent, au contraire de ce qu'affirme le ministre, à démontrer que l'interruption d'activité a un faible impact sur le niveau de salaire et de pension dans la fonction publique ; c'est en revanche le caractère partiel ou complet qui a le plus fort impact sur le niveau de pension et ce temps partiel concerne les femmes à 80 % ;

- les dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite instituent une discrimination indirecte en violation du droit de l'Union européenne, et notamment des dispositions du paragraphe 4 de l'article 141/154 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt Léone C-173/13 du 17 juillet 2014 ;

- ces dispositions ainsi que la décision du Conseil d'Etat citée plus haut méconnaissent le principe de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ; la décision du Conseil d'Etat du 27 mars 2015 est contraire à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ;

-la responsabilité de l'Etat est engagée du fait de la violation caractérisée par la juridiction administrative des traités européens et des principes des article 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire enregistré le 30 mai 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. B...n'est fondé.

Par des mémoires enregistrés le 8 septembre 2016 et 23 décembre 2016, la société Orange représentée par la SCP Baker et McKenzie conclut au rejet de la requête et à la condamnation du requérant à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. B...n'est fondé.

Par ordonnance du 27 décembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 9 janvier 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (refonte) ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ;

- la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;

- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;

- le décret n° 2010-1741 du 30 décembre 2010 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue de l'article 3 du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : (...)5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1 ou la charge des dépens. (...) Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel, les requêtes dirigées contre des ordonnances prises en application des 1° à 5° du présent article ainsi que, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement. ". Ces dernières dispositions sont applicables, en vertu de l'article 35 du décret n° 2016-1480, à compter du 1er janvier 2017, y compris pour les requêtes enregistrées avant cette date.

2. M.B..., né le 20 juillet 1953, ancien fonctionnaire de France Télécom, titulaire d'une pension de retraite depuis 2004, a saisi le 29 juillet 2014 la société Orange d'une demande de départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit de pension après avoir accompli quinze années de services effectifs, sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ainsi que du bénéfice de la bonification pour enfants prévue par les dispositions de l'article L. 12 du même code. Cette demande a été rejetée par une décision du 4 septembre 2014 du directeur du centre des services ressources humaines d'Orange. M. B...relève appel de l'ordonnance du 9 mars 2016 par lequel président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi que ses conclusions indemnitaires.

3. Pour rejeter, par l'ordonnance attaquée les demandes de M.B..., le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion s'est fondé sur les motifs énoncés aux points suivants :

En ce qui concerne la bonification pour enfant :

4. Aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi du 21 août 2003 : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : / (...) b) Pour chacun de leurs enfants (...) les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu ou réduit leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". En vertu des dispositions de l'article R. 13 du même code issues du décret du 26 décembre 2003, le bénéfice de la bonification prévue au b) de l'article L. 12 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans.

5. Aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : / a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; / b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail. / (...) 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle " . Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre. Par un arrêt du 17 juillet 2014, la CJUE, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de bonification de pension tel que celui résultant des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à l'octroi de la bonification en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article. Elle a cependant rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs.

6. Si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il est établi qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière. Les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes. De plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer. Ainsi, selon les données d'une étude statistique du service des retraites de l'Etat, si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants. Ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants, atteignant ainsi 23 % pour quatre enfants et plus. Si la bonification par enfant était supprimée, les écarts s'accentueraient. Le niveau constaté de la pension des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation. La bonification n'a pas pour objet et ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l'objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées.

7. Par la loi du 21 août 2003, le législateur a modifié le régime de la bonification, en ne maintenant le bénéfice automatique de celle-ci que pour les femmes fonctionnaires mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004. Ce faisant, le législateur a entendu maintenir à titre provisoire, en raison de l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu'aurait la suppression du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, ces dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître.

8. Dans ces conditions, la différence de traitement dont bénéficient indirectement les femmes mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 par le bénéfice systématique de la bonification pour enfants tel qu'il découle de la prise en compte du congé maternité, en application des dispositions combinées du b) de l'article L. 12 et de l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale. Elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet. Par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

En ce qui concerne le départ anticipé à la retraite :

9. Aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction nouvelle : " I. - La liquidation de la pension intervient : / (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants (...) à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat (...) ". En vertu des I et II du nouvel article R. 37, le bénéfice des dispositions législatives précitées est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans. Par l'arrêt déjà cité du 17 juillet 2014, la CJUE a estimé que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause introduirait également une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article.

10. Cependant, ainsi qu'il a été dit au point 5 de la présente ordonnance, la CJUE a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs. Par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions en cause en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants. Ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite telles qu'exposées au point 6, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître.

11. Dans ces conditions, la disposition législative litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise dans le but d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale. Elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet. Par suite, elle ne méconnaît pas le principe d'égalité des rémunérations tel que défini à l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

12. Il y a lieu, par adoption des motifs précités de l'ordonnance attaquée, d'écarter les mêmes moyens exposés par M. B...dans sa requête.

Sur les autres moyens :

13. Il résulte de ce qui précède que M.B..., pour contester le régime des pensions résultant des dispositions de la loi du 21 août 2003 et du décret du 26 décembre 2003, ne peut se prévaloir d'aucune méconnaissance, ni a fortiori d'aucune violation manifeste par le législateur ou même le pouvoir réglementaire des stipulations européennes qu'il a invoquées et notamment de celles interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt " Leone " du 17 juillet 2014. Par conséquent, M. B...n'est pas non plus fondé à soutenir que la responsabilité de l'Etat devrait être engagée du fait de l'application de ces dispositions par les juridictions administratives.

14. Il résulte encore des motifs exposés aux points 5 à 8 ci-dessus, et notamment au point 5 du présent arrêt qui se réfère aux points 56 et 89 de l'arrêt " Leone " de la Cour de justice, que l'office du juge national, seul compétent pour apprécier les faits et interpréter la législation nationale, ne nécessite pas, en l'espèce, le renvoi à la Cour de justice d'une nouvelle question préjudicielle, compte tenu de l'interprétation du droit européen fournie par cette dernière.

15. Enfin, le présent arrêt ne saurait être regardé comme étant pris pour l'application de la décision n° 372426 rendue par le Conseil d'Etat le 27 mars 2015. Le moyen selon lequel le Conseil d'Etat aurait alors statué au contentieux dans une formation de jugement irrégulièrement composée est en tout état de cause inopérant.

16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de nouvelles questions préjudicielles, que la requête de M. B...est manifestement dépourvue de fondement et peut dès lors être rejetée selon la procédure prévue par les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article L. 222-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice présentées par M. B...doivent également être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Orange présentées sur le fondement des mêmes dispositions.

ORDONNE

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Orange sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A...B..., au ministre de l'action et des comptes publics et à la société Orange.

Fait à Bordeaux, le 29 juin 2017.

Le président de la 4ème chambre,

Philippe Pouzoulet

7

No 16BX01550


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 16BX01550
Date de la décision : 29/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : MADIGNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-29;16bx01550 ?
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