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14/02/2018 | FRANCE | N°17BX03113

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 14 février 2018, 17BX03113


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Chambre de Commerce et d'Industrie de la Guyane a saisi le tribunal administratif de la Guyane d'une demande de condamnation de la société Guyane Car à lui verser la somme de 90 905,68 euros, assortie d'intérêts moratoires à compter de la mise en demeure, outre capitalisation, et la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 1600872 du 3 août 2017, le président du tribunal administratif de la Guyane, statuant en qualité de

juge des référés, a condamné la société Guyane Car à verser à la CCI de la Guy...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Chambre de Commerce et d'Industrie de la Guyane a saisi le tribunal administratif de la Guyane d'une demande de condamnation de la société Guyane Car à lui verser la somme de 90 905,68 euros, assortie d'intérêts moratoires à compter de la mise en demeure, outre capitalisation, et la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 1600872 du 3 août 2017, le président du tribunal administratif de la Guyane, statuant en qualité de juge des référés, a condamné la société Guyane Car à verser à la CCI de la Guyane une somme de 89 960,99 euros à titre de provision sur les sommes dues au titre de l'occupation d'un box et 10 places de parking sur l'aéroport Félix-Eboué et une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2017, la société Guyane Car, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n°1600872 du 3 août 2017 du président du tribunal administratif de la Guyane en tant qu'elle la condamne ;

2°) de rejeter la demande de la CCI de la Guyane ;

3°) de mettre à la charge de la CCI de la Guyane une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande était irrecevable en l'absence de la tentative amiable de règlement prévue par la convention du 17 août 2012 ; le premier juge ne pouvait sans contradiction constater que les échanges entre les parties ne constituaient pas la tentative prévue par ces dispositions et refuser d'en tirer les conséquences ;

- le juge des référés n'a pas statué sur la validité de la convention, alors que le président de la CCI de la Guyane ne pouvait la signer sans délibération préalable ;

- le juge des référés a entaché son ordonnance d'une erreur de droit en considérant que la cession de créance au cabinet AGR n'avait pas d'influence sur le litige ; la CCI de la Guyane ne peut recouvrer plus que ce qui lui est dû, et n'avait au demeurant pas le droit de déléguer le recouvrement de cette créance, compétence du trésorier, à une société privée sans délibération de l'assemblée générale ;

- la CCI de la Guyane ne pouvait fixer le montant de la somme due par la société exposante au titre de 1'occupation du domaine public en faisant application de l'article 23-2 du cahier des clauses et conditions générales, inopposable faute d'avoir été signé par les deux parties ; contrairement à ce qu'a retenu l'ordonnance, elle conteste le montant de la somme due, dont le détail ne lui a pas été communiqué, et qui devait être fixée en recherchant quel aurait été le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière ;

- aucun enrichissement sans cause ne peut fonder sa condamnation en l'absence d'appauvrissement de la CCI de la Guyane, qui ne démontre aucun projet d'occupation des locaux en litige ;

- en s'abstenant de solliciter son expulsion pendant trois ans de 2013 à 2016, la CCI de la Guyane a commis une faute de nature à justifier un partage de responsabilité ; en outre, en confiant le recouvrement de la créance à une société privée, elle a aggravé les frais dus ;

- ainsi, la créance de la CCI de la Guyane est sérieusement contestable.

Par un mémoire enregistré le 24 octobre 2017, la CCI de la Guyane conclut au rejet de la requête, à titre reconventionnel à la condamnation de la société Guyane Car à lui verser 50 000 euros à titre de dommages intérêts en raison de sa résistance abusive et du préjudice d'image, ainsi que la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à supposer la convention de 2012 applicable, la société ne caractérise pas en quoi les démarches entamées pour obtenir le paiement d'indemnités d'occupation ne seraient pas amiables ;

- l'assemblée générale n'avait pas compétence, avant l'entrée en vigueur de la loi " Sapin II " et du décret du 19 avril 2017 modifiant le code général de la propriété des personnes publiques pour autoriser des contrats individuels, mais seulement pour fixer les grandes orientations ;

- au demeurant, la contestation de la validité de la convention était indifférente, dès lors que le mode de calcul de l'indemnité d'occupation sans titre serait identique dans tous les cas ;

- la référence au cahier des clauses et conditions générales pour le calcul de l'indemnité était légitime ; le juge des référés a statué conformément à la jurisprudence ;

- aucune cession de créance n'est intervenue au bénéfice du cabinet AGR, qui n'est que le mandataire du créancier pour le recouvrement ;

- aucune faute ne saurait résulter des tentatives de recouvrement amiable avant de saisir la justice.

Le président de la cour a désigné Mme A...en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Depuis le 18 août 2013, la société Guyane Car, qui exerce l'activité de loueur de véhicules, occupe sans droit ni titre un box de 5,7 m² et dix parkings sur le domaine public aéroportuaire de l'aéroport Félix Eboué, dont la Chambre de Commerce et d'Industrie de la Guyane est concessionnaire. N'ayant pas accepté les conditions financières de renouvellement de son titre d'occupation proposées par la CCI de la Guyane après l'échéance de la convention du 17 août 2012 qui les liait, la société Guyane Car s'est maintenue dans les lieux sans signer aucune convention ni payer aucune indemnité d'occupation. La Chambre de Commerce et d'Industrie de la Guyane a liquidé des redevances d'occupation à l'encontre de la société Guyane Car, qui ne s'en est pas acquittée et n'a pas donné suite à une proposition de régularisation de sa situation en novembre 2014. La Chambre de Commerce et d'Industrie de la Guyane a demandé la condamnation de la société Guyane Car à lui verser une provision de 90 905,68 euros à titre d'indemnité d'occupation. Le premier juge a fait droit à sa demande, en écartant toutefois la majoration au titre de frais de recouvrement par la société AGR et les intérêts demandés. La société Guyane Car relève appel de cette ordonnance.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Contrairement à ce que soutient la société Guyane Car, qui se borne à renouveler sa fin de non recevoir tirée d'un défaut d'habilitation du président de la Chambre de Commerce et d'Industrie (CCI) de la Guyane, l'assemblée générale de la CCI de la Guyane du 6 décembre 2016 a donné pouvoir à son président pour ester en justice. Dans ces conditions, cette fin de non recevoir doit être rejetée par adoption des motifs non critiqués du premier juge.

3. Si la société Guyane Car reproche au premier juge, qui s'est borné à relever qu'elle ne pouvait à la fois revendiquer l'application de la convention du 17 août 2012 dans ses clauses de conciliation précontentieuse et en affirmer la nullité, de ne pas avoir statué sur la validité de cette convention, il ressort des termes de cette convention qu'elle ne comportait pas de clause de tacite reconduction, si bien que sa validité avait expiré à son échéance en juin 2013. Par suite, la demande de la CCI de la Guyane étant fondée sur une occupation sans titre, la validité de la convention était sans influence sur le bien-fondé de la créance. Le moyen étant ainsi inopérant, le premier juge n'était pas tenu d'y répondre.

Sur la recevabilité de la demande :

4. La société Guyane Car ne peut utilement se prévaloir de l'article 26 de la convention du 17 août 2012 prévoyant la saisine du tribunal administratif " une fois épuisées toutes les tentatives de règlement à l'amiable ", dès lors que cette convention n'était plus en vigueur. Par suite, et alors au demeurant que la société ne conteste pas n'avoir pas donné suite à la proposition du 29 novembre 2014 d'établir un échéancier de règlement de sa dette, la demande de la CCI de la Guyane devant le tribunal était recevable.

Sur le bien-fondé de la demande de provision :

5 Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative: " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de 1'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. "

6. Une personne publique est fondée à réclamer à l'occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. A cette fin, elle doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public.

7. Il ressort des pièces du dossier que la CCI de la Guyane s'est référée, pour calculer le montant des indemnités demandées, aux clauses d'un cahier des clauses et conditions générales qui, s'il était annexé à la convention du 17 août 2012, n'en constitue pas moins le barème applicable par la CCI à l'ensemble des occupations de même nature de son domaine. La circonstance que ce cahier n'ait pas été paraphé par la société Guyane Car est sans incidence sur la possibilité d'y faire référence, d'autant qu'aucun contrat n'est en vigueur entre les parties. Le montant des sommes dues a été porté à la connaissance de la société Guyane Car par une série de factures qu'elle ne conteste pas sérieusement avoir reçues, au regard notamment de ses offres de règlement non suivies d'effets, et dont elle ne critique pas le calcul au regard des clauses qui lui sont parfaitement connues de ce cahier. Au regard des principes rappelés au point 6, la circonstance que la CCI de la Guyane n'ait pas été empêchée de louer à d'autres entreprises faute de candidats avérés ne peut être utilement invoquée, la demande de la CCI de la Guyane n'étant pas fondée sur l'enrichissement sans cause.

8. Contrairement à ce que soutient la société Guyane Car, il ne ressort pas des pièces du dossier que le mandat de recouvrement confié par la CCI de la Guyane à la société AGR puisse être qualifié de cession de créances. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que ce mandat partiel était sans influence sur le montant de la créance que la CCI de la Guyane était fondée à réclamer.

9. La société Guyane Car fait valoir également qu'en s'abstenant pendant trois ans de demander la libération des lieux, la CCI de la Guyane aurait commis une faute de nature à justifier un partage de responsabilité. Toutefois, la société Guyane Car n'ignorait pas devoir signer une convention ni devoir payer une redevance d'occupation. Dans ces conditions, elle ne peut reprocher aucune ambigüité à la CCI de la Guyane au seul motif que celle-ci a tardé à demander son expulsion du domaine, lui permettant ainsi de tenter de régulariser sa situation. Enfin, la société Guyane Car ne peut utilement faire valoir que le mandat de recouvrement a aggravé le montant des frais, dès lors que le premier juge n'a pas intégré lesdits frais dans le montant de la provision accordée.

10. Il résulte de ce qui précède que la société Guyane Car n'est pas fondée à soutenir que la créance de la CCI de la Guyane à son encontre serait sérieusement contestable, ni par suite à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée.

Sur les conclusions reconventionnelles de la CCI de la Guyane :

11. La CCI de la Guyane, qui n'a pas relevé appel incident de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle lui refuse des intérêts sur les sommes dues, demande la condamnation de la société Guyane Car à lui verser une somme de 50 000 euros en faisant valoir notamment un préjudice d'image. Cependant, il n'est nullement établi que la tolérance prolongée de l'établissement public ait été de nature à créer un tel préjudice, et si la résistance de la société Guyane Car n'est pas justifiée au regard de ce qui a été dit précédemment, cette circonstance n'est pas de nature à ouvrir à la CCI de la Guyane un droit à indemnité en sus des sommes réclamées. Par suite, ces conclusions, au demeurant présentées pour la première fois en appel, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

12. Ces dispositions font obstacle à ce que la CCI de la Guyane, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser quelque somme que ce soit à la société Guyane Car. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Guyane Car une somme de 2 000 euros à verser à la CCI de la Guyane sur le fondement de ces dispositions.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Guyane Car est rejetée.

Article 2 : La société Guyane Car versera à la CCI de la Guyane la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la CCI de la Guyane est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Guyane Car et à la Chambre de Commerce et d'Industrie de la Guyane.

Fait à Bordeaux, le 14 février 2018

Le juge d'appel des référés

Catherine A...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

N° 17BX03113


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 17BX03113
Date de la décision : 14/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SELASU PRÉVOT MURIEL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-02-14;17bx03113 ?
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