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19/12/2017 | FRANCE | N°15BX03951

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 19 décembre 2017, 15BX03951


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 28 mars 2014 par laquelle la société Électricité de France (EDF) a refusé d'exécuter la décision arbitrale prise le 6 mars 2014 par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Midi-Pyrénées, d'enjoindre à la société EDF d'exécuter cette décision arbitrale, subsidiairement, d'enjoindre tant à la société EDF qu'au syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) d'électricité des com

munes de Luz-Saint-Sauveur, Esquièze-Sère et Esterre de reprendre l'exécution de la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 28 mars 2014 par laquelle la société Électricité de France (EDF) a refusé d'exécuter la décision arbitrale prise le 6 mars 2014 par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Midi-Pyrénées, d'enjoindre à la société EDF d'exécuter cette décision arbitrale, subsidiairement, d'enjoindre tant à la société EDF qu'au syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) d'électricité des communes de Luz-Saint-Sauveur, Esquièze-Sère et Esterre de reprendre l'exécution de la convention signée le 21 avril 1952 entre EDF et MmeC..., également à titre subsidiaire, de condamner solidairement la société EDF et le SIVU précité à lui verser une somme de 20 939,69 euros en réparation de son préjudice.

Par un jugement n° 1401374 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, présentés le 10 décembre 2015 et le 21 octobre 2016, M. D...B..., représenté par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 15 octobre 2015 ;

2°) de condamner la société EDF à lui verser le reliquat correspondant à l'application de la convention signée le 21 avril 1952 du 1er janvier 2004 au 27 décembre 2006 ;

3°) de condamner la société EDF à procéder à une restitution d'énergie en nature à son profit à compter du 28 décembre 2006 et à le réintégrer dans ses droits dans un délai de trois mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la société EDF la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, en ce qui concerne la compétence de la juridiction administrative, que :

- ayant été évincé de son droit à l'usage de l'eau par des travaux d'aménagement d'une chute d'eau effectués par la société EDF, il est victime d'un dommage de travaux publics et il appartient à la juridiction administrative de connaître de sa demande.

Il soutient, en ce qui concerne la recevabilité de sa requête d'appel, que :

- elle a été présentée dans le délai d'appel de deux mois.

Il soutient, en ce qui concerne le fond du litige, que :

- le tribunal administratif a considéré que la convention de restitution d'énergie signée le 21 avril 1952 était liée à la première concession de 1925 alors qu'elle est en réalité liée à la nouvelle concession attribuée à EDF en 1966 ; la convention de restitution d'énergie a été signée dans le cadre d'un avenant signé le 14 octobre 1946 qui sera régularisé par la concession de 1966 ; il en résulte que la date d'affichage de la demande de concession est celle de l'avenant de 1946 ;

- en tout état de cause, la commune intention des parties était de rattacher les effets de la convention de 1952 à la concession de 1966 ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en déterminant la date d'extinction des effets de la concession de 1966 car il n'a pas tenu compte des délais glissants qui en prorogent les effets au-delà du terme prévu ; ces délais glissants constituent la prorogation des effets de la concession antérieure au-delà de son terme dans l'attente de l'entrée en vigueur de la nouvelle concession ; cette prolongation a nécessairement des répercussions sur l'obligation de restitution qui existe sous l'empire de la concession ; celle-ci s'étant poursuivie jusqu'au 28 décembre 2006, les obligations d'EDF vis-à-vis de M. B...continuaient de s'exécuter jusqu'à cette date ; ainsi, en retenant la date du 4 mars 2003 comme le terme de ces obligations, le tribunal a commis une erreur de droit ; d'autant que l'article 6 de la convention du 21 avril 1952 stipule que le contrat oblige EDF pour la durée de la concession de la chute de Saint-Sauveur ;

- il y avait donc lieu de distinguer le droit d'eau dans le cadre d'une nouvelle concession qui s'apprécie à la date de l'affichage de l'indemnisation de l'éviction sous l'empire de la concession en cours qui se poursuit tant que celle-ci est appliquée ; le bien-fondé de ce raisonnement a été reconnu par EDF qui s'est acquittée auprès de M. B...du montant dû pendant les trois années comprises entre la date d'échéance initialement prévue pour la concession de 1966 (soit le 31 décembre 2003) et le 28 décembre 2006, date de délivrance de la nouvelle concession ; or, la solution des premiers juges a conduit EDF à réclamer la restitution de la somme en cause ;

- M. B...était titulaire d'un droit d'eau fondé en titre lors de la signature de la convention de restitution avec EDF en 1952 (avec Mme C...aux droits de laquelle vient M. B...) ; cette convention avait pour objet de restituer à Mme C...son droit d'eau dont elle avait été évincée à la suite des travaux d'aménagement de la chute d'eau réalisés alors par EDF ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que ce droit fondé en titre avait disparu en raison de la ruine du moulin survenue lors de la première concession et au plus tard en 1966 ; en effet, les premiers juges ont omis de tenir compte d'un critère indispensable à la constatation de la disparition de ce droit et qui réside dans la volonté de l'usinier de renoncer à ce droit ; il est en effet établi que la ruine du moulin réside dans l'absence prolongée d'eau du fait de la concession exploitée par EDF ; son origine se trouve dans l'éviction de l'usinier dans l'exercice de son droit et l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de le mettre en oeuvre, faute d'eau ; le raisonnement du tribunal conduit à imposer à l'usinier d'entretenir son installation tout en sachant qu'il est dans l'impossibilité de la faire fonctionner ; dans le cas présent, M. B...n'a jamais entendu renoncer à son droit d'eau ; la jurisprudence du CE (CE, 5 juillet 2004, n° 246929) vise l'hypothèse où la ruine de l'ouvrage est antérieure à l'éviction ; elle n'est donc pas applicable en l'espèce dès lors que le droit était toujours exercé au moment de l'éviction ;

- il est également toujours titulaire d'un droit fondé en titre exercé car s'il avait pu utiliser son droit d'eau, il aurait pu faire fonctionner des chambres froides qui équipent son commerce de vente de fruits.

Par un mémoire en défense, présenté le 8 avril 2016, le syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) d'électricité des communes de Luz-Saint-Sauveur, Esquièze-Sère et Esterre, représenté par MeE..., demande à la cour de prendre acte qu'aucune demande n'est articulée à son encontre et de rejeter, en tant que de besoin, la requête de M. B...si elle devait être considérée comme visant le SIVU.

Il soutient que :

- n'ayant pas été partie à la convention signée en 1952, il n'est pas tenu par ses termes et son interprétation ; il ne souhaite ni n'est en mesure de formuler d'observations sur la pertinence de l'analyse conduite par la DREAL concernant l'existence d'un droit fondé en titre au bénéfice du requérant ;

- c'est en toute logique que M. B...a abandonné en cause d'appel sa demande de condamnation solidaire présentée à l'encontre du SIVU qui n'est pas intervenu dans la décision de mettre un terme à la convention de restitution signée en 1952.

Par un mémoire en défense, présenté le 7 juin 2016, la société Electricité de France (EDF), représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la cour sur l'appréciation du droit de M. B...à percevoir une indemnité pour la période du 1er janvier 2004 au 27 décembre 2006 et à conserver par devers lui la somme de 4 449,74 euros qui lui a été payée à ce titre ;

2°) de rejeter la demande de reconnaissance du droit à restitution de M. B...et de condamnation d'EDF à réintégrer ce dernier dans ses droits ;

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 7 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la concession actuelle des chutes de Luz 1 et Saint-Sauveur a été attribuée à EDF à l'issue d'une procédure définie par décret du 13 octobre 1994 ; M. B...ne tient aucun droit de la convention signée en 1952 car ni les conventions signées ni la loi n'autorisent à soutenir que le droit à restitution ou indemnisation devrait être apprécié sans référence à la concession en cours ;

- c'est donc à bon droit que le tribunal a retenu l'obligation de conclure une nouvelle convention avec le tiers si son droit à restitution pouvait être reconnu et jugé que la convention de 1952 a cessé de produire ses effets au 4 mars 2003, date d'affichage de la nouvelle demande de concession ; ce faisant, le tribunal n'a fait qu'appliquer l'article 6 de la loi du 16 octobre 1919 codifié à l'article L. 512-14 du code de l'énergie ;

- ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat (CE, 5 juillet 2004 n° 246929), la ruine de l'ouvrage entraîne la perte du droit fondé en titre ; si le requérant soutient que cette perte n'est reconnue qu'en cas de ruine volontaire de l'ouvrage, ce caractère a été reconnu par les constatations opérées sur place par les services de l'Etat en janvier 2003 ; M. B...a en conséquence perdu le droit fondé en titre attaché à un ouvrage désormais en ruine.

Par ordonnance du 27 octobre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 1er décembre 2016 à 12 heures.

Par une lettre du 20 octobre 2017, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. B...tendant au versement du reliquat résultant de la convention signée le 21 avril 1952 novembre pour la période du 1er janvier 2004 au 27 décembre 2006. M. B...y a répondu le 7 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., représentant M.B....

Considérant ce qui suit :

1. Un décret du 30 août 1925 a déclaré d'utilité publique les travaux d'aménagement de la chute d'eau de Luz 1 Saint-Sauveur sur le gave de Gavarnie et approuvé la concession des installations hydroélectriques consentie le 31 mai 1925 à la société de forces électriques de la vallée de Gavarnie. Electricité de France (EDF), nouveau concessionnaire en application de la loi du 8 avril 1946 de nationalisation de l'électricité et du gaz, a fait procéder à des travaux de dérivation des eaux du gave de Bastan et du ruisseau de l'Yse vers la centrale de Luz qui ont été reconnus d'utilité publique par un décret du 16 janvier 1952. La réalisation de ces travaux a eu pour conséquence de priver de force hydraulique plusieurs ouvrages situés sur le ruisseau de Bernadolou dans les communes d'Esquièze-Sère et Luz-Saint-Sauveur. Pour cette raison, EDF a signé avec les riverains titulaires de droits d'eau des conventions de restitution d'énergie en application de l'article 6 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique. MmeC..., aux droits de laquelle vient M.B..., a ainsi conclu avec EDF, le 21 avril 1952, une convention lui assurant une fourniture d'énergie électrique à un tarif préférentiel de 0,000457 euros pour une quantité annuelle de 20 000 Kilowatts/heure et une puissance maximale de 10 Kilowatts.

2. La concession des installations hydroélectriques de Luz 1 Saint-Sauveur signée en 1925 a été résiliée par un décret du 13 juin 1966 qui a aussi approuvé une nouvelle concession dont le terme a été fixé au 31 décembre 2003. A l'approche de cette échéance, EDF a entrepris de vérifier le maintien des droits particuliers à l'usage de l'eau dont l'existence avait fondé la signature des conventions de restitution d'énergie. Cette démarche a abouti à la décision d'EDF de cesser, à compter du 1er janvier 2004, toute restitution au profit de M.B.... En conséquence, le syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) d'électricité des communes de Luz-Saint-Sauveur, Esquièze-Sère et Esterre a facturé à M. B...ses consommations d'énergie au plein tarif à la date du 1er janvier 2004. Par lettre du 13 septembre 2011, M. B...a demandé à EDF d'appliquer les termes de la convention du 21 avril 1952 et de lui reverser les sommes facturées par le SIVU depuis 2004. Après le rejet de sa demande, M. B...a saisi le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Midi-Pyrénées d'une demande d'arbitrage du conflit l'opposant à EDF sur le fondement de l'article 7 de la convention du 21 avril 1952. Le 6 mars 2014, le directeur régional a estimé que le droit d'eau de M. B...n'avait pas disparu et qu'EDF devait, en conséquence, lui accorder une restitution d'énergie. Par une décision du 28 mars 2014, EDF a refusé de se conformer à cette solution, ce qui a conduit M. B...à saisir le tribunal administratif de Pau d'une demande principale tendant à l'annulation de cette décision de refus et à ce qu'il soit enjoint à EDF d'exécuter la " décision arbitrale ". M. B...a également demandé, à titre subsidiaire, qu'il soit prescrit à EDF et au SIVU d'électricité des communes de Luz-Saint-Sauveur, Esquièze-Sère et Esterre de reprendre l'exécution de la convention signée en 1952 et de condamner solidairement les mêmes à lui verser la somme de 20 939,69 euros à titre de dommages et intérêts. M. B...relève appel du jugement rendu le 15 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes.

Sur l'étendue du litige :

3. Aux termes de l'article 13 de la loi du 16 octobre 1919, aujourd'hui codifié à l'article L. 521-16 du code de l'énergie : " la nouvelle concession doit être instituée au plus tard le jour de l'expiration du titre en cours (...) A défaut, pour assurer la continuité de l'exploitation, ce titre est prorogé aux conditions antérieures jusqu'au moment où est décidée la nouvelle concession. ".

4. Si la concession renouvelée en 1966 devait prendre fin le 31 décembre 2003, il est constant qu'elle a continué d'être exécutée jusqu'au 27 décembre 2006. Ainsi, il appartenait à EDF d'indemniser M. B...jusqu'à cette date du 27 décembre 2006 en application des dispositions précitées de l'article L. 521-16 du code de l'énergie dès lors que l'article 6 de la convention de restitution d'énergie signée en 1952 stipule que " Le présent contrat oblige EDF (...) pour la durée de la concession ".

5. Il résulte de l'instruction que, ainsi qu'elle était tenue de le faire, EDF a versé à M. B... la somme de 4 450,74 euros correspondant au reliquat de l'application de la convention du 21 avril 1952 sur la période du 1er janvier 2004 au 27 décembre 2006. Ce versement a été effectué le 29 septembre 2015, soit antérieurement à la date à laquelle le tribunal a rendu son jugement, et privait ainsi d'objet les conclusions indemnitaires présentées par M. B... à hauteur de la somme en cause. Il appartenait en conséquence au tribunal administratif de prononcer un non-lieu à statuer dans cette mesure. Faute de l'avoir fait, le tribunal a, sur ce point, entaché son jugement d'irrégularité.

6. Il y a lieu pour la cour d'annuler dans cette mesure le jugement du tribunal et de constater, par la voie de l'évocation, qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à la condamnation d'EDF à lui verser la somme de 4 450,74 euros qu'il demande.

Sur le surplus :

7. Aux termes de l'article 6 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 521-14 du code de l'énergie : " L'éviction des droits particuliers à l'usage de l'eau, exercés ou non, donne ouverture à une indemnité en nature ou en argent si ces droits préexistaient à la date de l'affichage de la demande de concession. / Lorsque ces droits étaient exercés à ladite date, le concessionnaire est tenu (...) de restituer en nature l'eau ou l'énergie utilisée et, le cas échéant, de supporter les frais des transformations reconnues nécessaires aux installations préexistantes à raison des modifications apportées aux conditions d'utilisation. ".

8. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 521-14 du code de l'énergie que le titulaire d'un droit à l'usage de l'eau dont il a été évincé par un concessionnaire est en droit d'obtenir une restitution d'énergie s'il exerçait ce droit à la date d'affichage de la demande de concession. Dans le cas où la durée de la concession vient à expiration, ce droit à restitution ne peut demeurer que dans l'hypothèse où le droit d'eau continuerait d'être exercé à la date d'affichage de la demande de renouvellement de la concession.

9. Ainsi, les stipulations de l'article 6 de la convention de restitution d'énergie signée en 1952 selon lesquelles " Le présent contrat oblige EDF (...) pour la durée de la concession " doivent être interprétées comme ayant conféré à MmeC..., aux droits de laquelle vient M. B..., un droit à restitution d'énergie jusqu'au terme de la concession hydroélectrique ainsi qu'un droit au maintien de cette restitution à la condition que le droit d'eau soit toujours exercé à la date d'affichage de la demande de renouvellement de la concession.

10. Comme dit précédemment, la concession des installations hydroélectriques de Luz-Saint-Sauveur signée en 1925 a été résiliée par un décret du 13 juin 1966 qui a approuvé une nouvelle concession dont le terme a été fixé au 31 décembre 2003. Puis, par un arrêté du 28 décembre 2006, le préfet des Hautes-Pyrénées a fait droit à la nouvelle demande de renouvellement de la concession présentée par EDF, laquelle avait fait l'objet d'un affichage le 4 mars 2003. En application de l'article L. 512-14 précité du code de l'énergie, il appartient en conséquence à M. B...d'établir qu'il exerçait un droit à l'usage de l'eau à cette date du 4 mars 2003.

11. La force motrice produite par l'écoulement d'eaux courantes ne peut faire l'objet que d'un droit d'usage et en aucun cas d'un droit de propriété. Il en résulte qu'un droit fondé en titre se perd lorsque la force motrice du cours d'eau n'est plus susceptible d'être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d'affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d'eau. En revanche, ni la circonstance que ces ouvrages n'aient pas été utilisés en tant que tels au cours d'une longue période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le droit d'eau fondé en titre est attaché, ne sont de nature, à eux seuls, à remettre en cause la pérennité de ce droit.

12. Il résulte de l'instruction que le moulin auquel le droit fondé en titre de Mme C...puis de M. B...était attaché, et qui s'est trouvé privé d'eau à la suite des travaux de la concession hydroélectrique de Luz-Saint-Sauveur, a été détruit par son propriétaire. La circonstance que cette destruction ait eu pour origine l'éviction du droit d'eau subie par Mme C... est sans incidence sur l'état de ruine de l'ouvrage qui appartenait initialement à cette dernière. Du fait de cette destruction, cet ouvrage s'est trouvé à l'état de ruine et il en est résulté que le droit d'eau fondé en titre qui lui était attaché a disparu, contrairement à ce qu'a estimé le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement dans sa note du 6 mars 2014. Il résulte également de l'instruction que la destruction du moulin, et donc la perte du droit fondé en titre, sont intervenues au plus tard en 1966. Ainsi, au 4 mars 2003, date d'affichage de la demande de renouvellement de la concession, le droit à l'usage de l'eau attaché au moulin n'était, en tout état de cause, plus exercé au sens des dispositions précitées de l'article L. 512-14 du code de l'énergie.

13. Par suite, et comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, M. B...n'est pas fondé à obtenir une restitution d'énergie en compensation de la privation d'un droit d'eau exercé pour la période postérieure au 28 décembre 2006.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions tendant à une restitution d'énergie en compensation de la privation d'un droit d'eau exercé pour la période postérieure au 28 décembre 2006.

15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de M. B...la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par EDF et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1401374 du tribunal administratif de Pau du 15 octobre 2015 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires de M. B...à hauteur de la somme de 4 450,74 euros.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B...présentées devant le tribunal administratif à hauteur de la somme de 4 450,74 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : M. B...versera à EDF la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5: Le présent arrêt sera notifié à M. D...B..., à Electricité de France et au syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) d'électricité des communes de Luz-Saint-Sauveur.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Christine Mège, président-assesseur,

M. Fréderic Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 décembre 2017.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au préfet des Hautes-Pyrénées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX03951


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX03951
Date de la décision : 19/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS LARROUY-CASTERA

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-19;15bx03951 ?
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