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13/07/2017 | FRANCE | N°15BX03159

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 13 juillet 2017, 15BX03159


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Geraldinium a demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er juillet 2005 au 31 décembre 2007 ainsi que des pénalités correspondantes pour un montant de 44 887 euros, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2006 et 2007 ainsi que des pénalité

s correspondantes pour un montant de 59 115 euros et la décharge de l'amende infligée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Geraldinium a demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er juillet 2005 au 31 décembre 2007 ainsi que des pénalités correspondantes pour un montant de 44 887 euros, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2006 et 2007 ainsi que des pénalités correspondantes pour un montant de 59 115 euros et la décharge de l'amende infligée pour un montant de 45 811 euros en application de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1201879 du 16 juillet 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 28 septembre 2015, le 12 juillet 2016, le 4 avril 2017 et le 26 mai 2017, la SARL Geraldinium, représentée par Me A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 16 juillet 2015 ;

2°) la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des périodes d'impositions en litige pour les montants respectifs de 42 854 euros et 59 115 euros ;

3°) la décharge de l'amende fiscale de 45 811 euros qui lui a été infligée ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de sa requête d'appel, que :

- elle a été présentée dans le délai d'appel de deux mois suivant la notification du jugement du tribunal administratif.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition, que :

- le vérificateur a procédé à un emport irrégulier de documents comptables appartenant à la société et permettant de calculer des différentiels de taxe sur la valeur ajoutée ; aucun reçu n'a été établi par l'administration au moment de l'emport de ces documents ni aucune décharge lors de leur restitution ; ces documents sont bien des documents originaux et ils présentent le caractère de documents comptables ; dès lors que l'utilisation de ces documents a permis au vérificateur de remettre en cause le caractère sincère et probant de la comptabilité de la société, il en résulte qu'une irrégularité procédurale a été commise alors même que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur marge ont été abandonnés ;

- la procédure d'imposition suivie n'a pas respecté le principe du contradictoire dès lors que la notification de la proposition de rectification n'a pas été effectuée dans des conditions régulières ; en effet, si l'administration a laissé, le 26 août 2009, un avis de passage au siège social de la société, celle-ci n'a pu récupérer la lettre recommandée comprenant la proposition de rectification dans la mesure où celle-ci a, par erreur, été réexpédiée avant l'expiration du délai de garde ; cette erreur a été confirmée par deux agents de La Poste qui ont rédigé des attestations en ce sens ; ainsi, la société requérante n'a pu prendre connaissance du contenu de la proposition de rectification ni présenté ses observations.

Elle soutient, en ce qui concerne le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge, que :

- les versements effectués par Mme B...au bénéfice de la société sont justifiés ; il s'agit d'apports en compte courant d'associés dont les montants sont déductibles du bénéfice imposable ;

- les annulations de produits effectuées dans la comptabilité de la société sont également justifiées car il s'agit de créances que celle-ci n'a pu recouvrir à l'occasion de ses opérations de vente immobilière ;

- c'est à tort que le vérificateur a considéré que certaines notes d'honoraires du notaire avaient été comptabilisées pour un montant différent dans les écritures comptables de la société.

Elle soutient, en ce qui concerne les compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie, que :

- c'est à tort que le vérificateur a considéré que la société avait déduit par anticipation la taxe sur la valeur ajoutée sur des prestations de service qu'elle n'avait pas encore réglées ; il est justifié au dossier que ces factures ont bien été réglées par la société.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 avril 2016 et le 10 mai 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Dans le dernier état de ses écritures, il soutient, en ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition, que :

- le moyen tiré de l'emport irrégulier de documents comptables doit être écarté dès lors que les documents en cause n'ont pas une nature comptable ; en outre, ces documents ne sont pas des originaux et n'ont pas effectivement servi à l'établissement des impositions en litige ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des garanties attachées à la procédure de rectification contradictoire doit être écarté dès lors que la proposition de rectification a été régulièrement notifiée au siège social de la société et qu'il est établi que le courrier de notification de cette proposition a été conservé par La Poste durant le délai de garde ; contrairement à ce que soutient la requérante, il est établi que ce courrier n'a été réexpédié à l'administration qu'à l'expiration du délai de garde ; les attestations produites par la requérante à l'appui de ses allégations ne sont pas probantes eu égard à leur forme et à leur contenu ; les informations contenues dans la sommation interpellative du 16 février 2016 ne sont pas suffisamment précises et ne permettent pas de contredire les constatations des premiers juges qui ont écarté le moyen tiré de l'irrégularité de la notification de la proposition de rectification.

Il soutient, en ce qui concerne le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, que :

- par les pièces qu'elle produit, la société n'établit pas que sa gérante aurait payé à son profit des sommes d'argent correspondant à des apports en compte courant d'associé déductible du résultat imposable ; ainsi, les documents, notamment bancaires, versés au dossier ne démontrent pas la réalité des flux financiers invoqués ou l'existence de dépenses au bénéfice de la société ;

- les annulations de produits que la société a comptabilisées dans ses écritures comptables ne sont pas justifiées ; s'agissant d'un marchand de biens, le fait générateur de l'imposition est constitué par les cessions à titre onéreux des biens et droits quelles que soient les modalités retenues pour en acquitter le prix ; ainsi, le cédant ne peut exciper de la non perception d'une fraction des sommes lui revenant pour faire échec à la taxation ; enfin, le caractère irrécouvrable de certaines des créances invoquées par la société n'est pas établi ;

- le vérificateur a pu à bon droit constater que la société avait comptabilisé des notes d'honoraires de notaire pour des montants différents de ceux figurant sur des factures de ventes ; les documents comptables produits par la société, qui se rapportent à l'exercice clos le 30 juin 2007, alors que le litige porte ici sur l'exercice clos le 30 juin 2006, ne contredisent pas les constatations du service.

Il soutient, en ce qui concerne les compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la société a été assujettie, que :

- la vérificateur a pu à bon droit relever que la société avait déduit à tort la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des prestations n'ayant pas fait l'objet d'un règlement préalable ; les pièces produites par la société attestent que les règlements sont intervenus en 2008, soit postérieurement à l'année d'imposition en litige ; elles confirment que la société avait, à tort, procédé à une déduction anticipée de la taxe sur la valeur ajoutée.

Par une ordonnance du 10 mai 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 mai 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Geraldinium, qui exerce une activité de marchand de biens immobiliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période allant du 1er juillet 2004 au 31 décembre 2007 à l'issue de laquelle l'administration a émis une proposition de rectification le 20 août 2009. Il en est notamment résulté, pour la SARL Geraldinium, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée pour la période allant du 1er juillet 2005 au 31 décembre 2007 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés concernant les exercices clos le 30 juin 2006 et le 30 juin 2007. Ces impositions, qui ont été assorties de l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts, ont été contestées par la SARL Geraldinium qui en a demandé la décharge devant le tribunal administratif de Toulouse. Elle relève appel du jugement rendu le 16 juillet 2015 par lequel le tribunal a rejeté sa demande et conclut, dans le dernier état de ses écritures, à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des périodes d'impositions en litige et de l'amende qui lui a été infligée, pour les montants respectifs de 42 854 euros, 59 115 euros et 45 811 euros.

Sur les conclusions à fin de décharge des impositions en litige :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ".

3. Il résulte des dispositions précitées que les rectifications doivent, à peine d'irrégularité de la procédure suivie, être notifiées au contribuable afin de lui permettre de formuler ses observations. En cas de contestation sur ce point, il incombe à l'administration fiscale d'établir que la notification de la proposition de rectification a été régulièrement adressée au contribuable et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui incombe ainsi à l'administration peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste pendant le délai de garde de quinze jours.

4. Il est constant que la proposition de rectification datée du 20 août 2009 a été présentée au siège social de la SARL Geraldinium par pli recommandé avec accusé de réception le 26 août 2009 et que, en raison de l'absence du représentant de ladite société, le préposé de la poste a laissé un avis de passage mentionnant que le courrier pouvait être retiré au bureau de Poste avant l'expiration du délai de garde de quinze jours.

5. Pour établir, comme elle en a la charge, que la proposition de rectification du 20 août 2009 a été régulièrement notifiée à la SARL Geraldinium, l'administration produit la copie de l'enveloppe contenant cette proposition sur laquelle figure la mention " non réclamé - retour à l'envoyeur " ainsi qu'un cachet de La Poste daté du 18 septembre 2009. Toutefois, il résulte du document récapitulant la recherche effectuée par la requérante sur le site internet de La Poste que l'enveloppe en cause aurait été réexpédiée à l'administration non pas le 18 mais le 21 septembre 2009. De telles mentions, qui sont dépourvues de caractère concordant, n'établissent pas que le pli contenant la proposition de rectification aurait bien été laissé à disposition de la société requérante pendant le délai règlementaire de garde.

6. Il résulte au contraire des deux attestations établies le 9 et le 30 septembre 2009 par le préposé du service postal et le responsable clients du bureau de poste du Capitole que Mme B..., gérante de la SARL Geraldinium, s'est présentée à deux reprises à ce bureau le 8 puis le 9 septembre 2009, soit avant l'expiration du délai de garde, afin de retirer le pli recommandé. La première de ces attestations précise que la lettre n'a pas pu être remise à son destinataire au motif qu'elle a " probablement " été réexpédiée à son expéditeur à la suite d'une erreur des services postaux, tandis que la seconde de ces attestations indique que ladite lettre était " introuvable ". A la suite d'une sommation interpellative effectuée le 16 février 2016 par un huissier de justice à la demande de la SARL Geraldinium, le chef de service du bureau de poste du Capitole a confirmé que les auteurs des attestations étaient bien employés dans ce bureau en août et en septembre 2009 et que leurs témoignages ont été établis dans le cadre de leurs prérogatives professionnelles. Ainsi, les attestations en cause établissent que la gérante de la SARL Geraldinium s'est présentée au bureau de Poste avant l'expiration du délai de garde et qu'elle n'a pu retirer le pli qui lui avait été adressé.

7. Dans ces conditions, la proposition de rectification du 20 août 2009 ne peut être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à la société requérante qui a ainsi été privée d'une garantie. Dès lors, il y a lieu d'accorder à la SARL Geraldinium la décharge des impositions et pénalités litigieuses.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Geraldinium est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué et la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre des années d'imposition en litige à hauteur de la somme totale de 147 780 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL Geraldinium et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1201879 du tribunal administratif de Toulouse du 16 juillet 2015 est annulé.

Article 2 : La SARL Geraldinium est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre des années d'imposition en litige.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL Geraldinium la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Geraldinium et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Christine Mège, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 13 juillet 2017

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Christine MègeLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX03159


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03159
Date de la décision : 13/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MEGE
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : ANDRE HOIN et PARTENAIRES CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-07-13;15bx03159 ?
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