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13/11/2017 | FRANCE | N°15BX03767

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2017, 15BX03767


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société EARL de la Gudelette a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 7 mars 2013 par lequel le préfet de la Charente-Maritime lui a alloué une indemnité d'un montant total de 248 946,37 euros en réparation de l'abattage de son cheptel bovin et ovin infecté par la tuberculose et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'abattage d'un montant total de 364 689,06 euros.

Par un jugement n° 1300983 du 24 septembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a

condamné l'Etat à verser à l'EARL de la Gudelette un complément d'indemnisation d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société EARL de la Gudelette a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 7 mars 2013 par lequel le préfet de la Charente-Maritime lui a alloué une indemnité d'un montant total de 248 946,37 euros en réparation de l'abattage de son cheptel bovin et ovin infecté par la tuberculose et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'abattage d'un montant total de 364 689,06 euros.

Par un jugement n° 1300983 du 24 septembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a condamné l'Etat à verser à l'EARL de la Gudelette un complément d'indemnisation de 106 824,54 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 novembre 2015 et 13 janvier 2017, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) rejeter la demande de l'EARL de la Gudelette.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le préfet a fondé sa décision sur des motifs de nature à établir que l'évaluation des experts était exagérée ; ces motifs sont explicités dans le courrier de notification de l'arrêté en litige ;

- l'évaluation de la valeur de remplacement du cheptel retenue par les experts, sur laquelle s'est fondée le tribunal administratif, est erronée : d'une part, le cheptel de l'EARL de la Gudelette, n'était pas d'une qualité suffisante pour dépasser les montants majorés fixés par l'annexe II de l'arrêté du 30 mars 2001 ; d'autre part, les experts ont retenu le montant des valeurs de remplacement en lieu et place des valeurs marchandes objectives ; il en est résulté une surestimation de la valeur marchande du cheptel de 40 à 50 % ;

- le préfet, prenant en compte les estimations du directeur général de l'alimentation du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt du 9 novembre 2012, a régulièrement arrêté à la somme de 248 946,37 euros l'indemnisation allouée à l'EARL de la Gudelette ; les valeurs retenues sont cohérentes avec les prix du marché ;

- la présence d'agents de l'Etat pendant les opérations d'expertise n'implique pas une validation de l'estimation retenue par les experts ;

- l'inscription du cheptel à l'UPRA n'implique pas nécessairement le dépassement des montants majorés prévus à l'annexe II de l'arrêté du 30 mars 2011.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 septembre 2016 et 9 février 2017, l'EARL de la Gudelette, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 janvier 2017, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 21 février 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du 30 mars 2001 fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus sur ordre de l'administration ;

- la note de service DGAL/SDSPA/N2001-8165 du 28 novembre 2001 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marianne Pouget,

- et les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 12 septembre 2012 portant déclaration d'infection, le préfet de la Charente-Maritime a déclaré infecté par la tuberculose bovine le troupeau appartenant à l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) de la Gudelette située à Saint-Simon de Bordes et a prescrit l'abattage de tous les bovins du troupeau. Par arrêté du 7 mars 2013, le préfet de la Charente-Maritime a accordé à l'EARL de la Gudelette une indemnité d'un montant total de 248 946,37 euros à la suite de l'abattage de son troupeau. Par un jugement du 24 septembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers, estimant que le préfet avait sous-évalué la valeur objective marchande du troupeau, a condamné l'Etat à verser à l'EARL de la Gudelette une indemnité complémentaire de 106 824,54 euros. Le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 221-2 du code rural et de la pêche maritime : " Des arrêtés conjoints du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'économie et des finances fixent les conditions d'indemnisation des propriétaires dont les animaux ont été abattus sur l'ordre de l'administration, ainsi que les conditions de la participation financière éventuelle de l'Etat aux autres frais obligatoirement entraînés par l'élimination des animaux (...) ".

3. Ces dispositions ont fait l'objet d'un arrêté interministériel d'application du 30 mars 2001.

4. Aux termes de l'article 1er dudit arrêté applicable aux faits du litige : " Lorsque : - un troupeau fait l'objet d'un abattage total ou partiel sur ordre de l'administration dans le cadre des dispositions prises pour l'application de l'article L. 221-1 du code rural (...) les animaux abattus (...) faisant l'objet d'une indemnisation en application de l'article L. 221-2 du code rural sont estimés aux frais de l'administration par deux experts sur la base de la valeur de remplacement des animaux (...) La valeur de remplacement inclut la valeur marchande objective de chaque animal considéré et les frais directement liés au renouvellement du cheptel selon les modalités définies à l'annexe I du présent arrêté (...)Lorsqu'une valorisation en boucherie des animaux abattus est possible, le montant de cette valorisation est déduit du montant de l'estimation réalisée conformément au présent article". Aux termes de l'article 1 bis du même arrêté : " La valeur marchande objective des animaux peut être déterminée en fonction de critères définis par instruction du ministre chargé de l'agriculture, prenant notamment en compte l'âge, le sexe, la vocation économique, la valeur génétique et les performances zootechniques des animaux. / Si l'état de gestation des femelles est avéré, il en est tenu compte pour la détermination de leur valeur marchande objective. Les naissances survenant entre l'expertise et l'abattage ne donnent pas lieu à indemnisation complémentaire. / La valeur marchande objective est déterminée sans tenir compte des primes auxquelles les animaux visés par la décision d'abattage sont susceptibles de donner droit ". Aux termes de l'article 5 de cet arrêté : "(...) Lorsque la valeur de remplacement estimée par les experts dépasse à titre exceptionnel, pour les espèces visées, les montants majorés tels que définis en annexe II en moyenne par catégorie d'animaux, elle est calculée en fonction d'indices génétiques ou de performances ou de tout autre critère objectif selon les modalités prévues à l'article 1er bis et les justificatifs relatifs à ces indices ou critères sont joints au rapport d'expertise (...) ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Le ou les rapports d'expertise sont instruits par le préfet, qui peut solliciter la production de tout élément complémentaire d'appréciation de la valeur commerciale des denrées et produits ou de la valeur de remplacement des animaux et l'avis du directeur général de l'alimentation, notamment dans les cas définis au quatrième alinéa de l'article 5. Le préfet arrête ensuite le montant définitif de l'indemnisation et le notifie au propriétaire des animaux, des denrées ou des produits. Pour les catégories d'animaux des espèces concernées, ce montant ne peut excéder les montants plafonnés définis en annexe II du présent arrêté ". L'annexe II de cet arrêté du 30 mars 2001, comporte une grille d'indemnisation fixant notamment, par type de bovin, un montant de base et un montant majoré de la valeur de remplacement.

5. En vertu des dispositions précitées de l'arrêté du 30 mars 2001, le préfet n'est pas tenu d'accorder à l'exploitant le montant fixé par l'expertise. Toutefois, sa décision doit être fondée sur des motifs de nature à établir l'exagération de l'évaluation effectuée par les experts.

6. Pour la mise en oeuvre de l'arrêté, le ministre de l'agriculture et de la pêche a pris le 28 novembre 2001 une note de service DGAL/SDSPA/N2001-8165 précisant notamment les modalités de fixation de la valeur de remplacement des animaux.

7. Il résulte de l'instruction que les deux experts chargés de fixer l'évaluation du troupeau de l'EARL La Gudelette ont fixé la valeur de remplacement des animaux à 434 635,90 euros dont 328 214 euros en représentant la valeur objective marchande. Les experts ont appliqué, non les tarifs figurant à l'annexe II de l'arrêté ministériel mais, eu égard à la haute valeur génétique du cheptel inscrit à l'Union nationale de sélection et de promotion de race Prim'Holstein, la méthode d'évaluation prévue par l'annexe 1 à la note de service du 28 novembre 2001 dans " les cas particuliers des troupeaux à haute valeur génétique dans les races Prim'Holstein, Montbéliard et Normande ". En vertu des dispositions du 2.2.3.1 de cette note de service, la méthode proposée par l'annexe 1 permet de déterminer la valeur de remplacement des animaux et inclut donc la valeur marchande objective et l'ensemble des frais directement liés au renouvellement du cheptel, conformément aux dispositions précitées de l'article 1er de l'arrêté.

8. Le préfet de la Charente-Maritime, sans remettre en cause le principe de l'application par les experts de la grille Prim'Holstein de la note de service, a contesté l'estimation de la valeur marchande objective des animaux retenue par ces derniers au motif qu'elle englobait à tort les frais liés au renouvellement du troupeau.

9. Il ressort des pièces du dossier, notamment du tableau détaillé annexé au rapport d'expertise que, ainsi que l'a constaté le préfet, les experts ont effectivement appliqué la méthode définie par la note de service dans les cas particuliers des troupeaux à haute valeur génétique et qu'ils ont présenté l'estimation à laquelle ils étaient parvenus comme correspondant à la valeur objective marchande de l'ensemble du troupeau. Or, ainsi qu'il a été dit au point 7, cette méthode permet de calculer la valeur de remplacement des animaux qui inclut, en application de l'article 1er de l'arrêté, la valeur objective marchande et les frais liés au renouvellement du cheptel. Il en résulte que l'évaluation de la valeur comptable marchande effectuée par les experts, qui englobe à tort les frais liés au renouvellement, est exagérée, en ce que notamment elle comptabilise deux fois les frais de renouvellement du cheptel.

10. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le préfet de la Charente-Maritime n'avait pas fondé sa décision sur des motifs de nature à établir l'exagération de l'évaluation effectuée par les experts que le tribunal s'est fondé sur la valeur marchande objective du troupeau retenue par les experts pour condamner l'Etat à verser à l'EARL La Gudelette une indemnité complémentaire de 106 824,54 euros.

11. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les moyens présentés par l'EARL La Gudelette à l'appui des conclusions à fin d'indemnisation.

Sur l'évaluation de la valeur marchande objective du troupeau :

12. Il résulte de l'instruction que le directeur général de l'administration du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, consulté par le préfet de la Charente-Maritime dans le cadre de l'instruction du rapport d'expertise, a estimé en se fondant lui aussi sur l'annexe 1 à la note de service du 28 novembre 2011, que 17 bovins de la race Prim'Holstein, parmi les femelles de moins de 24 mois et les femelles de plus de 2 ans, présentaient un index ISU supérieur à 130 de sorte que leur valeur devait être majorée selon les taux définis par l'annexe 1 de la note de service du 28 novembre 2001. Les autres femelles adultes du cheptel ont été prises en compte au prix forfaire de 2 100 euros, c'est-à-dire au barème de base fixé par la grille correspondant à un index ISU égal ou inférieur à 130 et les génisses l'ont été au même prix standard mais corrigé d'une réfaction de 420 euros ou de 840 euros en fonction de leur âge. Dans son avis du 9 novembre 2012, le directeur général évalue à 232 697,02 euros la valeur marchande objective du cheptel de l'EARL de la Gudelette. Le préfet de la Charente-Maritime n'a pas retenu cette somme mais celle de 221 299,46 euros.

13. Le ministre fait sienne l'estimation du directeur général de l'administration du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, qui indique, contrairement à l'évaluation du préfet, la valeur de chaque animal et qui aboutit selon le ministre à " une moyenne de 1 350,65 euros, toutes femelles confondues, qui est cohérente avec les prix de vente d'animaux comparables constatées sur le marché ", ce qui n'est pas sérieusement contredit par l'EARL. Dans ces conditions, il y a lieu de fixer la valeur objective du cheptel à la somme de 232 697,02 euros.

Sur le montant de l'indemnité due à l'EARL :

14. Compte tenu de la valeur marchande objective du troupeau à retenir, soit 232 697,02 euros et des frais de remplacement d'un montant non contesté de 110 235,24 euros, l'EARL de la Gudelette pouvait prétendre, après déduction de la somme de 82 588,33 euros au titre de la valeur bouchère des animaux abattus, à une indemnité d'un montant de 260 343,93 euros. L'EURL ayant perçu, par l'arrêté du 7 mars 2013, une indemnité de 248 946,37 euros, elle est seulement fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité complémentaire de 11 397,56 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'EARL de la Gudelette et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La somme que l'Etat est condamné à verser à l'EARL de la Gudelette en complément de l'indemnité qui lui a été allouée par l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 7 mars 2013 pour l'abattage de son troupeau au titre de la police sanitaire est ramenée à 11 397,56 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1300983 du tribunal administratif de Poitiers du 24 septembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à l'EARL de la Gudelette une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL de la Gudelette et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 13 novembre 2017.

Le rapporteur,

Marianne Pouget

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX03767


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03767
Date de la décision : 13/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

03-05-03-01 Agriculture et forêts. Produits agricoles. Élevage et produits de l'élevage. Élevage.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Marianne POUGET M.
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE DE LANGLADE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-13;15bx03767 ?
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