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08/01/2018 | FRANCE | N°17BX02740

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 08 janvier 2018, 17BX02740


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cloisons doublages ravalement isolation (CDRI), société à responsabilité limitée, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Martinique la condamnation du Groupement de coopération sanitaire de moyens de Mangot-Vulcin à lui verser à titre de provision les sommes de 497 792,69 euros représentant le solde du marché passé entre eux, majorée des intérêts moratoires capitalisés au taux de 8 % à compter du mois de septembre 2011, et de 225 227,06 euros représentant les

dépens, ainsi qu'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cloisons doublages ravalement isolation (CDRI), société à responsabilité limitée, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Martinique la condamnation du Groupement de coopération sanitaire de moyens de Mangot-Vulcin à lui verser à titre de provision les sommes de 497 792,69 euros représentant le solde du marché passé entre eux, majorée des intérêts moratoires capitalisés au taux de 8 % à compter du mois de septembre 2011, et de 225 227,06 euros représentant les dépens, ainsi qu'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et que soit ordonnée la capitalisation des intérêts à compter de la mise en demeure du 7 septembre 2010.

Par une ordonnance n° 1600630 du 7 août 2017, le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 août 2017 et les 30 octobre 2017, 3 novembre 2017, 17 novembre 2017 et 7 décembre 2017, la société CDRI, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 7 août 2017 du juge des référés du tribunal administratif de la Martinique ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge du Groupement de coopération sanitaire de moyens de Mangot-Vulcin le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance a été rendue sans convocation des parties à une audience et dix mois après le dépôt de la requête ;

- le programme de construction de la nouvelle cité hospitalière de Mangot-Vulcin, dont les lots 2, 6a et 2, 6b (cloisons/doublages MCO et cloisons/doublages EPDSM) lui ont été confiés, a pris trente-sept mois de retard, soit mille cent dix jours calendaires et a donné lieu à réception le 31 mars 2011 alors que la fin des travaux prévue était le 10 mars 2008 ; bien que non payée depuis mai 2009, elle a assuré une présence sur le chantier jusqu'à la levée des réserves ;

- l'acompte n° 34 de 150 217,33 euros TTC, bien que validé, précédé d'une décision de poursuivre du 5 mars 2010 et payable à quarante-cinq jours, n'a pas été réglé ; elle n'a pas été réglée de ses prestations depuis 2009 malgré mise en demeure ;

- elle a présenté une première demande en référé provision le 30 septembre 2010 ; le juge des référés du tribunal a rejeté cette demande en l'estimant prématurée et en précisant que la désignation d'un expert pouvait être demandée, ce qui a été fait ; le rapport d'expertise a été déposé le 4 octobre 2016 seulement ; dans cette attente, elle a dû engager des frais pour un montant de 200 000 euros pour défendre ses intérêts ;

- l'expert conclut que dix-neuf jours seulement de retard peuvent lui être imputés ; elle a démontré dans son dire n° 27 que seulement neuf jours pouvaient lui être imputés ;

- l'expert retient par ailleurs que ses chefs de réclamation sont fondés à hauteur de la somme de 500 060,37 euros, correspondant à l'augmentation de la masse initiale des travaux, aux surcoûts des arrêts et reprises de travaux, au surcoût du personnel permanent sur le site, au surcoût des prestations réalisées à la demande de la DTVX et OPC, au surcoût des installations permanentes et aux préjudices de trésorerie, somme à laquelle il convient d'ajouter 16 385,80 euros au titre du DGD ETDE et 19 650 euros au titre du DGD Groupement Sogea, soit un total de 536 096,17 euros HT, soit 581 664,34 euros TTC ; l'expert a établi le décompte général et reconnaît qu'il est dû la somme de 900 749,17 euros TTC, déduction faite de dix-neuf jours de retard ; la somme qui lui reste due s'établit donc à la somme de 497 792,69 euros TTC à laquelle il convient d'ajouter les intérêts moratoires capitalisés depuis septembre 2011 et les dépens qui s'élèvent à ce jour à 225 227,06 euros TTC ;

- compte tenu du rapport d'expertise, la somme due ne peut plus être considérée comme sérieusement contestable ; l'urgence ordonne qu'elle perçoive la somme due au plus vite compte tenu des difficultés de trésorerie dues aux frais de plus de 200 000 euros qu'elle a dû exposer pour défendre ses intérêts ; contrairement à ce qu'a estimé le juge des référés du tribunal, le risque qu'il existe des doublons financiers, que la partie adverse n'a pas soulevé durant les opérations d'expertise, et que des pénalités de retard doivent être appliquées, ne peut plus constituer une cause de contestation sérieuse ; le juge des référés aurait pu déduire éventuellement une somme au titre des pénalités de retard, que l'expert avait chiffrées à 70 594,54 euros TTC, mais aurait dû retenir une provision pour le surplus soit 164 085,25 euros TTC ;

- le groupement défendeur ne peut pas dans le présent litige invoquer utilement la responsabilité de la maîtrise d'ouvrage, de l'OPC et de la conduite d'opération ; ces questions relèvent du juge du fond ;

- l'expertise a montré qu'elle n'était à l'origine d'aucun retard dans l'exécution des autres lots ;

- le maître d'ouvrage ne peut pas s'appuyer sur le décompte qu'il lui a notifié dès lors que ce décompte est contesté ;

- les allégations du groupement concernant des trop-perçus et la masse des travaux sont fausses ;

- les retards de tâches qui lui sont imputés ne résultent d'aucune pièce justificative ;

- l'expert n'a pas retenu les prétentions du groupement qui sont injustifiées ; les conclusions reconventionnelles n'ont pour but que de faire obstacle au paiement des sommes dues.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 octobre 2017, 3 novembre 2017 et 30 novembre 2017, le Groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, venant aux droits du syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête, subsidiairement, à ce que les sociétés membres du groupement de maîtrise d'oeuvre, les sociétés membres du groupement chargé de la conduite d'opération et l'entreprise chargée de l'ordonnancement, du pilotage et de la coordination, soient condamnées à le garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre, à titre reconventionnel, à la condamnation de la société CDRI à lui verser une provision de 1 475 094,59 euros et, en tout état de cause, à ce que soit mis à la charge de la société CDRI et des appelés en garantie la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est fondé à appeler en garantie la maîtrise d'oeuvre et la conduite d'opération ; en effet, de nombreux travaux supplémentaires ont été commandés par le maître d'oeuvre et par l'équipe de conduite d'opération, ce qui met en évidence des problèmes de conception et de suivi d'exécution ainsi que des manquements aux obligations de conseil notamment dans la vérification des situations mensuelles et du décompte final ; l'expert a imputé des jours de retard à l'OPC qui n'a pas su harmoniser les actions des différents intervenants ni gérer les conflits interentreprises ; la conduite d'opération a également été défaillante dès lors que la société CDRI a pu bénéficier d'une décision de poursuivre alors qu'elle n'avait atteint qu'entre 60 et 70 % de la masse de travaux ; les trois ans de retard sont la conséquence des défaillances de l'encadrement du chantier ;

- la société requérante ne peut pas se prévaloir du rapport de l'expert qui n'a analysé que le retard global d'exécution du chantier et pas les retards d'exécution par tâche ; le montant de 497 792,69 euros TTC prend appui sur l'imputation de 20 % du retard au maître d'ouvrage et ne peut totalement effacer le solde négatif du décompte notifié à l'entreprise qui s'établit à plus de 750 000 euros ;

- le décompte établi par l'expert comporte des sommes relatives à des travaux supplémentaires non justifiés ;

- s'agissant des dépens, tant que le juge du fond ne s'est pas prononcé, il n'est pas certain que le groupement soit la partie perdante ; au surplus, les frais d'avocat que la société requérante inclut dans sa demande ne constitue pas des dépens ;

- le montant de 5 661 591,49 euros encaissé par la société est largement supérieur aux engagements reconnus par le maître d'ouvrage dans le décompte général ; les décisions de poursuivre peuvent avoir engendré des doublons puisqu'elles ne faisaient que récapituler les ordres de service déjà intervenus et ont été traitées comme des avenants et enregistrées deux fois ; les avenants de régularisation récapitulant les ordres de service déjà émis pour des travaux supplémentaires ont également entraîné des doubles comptes ; l'administrateur du système de gestion électronique des données a signalé ce problème au maître d'ouvrage à deux reprises, les 26 et 29 septembre 2009 ; les demandes de l'entreprise sont injustifiées dès lors que, soit elles relevaient de prestations incluses dans le marché de l'entreprise, soit elles avaient été comptabilisées par ailleurs ; l'expert n'a pas analysé le périmètre des obligations des parties et s'est borné à reprendre les indications données par l'entreprise sans tenir compte des dires, notamment du maître d'ouvrage ;

- l'expert n'a retenu que la contribution de l'entreprise au retard global mais n'a pas pris en compte les retards de l'entreprise dans l'exécution de ses propres tâches ; ce retard s'élevait à quatre cent cinquante-quatre jours au 30 juin 2009 ; le maître d'ouvrage a chiffré les pénalités applicables à 268 537,90 euros et ce montant aurait pu être plus élevé ; la société a abandonné le chantier pendant quatre mois à l'approche de la réception et ses prestations ont dû être exécutées par une autre entreprise dans le cadre d'une mise en régie ; l'exception d'inexécution reste par principe exclue dans les contrats administratifs sauf cas de force majeure ; le coût de la mise en régie ne semble pas avoir été mis à la charge de la société ;

- la société CDRI ayant rejeté le décompte, le maître d'ouvrage est en droit de prétendre à la réparation des préjudices qu'il n'avait pu intégrer dans ce décompte ; la contribution de la société au préjudice résultant de la perte de recettes durant trois ans s'élève à 1 343 130,12 euros ; sa contribution au préjudice résultant des frais d'assurance s'élève à 28 015,16 euros ; le maître d'ouvrage a subi un préjudice de 9,3 millions d'euros ou 14 millions d'euros en intégrant les conséquences de l'avenant n° 1, résultant de la qualification en modifications de programme des travaux ayant donné lieu à émission d'ordres de service ; la rémunération de l'encadrement du chantier au-delà de la durée initialement prévue a également entraîné un préjudice dont la quote-part imputable à la société requérante est de 38 355,72 euros ; le maître d'ouvrage a également supporté des surcoûts liés aux révisions de prix dont la société doit supporter une quote-part à hauteur de 45 889,47 euros ; le maître d'ouvrage a par ailleurs supporté des dépenses qui auraient dû être gérées par le compte prorata ; la société doit supporter à ce titre une somme de 19 704,11 euros ; le total des sommes qui peuvent être réclamées à la société s'élève donc à 1 475 094,59 euros ;

- les pénalités encourues par la société sont dérisoires au regard du préjudice subi ; les pénalités doivent donc être modulées à la hausse pour atteindre le montant du préjudice.

Par courrier du 18 décembre 2017, les parties ont été informées, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions reconventionnelles du Groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin dès lors qu'elles sont présentées pour la première fois en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné Mme D...A...comme juge des référés en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre du programme de construction de la nouvelle cité hospitalière de Mangot-Vulcin au Lamentin (Martinique), la société Cloisons doublages ravalement isolation (CDRI) a été chargée des lots n° 02, 6a et 02, 6b, concernant les travaux de cloisons et doublages, respectivement, de la structure médecine-chirurgie-obstétrique et de l'établissement public départemental de santé mentale. Les travaux qui, compte tenu du délai contractuel auraient dû être réceptionnés le 10 mars 2008, l'ont été le 31 mars 2011. Le décompte général adressé à l'entreprise le 19 juillet 2012, faisant apparaître un solde à la charge de celle-ci pour une somme de 707 491,58 euros HT soit 767 110,26 euros TTC, a été contesté par la société. Celle-ci, estimant que le solde du marché est en sa faveur pour un montant de 458 795,11 euros HT soit 497 792,69 euros TTC, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique d'une demande tendant à la condamnation du Groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin (GCSMV), venant aux droits du syndicat interhospitalier de Mangot-Vulcin, maître d'ouvrage, à lui verser à titre de provision cette somme de 497 792,69 euros TTC ainsi qu'une somme de 225 227,06 euros TTC représentant les dépens liés aux opérations, d'une durée de cinq ans, de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif, par plusieurs ordonnances rendues entre 2009 et 2014. La société CDRI fait appel de l'ordonnance du 7 août 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande de provision. Le GCSMV conclut au rejet de la requête et demande, à titre reconventionnel, la condamnation de la société CDRI à lui verser une provision de 1 475 094,59 euros.

Sur l'appel de la société CDRI :

2. Aucune disposition ni aucun principe n'impose au juge des référés de convoquer les parties à une instance de référé-provision à une audience avant de rendre son ordonnance. La circonstance que le juge des référés ait rendu son ordonnance dix mois après la présentation de la demande en référé de la société CDRI n'est pas davantage contraire à un texte ou principe. La société CDRI n'est donc pas fondée à soutenir que l'ordonnance contestée serait entachée d'irrégularité du fait que les parties n'ont pas été convoquées à une audience et que l'ordonnance a été rendue dix mois après la présentation de la requête.

3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle qui résulte du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.

4. S'agissant, en premier lieu, du solde du marché que la société CDRI évalue à 497 792,69 euros TTC, il repose sur les éléments retenus par l'expert dans un décompte figurant à la page 549 de son rapport. Ce décompte retient les mêmes montants que ceux retenus dans le décompte général adressé par le maître d'ouvrage à l'entreprise s'agissant du marché de base, soit 3 941 023,69 euros TTC, et des avenants, soit 271 939,96 euros TTC. En revanche, ce décompte retient divers montants, pour un total de 1 009 571,94 euros TTC, résultant d'ordres de service ou de devis, excédant largement ceux retenus dans le décompte général, estimés à 438 014,35 euros TTC. Il résulte des termes de l'expertise, dont le rapport a été rendu en l'état sans que l'expert ait totalement finalisé ses conclusions, ainsi qu'il l'indique en page 7 de son rapport, que le décompte établi par lui reprend les éléments de la réclamation que lui a soumis la société CDRI alors qu'en page 246 du rapport, il a été noté que cette réclamation n'était pas assortie de justificatifs validant les bases de calcul et qu'en pages 236 et 241 du rapport, il apparaît que le cabinet chargé de la conduite d'opération et celui chargé de l'ordonnancement, pilotage et coordination de l'opération, ont exprimé durant l'expertise leurs doutes quant au montant des ordres de services, dès lors que les pièces produites par la société ne portaient pas toutes sur les mêmes sommes sans qu'aucune explication ne soit donnée sur ces incohérences. Aussi, et en admettant même que les encaissements perçus par la société s'élèvent, comme elle le soutient, à 5 024 959,04 euros HT, soit 5 452 080,56 euros TTC, et en déduisant la somme de 140 493,60 euros HT, soit 152 413,86 euros TTC au titre du compte prorata, il ne peut être tenu pour suffisamment certain que le solde du marché soit en faveur de la société CDRI. Il résulte au surplus des pièces produites par le GCSMV, consistant en des échanges de courriels du mois de septembre 2009 entre le maître d'ouvrage et le gestionnaire de la base de données utilisée, que la décision de poursuivre n° 3 aurait, à tort, repris les montants déjà pris en compte lors des décisions de poursuivre n° 1 et 2, pour un total de 380 804,13 euros TTC.

5. Par ailleurs, en l'état de l'instruction, et notamment au vu des conclusions de l'expertise ordonnée par le premier juge, la société CDRI peut être regardée comme responsable, à raison de dix-neuf jours, du retard global pris par le chantier, ce qui pourrait justifier 65 064,09 euros de pénalités de retard. Le GCSMV relève par ailleurs que l'expert n'a pas tenu compte lors de l'établissement du décompte, des retards pris par la société CDRI dans les prestations qui lui étaient confiées et qui pourraient justifier des pénalités de 247 500,37 euros, susceptibles, le cas échéant, de modulation. Ces retards sont suffisamment établis en l'état de l'instruction, pour qu'il en résulte, au moins à hauteur du montant correspondant aux pénalités encourues au taux contractuel, une contestation sérieuse d'une éventuelle créance de la société.

6. Enfin, la société CDRI soutient qu'elle peut justifier de la somme qui lui serait due en faisant valoir que le GCSMV lui doit réparation des préjudices subis du fait des retards pris par le chantier à hauteur de 500 060,37 euros, montant repris par l'expert. Toutefois, en l'état de l'instruction, le droit à réparation invoqué par la société requérante ne peut être regardé comme suffisamment certain, du moins à hauteur de la somme avancée par la société requérante. Il résulte de l'instruction et notamment de l'analyse, en pages 233 et suivantes du rapport d'expertise, des différents chefs de préjudice invoqués par la société par la maîtrise d'oeuvre et l'organisme chargé de l'ordonnancement, du pilotage et de la coordination, que sous le titre " surcoût des arrêts et reprise des travaux ", la société demande en particulier l'indemnisation de retards liés à des dégradations et des retards d'approvisionnements qui ne sont pas imputables au maître d'ouvrage mais à d'autres intervenants sur le chantier et que ses demandes ne sont pas assorties de justificatifs notamment quant à ces surcoûts " des arrêts et reprises des travaux ", quant au surcoût lié à la présence de personnel et d'installations sur le chantier et quant au préjudice de trésorerie. Quant aux frais qui pourraient être regardés comme justifiés, ils ne pourraient donner lieu à réparation à la charge du maître d'ouvrage que partiellement, dans la mesure où les retards de chantier lui sont imputables, c'est-à-dire, en l'état de l'instruction, à hauteur de 20 % ainsi que le propose l'expert. En l'état de l'instruction, dès lors que l'expert a repris des éléments de la réclamation de la société sans avoir pu en vérifier la réalité et le montant ni analyser les contestations élevées à l'encontre de ces éléments par les autres intervenants au cours de l'expertise, il ne peut être tenu pour suffisamment certain que le montant du préjudice de la société imputable au GCSMV excède le solde du marché qui, ainsi que cela résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4, est susceptible d'être négatif.

7. Par ailleurs, en l'état de l'instruction, en l'absence de certitude suffisante sur l'existence d'un solde positif du marché en faveur de la société et d'un préjudice réparable imputable au GCSMV, une éventuelle créance de la société CDRI sur le GCSMV liée aux dépens ne peut être regardée, en tout état de cause, comme suffisamment certaine.

8. Le GCSMV qui en l'état de l'instruction, est susceptible de bénéficier de pénalités de retard, ne peut pas se prévaloir dans la présente instance, d'un préjudice lié aux retards imputables à la société CDRI dont il pourrait demander réparation à cette société et dont le montant pourrait être compensé avec une éventuelle créance de la société. Il résulte cependant de ce qui précède que la réalité même d'une créance de la société CDRI sur le GCSMV ne peut être regardée comme suffisamment certaine. L'existence de l'obligation dont fait état la société CDRI ne pouvant être regardée, même pour partie, non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal a rejeté sa demande de provision.

Sur les conclusions reconventionnelles du GCSMV tendant à la condamnation de la société CDRI à lui verser une provision :

9. Les conclusions reconventionnelles du GCSMV, présentées pour la première fois en appel, ne sont pas recevables et doivent, par suite, être rejetées.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du GCSMV la somme que demande la société CDRI au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société requérante la somme que demande le GCSMV en application de ces dispositions.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Cloisons doublages ravalement isolation est rejetée.

Article 2 : Les conclusions reconventionnelles du Groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Cloisons doublages ravalement isolation et au Groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin.

Fait à Bordeaux, le 8 janvier 2018.

Le juge des référés,

Elisabeth A...

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

7

No 17BX02740


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 17BX02740
Date de la décision : 08/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : MBOUHOU ; MBOUHOU ; AFERIAT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-01-08;17bx02740 ?
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