La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/11/2017 | FRANCE | N°17BX03040

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 27 novembre 2017, 17BX03040


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Chambre de Commerce et d'Industrie de la Guyane a saisi le tribunal administratif de la Guyane d'une demande de condamnation de la société Prest'Air à lui verser la somme de 277 593,36 euros, assortie d'intérêts moratoires à compter de la mise en demeure, outre capitalisation, et la somme de 43 226,40 euros au titre de la remise en état des locaux occupés après incendie, avec intérêts de droit à compter de la décision à intervenir, avec capitalisation, outre une indemnité d'occupation égale au d

ouble de la redevance principale jusqu'au départ effectif et libération des li...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Chambre de Commerce et d'Industrie de la Guyane a saisi le tribunal administratif de la Guyane d'une demande de condamnation de la société Prest'Air à lui verser la somme de 277 593,36 euros, assortie d'intérêts moratoires à compter de la mise en demeure, outre capitalisation, et la somme de 43 226,40 euros au titre de la remise en état des locaux occupés après incendie, avec intérêts de droit à compter de la décision à intervenir, avec capitalisation, outre une indemnité d'occupation égale au double de la redevance principale jusqu'au départ effectif et libération des lieux, et la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 1600845 du 2 août 2017, le président du tribunal administratif de la Guyane, statuant en qualité de juge des référés, a condamné la société Prest'air à verser à la CCI de la Guyane une somme de 51 318,28 euros à titre de provision sur les sommes dues au titre de l'occupation d'un hangar et de bureaux sur l'aéroport Félix-Eboué et une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au Conseil d'Etat le 16 août 2017 et à la cour, après transmission, le 6 septembre 2017, et un mémoire complémentaire enregistré le 30 août 2017, après transmission du Conseil d'Etat et le 13 octobre 2017, la société Prest'Air, représentée par la SCP de Nervo et Poupet, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1600845 du 2 août 2017 du président du tribunal administratif de la Guyane en tant qu'elle la condamne ;

2°) de rejeter la demande de la CCI de la Guyane ;

3°) de mettre à la charge de la CCI de la Guyane une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la minute de l'ordonnance n'est pas signée ;

- le juge des référés a omis de répondre à son moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de l'irrecevabilité de la requête méconnaissant les dispositions de l'article R.414-3 du code de justice administrative ; il n'a pas davantage répondu à son moyen tiré d'un partage de responsabilité au regard de l'attitude ambigüe entretenue par la CCI de la Guyane ;

- le juge des référés a entaché son ordonnance d'une erreur de droit en fixant le montant de la somme due par la société exposante au titre de 1'occupation du domaine public en se bornant à faire application du montant de la redevance qui avait été appliqué à l'occupant antérieur du domaine public, sans rechercher quel aurait été le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière. Il ne pouvait qualifier ce montant de redevance en l'absence de titre d'occupation ;

- en ne faisant pas référence à l'article L.2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques et en ne faisant pas davantage application des critères prévus par ce texte, le juge des référés a commis une erreur de droit ;

- en lui laissant croire qu'elle était en situation régulière, la CCI de la Guyane a commis une faute de nature à justifier un partage de responsabilité ;

- le montant de la somme due devrait être réduit pour tenir compte de l'absence de rentabilité de son activité et de l'absence de perspectives d'occupation du hangar pour la CCI de la Guyane.

Le président de la cour a désigné Mme A...en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

-le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que depuis le 1er janvier 2012, la société Prest'Air occupe sans droit ni titre un hangar de 376 m² et des bureaux de 135 m² sur le domaine public aéroportuaire de l'aéroport Félix Eboué, dont la Chambre de Commerce et d'Industrie de la Guyane est concessionnaire, locaux auparavant occupés par la société Air Amazonie. N'ayant pas accepté les conditions financières d'occupation proposées par la CCI de la Guyane, la société Prest'Air n'a signé aucune convention ni payé aucune indemnité d'occupation. La Chambre de Commerce et d'Industrie de la Guyane a liquidé des redevances d'occupation à l'encontre de la société Prest'Air, qui ne s'en est pas acquittée. Par ailleurs, le 28 juin 2016, un incendie est survenu dans les locaux occupés par la société Prest'Air, qui a endommagé au moins un aéronef entreposé dans le hangar, et la toiture du local. La Chambre de Commerce et d'Industrie de la Guyane, qui a sollicité par ailleurs l'expulsion de la société Prest'Air, a demandé dans la présente instance la condamnation de la société Prest'Air à lui verser deux provisions, respectivement de 277 593, 86 euros pour les impayés de redevances, et de 43 226, 40 euros au titre de la remise en état des locaux occupés après incendie, outre la condamnation de la société Prest'Air au paiement d'une indemnité d'occupation égale au double de la redevance principale jusqu'au départ effectif et sa libération des lieux. Le premier juge n'a que très partiellement fait droit à sa seule première demande, en limitant à 51 318,28 euros la créance qu'il a reconnue non sérieusement contestable au titre de l'occupation sans titre par la société Prest'air des locaux litigieux, écartant notamment tant les demandes au titre d'impayés antérieurs de la société Air Amazonie que les demandes au titre de redevances.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Contrairement à ce que soutient la société Prest'Air, la minute de l'ordonnance est signée conformément aux dispositions de l'article R.742-5 du code de justice administrative.

3. Aux termes de l'article R.414-3 du code de justice administrative : " Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête. " En vertu de l'article 10 du décret n° 2016-1481 du 2 novembre 2016, ces dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2017, et pour les instances en cours, elles s'appliquent aux mémoires et pièces produits à compter du 1er janvier 2017. La demande présentée au juge des référés du tribunal administratif de Cayenne ayant été enregistrée le 30 novembre 2016, ces dispositions ne lui étaient pas applicables. Par suite, le premier juge n'était pas tenu de répondre au moyen tiré de leur méconnaissance soulevé en défense par la société Prest'Air, qui était donc inopérant.

4. En revanche, le juge des référés ne s'est pas prononcé sur le moyen de défense tiré de ce que, en s'abstenant de demander l'expulsion de la société Prest'air pendant 18 mois, la CCI de la Guyane a entretenu une ambiguïté sur la régularité de sa situation de nature à justifier un partage de responsabilité. Ce moyen n'étant pas inopérant, le juge des référés a entaché son ordonnance d'irrégularité en s'abstenant d'y répondre. Il y a lieu d'annuler l'ordonnance en tant qu'elle se prononce sur la demande relative à l'occupation du domaine public et, statuant par la voie de l'évocation, d'examiner la demande de la CCI de la Guyane à ce titre, laquelle est recevable au regard de la délibération du 6 décembre 2016 de l'assemblée générale donnant compétence à son président pour agir en justice.

Sur le bien-fondé de la demande de provision :

5 Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative: " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de 1'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. "

6. Une personne publique est fondée à réclamer à l'occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. A cette fin, elle doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public.

7. Il ressort des pièces du dossier que la CCI de la Guyane a facturé à la société Prest'air un " loyer " trimestriel de 4 304,70 euros du 1er janvier 2012 au 30 juin 2013, puis un loyer trimestriel de 16 383,16 euros au titre des 3ème et 4ème trimestre 2013, et enfin une somme de 65 902,03 euros pour l'année 2014. La circonstance qu'en l'absence de convention signée, seule une indemnité d'occupation pouvait être demandée est sans incidence sur la réalité de la créance, alors que la société Prest'Air reconnaît l'existence de l'occupation.

8. Si la CCI de la Guyane ne peut utilement se référer au guide des redevances comportant un barème des tarifs adopté par la commission consultative économique du 20 février 2015 et homologué en juin 2015, lequel a été publié en janvier 2016, pour fixer le montant des indemnités d'occupations au titre de périodes antérieures, en revanche il n'est pas contesté que le premier montant facturé de 4 304,70 euros par trimestre correspondait à celui antérieurement appliqué à la société Air Amazonie pour les mêmes locaux, et il ressort des pièces du dossier qu'après un avis d'appel à concurrence lancé en 2016, une autre société a proposé un montant de 4 500 euros par mois. Dans ces conditions, la CCI de la Guyane pouvait fixer sans erreur d'appréciation un montant trimestriel de 4 304 euros au moins, sans que la société Prest'Air soit fondée à se prévaloir de ses résultats déficitaires pour demander une réduction de cette indemnité.

9. La société Prest'Air fait valoir également qu'en entretenant une ambigüité sur la régularité de sa situation, la CCI de la Guyane aurait commis une faute de nature à justifier un partage de responsabilité. Toutefois, la société Prest'Air n'ignorait pas devoir signer une convention ni devoir payer une redevance d'occupation, dont elle ne contestait que le montant. Dans ces conditions, elle ne peut reprocher aucune ambigüité à la CCI de la Guyane au seul motif que celle-ci a tardé à demander son expulsion du domaine, lui permettant ainsi de tenter de régulariser sa situation.

10. Il résulte de ce qui précède que la créance de la CCI de la Guyane à l'encontre de la société Prest'Air doit être regardée comme non contestable à hauteur de la somme de 51 656,40 euros pour la période de trois ans courant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. Il y a donc lieu de condamner la société Prest'Air à verser cette somme à la CCI de la Guyane, majorée comme celle-ci le demandait des intérêts au taux légal à compter de la saisine du tribunal administratif le 30 novembre 2016. Une année d'intérêts n'étant pas due à la date de la présente décision, la demande de capitalisation ne peut qu'être rejetée.

Sur les conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Prest'Air la somme que demandait la CCI de la Guyane devant le tribunal sur le fondement de ces dispositions.

12. Au titre de l'instance d'appel, ces dispositions font obstacle à ce que la CCI de la Guyane, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser quelque somme que ce soit à la société Prest'Air.

ORDONNE :

Article 1er : L'ordonnance du président du tribunal administratif de la Guyane est annulée en tant qu'elle se prononce sur la demande de provision de la CCI de la Guyane au titre de l'occupation de locaux dans la zone de fret de l'aéroport Félix Eboué par la société Prest'air pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.

Article 2 : La société Prest'Air versera à la CCI de la Guyane la somme de 51 656,40 euros à titre de provision sur les indemnités d'occupation dues pour ces locaux.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande, les conclusions au titre des frais présentées par la CCI de la Guyane devant le tribunal et le surplus des conclusions de la société Prest'air en appel sont rejetés.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Prest'Air et à la Chambre de Commerce et d'Industrie de la Guyane.

Fait à Bordeaux, le 27 novembre 2017

Le juge d'appel des référés

Catherine A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 17BX03040


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 17BX03040
Date de la décision : 27/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SELASU PRÉVOT MURIEL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-27;17bx03040 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award