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02/03/2018 | FRANCE | N°15BX03761

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 02 mars 2018, 15BX03761


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 30 décembre 2010, la société Sodipam a demandé au tribunal administratif de la Martinique, d'une part, de condamner le département de la Martinique à lui verser la somme de 38 566 135 euros en remboursement des droits de consommation sur les tabacs qu'elle estimait avoir indûment payés depuis 2001, avec les intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2001 et la capitalisation des intérêts au 31 décembre 2010, et la somme de 14 188 185,86 euros en réparation du pr

éjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de l'imposition de ces droits et, d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 30 décembre 2010, la société Sodipam a demandé au tribunal administratif de la Martinique, d'une part, de condamner le département de la Martinique à lui verser la somme de 38 566 135 euros en remboursement des droits de consommation sur les tabacs qu'elle estimait avoir indûment payés depuis 2001, avec les intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2001 et la capitalisation des intérêts au 31 décembre 2010, et la somme de 14 188 185,86 euros en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de l'imposition de ces droits et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui rembourser la somme de 3 278 121,47 euros correspondant à l'incidence de la taxe sur la valeur ajoutée sur le remboursement des droits de consommation.

Par un jugement n° 1000901, 1100915 du 31 janvier 2013, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ces demandes comme portées devant une juridiction incompétente.

Par un arrêt n° 13BX00928 du 30 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement n°1000901, 1100915 du 31 janvier 2013 du tribunal administratif de la Martinique en ce qu'il a rejeté les conclusions de la société Sodipam tendant à la condamnation du département de la Martinique à réparer le préjudice résultant du paiement du droit de consommation sur les tabacs ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à rembourser à la société le montant de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le droit de consommation litigieux et a renvoyé au tribunal le jugement de ces conclusions.

Par un jugement n° 1400155 du 25 septembre 2015, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté les conclusions susmentionnées de la société Sodipam.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 novembre 2015 sous le n° 15BX03761, la société Sodipam, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 25 septembre 2015 ;

2°) d'abroger les délibérations du conseil général ;

3°) de condamner le département de la Martinique à lui verser une somme de 38 566 135 euros à titre de dommages-intérêts en répétition de l'indu d'un droit de consommation payé illicitement depuis 2001 ainsi qu'une somme de 3 374 138,43 euros correspondant aux intérêts au taux légal et à la capitalisation des intérêts d'une part et une somme de 14 188 185,86 euros en indemnisation de ses préjudices d'autre part ;

4°) de condamner l'Etat de lui rembourser une somme de 3 278 121,47 euros ;

5°) de condamner le département de la Martinique et l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la cour ayant estimé que le droit de consommation litigieux avait été fixé par les délibérations du conseil général de la Martinique en méconnaissance de la réglementation européenne, le tribunal administratif s'est mépris sur la portée de l'arrêt en jugeant le contraire ;

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'augmentation exorbitante du droit de consommation mise en oeuvre par le département de la Martinique en méconnaissance des dispositions nationales et communautaires ;

- la décision n° 2012-290/291 QPC du 25 janvier 2013 du Conseil constitutionnel, en consacrant la possibilité d'un traitement différencié entre la métropole et les Antilles, va à l'encontre du droit de l'Union européenne ;

- elle est fondée à rechercher la responsabilité du département de la Martinique du fait des délibérations qu'il a prises en application de l'article 268 du code des douanes, lesquelles sont incompatibles avec le droit de l'Union européenne ;

- les délibérations du conseil général de la Martinique fixant les modalités de calcul du droit de consommation ont été prises en méconnaissance de la directive n° 95/59/CE du 27 novembre 1995 qui obligeait les Etats membres à soumettre les cigarettes à une accise consistant en un élément proportionnel, ad valorem, et en un élément spécifique ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, cette directive était applicable dans les départements d'outre-mer jusqu'à l'entrée en vigueur à compter du 1er avril 2010 de la directive n° 2008/118CE du Conseil du 16 décembre 2008 ; l'exclusion des départements d'outre-mer du champ d'application de la directive n° 95/59/CE méconnaît l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'article 268 du code général des impôts méconnaît l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- dès lors qu'il a estimé que la directive n° 95/59/CE n'était pas applicable, le tribunal administratif aurait dû sanctionner l'application indirecte du droit communautaire qui résulte des délibérations adoptées par le conseil général : les délibérations appliquent, pour partie, la législation communautaire puisque le droit de consommation est assis sur le prix des cigarettes en métropole, lesquelles se voient appliquer les dispositions communautaires prévues par la directive précitée ;

- à compter de 2007, le département a imposé un prix minimum de vente pour le tabac, méconnaissant en cela la directive n° 95/59/CE en vertu de laquelle les fabricants et les importateurs de tabacs manufacturés déterminent librement leur prix de vente au détail ; ce faisant, il a méconnu le principe de libre circulation des marchandises et de libre concurrence ; par deux fois, la France a été sanctionnée par le cour de justice de l'Union européenne pour avoir instauré un prix minimum du tabac ;

- à compter de 2009, le département a fixé des taux différents pour les cigarettes homologuées et pour les cigarettes non homologuées (dont la vente est illicite en France) ; la fixation d'un taux d'imposition de 100 % pour les cigarettes homologuées et de 76 % pour les cigarettes non homologuées favorise ces dernières et entrave la libre circulation des marchandises communautaires ; cette discrimination est accentuée par le fait que le droit de consommation des cigarettes non homologuées est assis sur le prix moyen pondéré des cigarettes vendues en France continentale qui est publié une fois par an au Journal officiel : tandis que l'augmentation des prix des cigarettes en France continentale a une répercussion immédiate sur le prix des cigarettes homologuées vendues en Martinique, les cigarettes non homologuées ne sont affectées par une augmentation que plusieurs mois après ; cette différence de traitement est également contraire à l'article 8§3 de la directive 95/59/CEE qui interdisait toute taxation différenciée entre les produits homologués et non-homologués et constitue une aide fiscale illégale, prohibée par l'article 87 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le tribunal a admis à tort que l'exclusion de la Martinique du champ de la directive n° 95/59/CE constituait une mesure d'adaptation au sens de l'article 299 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; en outre, en application de l'article 299 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la mise en oeuvre de mesures dérogatoires est le monopole du Conseil de l'Europe ;

- les préjudices qu'elle subit présentent un caractère anormal et spécial ;

- le préjudice qu'elle subit est d'autant plus important que la législation néerlandaise en vigueur dans l'île de Saint Martin crée à son détriment une distorsion de concurrence entre les entreprises martiniquaises et les entreprises du même secteur de ce territoire et qu'elle est victime de contrebande contre laquelle le département n'agit pas ;

- en tout état de cause, le département est tenu de rembourser les droits illégalement perçus en application des articles 1235 et 1376 du code civil ;

- elle a subi un préjudice en raison de la privation des fonds évalué à 2 664 880,22 euros pour le réemploi des sommes et à 1 894 531,42 euros pour l'érosion monétaire ;

- aucune prescription ne peut lui être opposée ; en tout état de cause, une action en répétition de l'indu comme une demande indemnitaire se prescrivent par trente ans.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2016, le ministre des finances et des comptes publics, représenté par la SCP d'avocats Normand et associés, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Sodipam à verser à l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les sommes prétendument acquittées à tort au titre du droit de consommation avant le 1er janvier 2006 sont prescrites en application de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, le recours indemnitaire préalable ayant été formé le 30 septembre 2010 ;

- la cour n'est pas compétente pour abroger les délibérations du conseil général de la Martinique ;

- les conditions de l'engagement de la responsabilité de l'Etat ou du département de la Martinique du fait des lois, tant sur le fondement du principe de la rupture de l'égalité devant les charges publiques que sur celui de la méconnaissance des engagements internationaux et communautaires ne sont pas remplies ;

- les demandes indemnitaires au titre du droit de consommation et de la taxe sur la valeur ajoutée sont irrecevables en vertu de l'exception de recours parallèle ;

- la société n'apporte pas la preuve de l'existence et du montant des préjudices allégués.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2016, la collectivité territoriale de Martinique venant aux droits du département de la Martinique, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la requérante à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les créances invoquées et antérieures au 1er janvier 2006 sont prescrites en application de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la cour n'est pas compétente pour abroger les délibérations du conseil général de la Martinique ;

- la cour n'a nullement constaté dans son arrêt du 30 décembre 2014 le caractère illicite du droit de consommation au regard du droit communautaire ;

- le moyen tiré de l'omission à statuer sur " l'immodération des augmentations pratiquée " par le conseil général de la Martinique manque en fait, le tribunal administratif ayant répondu à ce moyen au point 4 du jugement ; en tout état de cause, la société n'a pas fondé ses prétentions sur le caractère prétendument exorbitant de l'augmentation imposée par le département ; le tribunal administratif s'est également prononcé sur l'applicabilité des principes du droit de l'Union européenne au présent litige ;

- la décision rendue le 25 janvier 2013 par le Conseil constitutionnel ne peut pas être critiquée au contentieux ;

- les directives dont se prévaut la requérante ne sont pas applicables sur le territoire de la collectivité territoriale de Martinique et l'article 268 du code des douanes pouvait légalement prévoir un régime différent de celui existant dans le reste de l'Union européenne ; cette exclusion de l'application des directives aux départements d'outre-mer ne méconnaît pas l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le moyen tiré de la prétendue non conformité de l'article 268 du code des douanes au regard des directives communautaires non applicables en Martinique ne peut qu'être écarté ;

- en fixant deux assiettes différentes selon que les tabacs sont homologués ou non en métropole, le conseil général n'a fait qu'une application régulière de l'article 268 du code des douanes :

- le moyen tiré de ce que des droits de consommation illégaux seraient appliqués sur le territoire de l'Ile de Saint-Martin et favoriseraient la fraude est inopérant ;

- la responsabilité du département de la Martinique ne peut être recherchée du fait des lois françaises ;

- le département a pu établir librement des modalités de calcul dérogatoires au droit de consommation ;

- en tout état de cause, les faits allégués par la société requérante seraient seulement susceptibles d'engager la responsabilité sans faute de l'Etat du fait de son activité législative ; à cet égard, les préjudices allégués sont dépourvus de caractère anormal et spécial ;

- les préjudices allégués ne sont pas établis ;

- la taxe sur la valeur ajoutée assise sur le droit de consommation, fondé en droit, est parfaitement régulière.

Par ordonnance du 4 novembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 4 janvier 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des douanes ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marianne Pouget,

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,

- les observations de MeA..., représentant le ministre de l'action et des comptes publics, et les observations de MeB..., représentant la collectivité territoriale de Martinique.

Une note en délibéré présentée par ministère de l'action et des comptes publics a été enregistrée le 9 février 2018.

Considérant ce qui suit :

1. La société Sodipam a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner, d'une part, le département de la Martinique à lui verser la somme de 38 566 135 euros, en remboursement des droits de consommation sur les tabacs qu'elle aurait indûment payés, et celle de 14 188 185,86 euros en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi à la suite du versement de ces droits et, d'autre part, l'Etat à lui payer la somme de 3 278 121,47 euros correspondant à l'incidence de la taxe sur la valeur ajoutée sur les droits de consommation perçus. Par un jugement n° 1000901,1100915 du 31 janvier 2013, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ces demandes comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître. Par un arrêt n° 13BX00928 du 30 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif de la Martinique en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société Sodipam tendant à la condamnation du département de la Martinique à réparer le préjudice résultant du paiement du droit de consommation et à la condamnation de l'Etat à lui rembourser le montant de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le droit de consommation litigieux et lui a renvoyé le jugement de ces conclusions. La société Sodipam relève appel du jugement n° 1400155 du 25 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ces demandes.

Sur les conclusions tendant à l'abrogation des délibérations du conseil général de la Martinique :

2. Il n'appartient pas au juge administratif de prononcer l'abrogation de délibérations d'un conseil général. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la régularité du jugement :

3. La société Sodipam soutient que le jugement attaqué n'a pas répondu au moyen tiré du caractère excessif du droit de consommation sur les tabacs commercialisés en Martinique. Ce grief n'a cependant été invoqué par la société requérante qu'à titre d'argument au soutien du moyen tiré de la méconnaissance de la directive n° 95/59/CE du 27 novembre 1995. Le jugement attaqué, qui n'avait pas à répondre à tous les arguments de la société requérante a répondu, par une motivation suffisante, à ce moyen. Par suite, le jugement n'est pas entaché de l'irrégularité invoquée.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur les conclusions à fin d'indemnisation dirigées contre le département de la Martinique:

Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée en défense :

4. En premier lieu, la société Sodipam demande la condamnation du département de la Martinique à lui verser la somme de 38 566 135 euros " à titre de dommages et intérêts en répétition de l'indu du droit de consommation " ainsi que la somme de 3 374 138,43 euros correspondant aux " intérêts au taux légal capitalisés sur ce droit de consommation ".

5. La demande de la société Sodipam tend à l'obtention d'une indemnité de montant égal à celui du droit de consommation qu'elle estime avoir supporté, en réparation du préjudice que sa charge a constitué pour elle, et par le moyen que ce préjudice est imputable à l'illégalité des délibérations adoptées par le conseil général de la Martinique en application de l'article 268 du code des douanes. Cette demande a ainsi, en réalité, le même objet qu'une demande aux fins de restitution du droit de consommation acquitté avec les intérêts moratoires y afférents et ne peut être présentée que dans les formes et les délais prévus par l'article 357 bis du code des douanes. Elle est par suite irrecevable et en outre présentée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

6. En deuxième lieu, la société requérante demande la condamnation du département de la Martinique à lui verser une somme de 2 664 880,22 euros au titre du " réemploi des sommes " en réparation du préjudice qu'elle a subi en raison de l'impossibilité de faire fructifier les sommes dont elle s'est acquittée au titre du droit de consommation et une somme de 1 894 531,42 euros au titre de l'érosion monétaire.

7. Toutefois, ces demandes indemnitaires tendent à la réparation de préjudices imputables à l'acquittement du droit de consommation lui-même dont la société soutient qu'il est infondé. Elles présentent ainsi un lien de connexité avec les conclusions mentionnées au point 5 et sont, pour le même motif, irrecevables.

8. En troisième lieu, la société Sodipam sollicite la condamnation du département de la Martinique à lui verser une somme de 9 628 774,22 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de la " déstabilisation du marché et de la contrebande " au titre de la période comprise entre 2001 et 2010.

9. Elle prétend ainsi que le département de la Martinique l'a placée dans une situation où, ne commercialisant que des produits homologués subissant un droit de consommation plus important que celui qui s'applique aux tabacs non homologués, elle a subi une distorsion de concurrence injustifiée ayant eu pour effet une baisse de ses ventes. Selon la société requérante, l'impact sur ses ventes est d'autant plus important qu'elle est victime, à l'instar des autres sociétés exerçant leur activité en Martinique, d'une recrudescence de la contrebande générée par le régime fiscal avantageux dont bénéficient les produits du tabac dans la partie néerlandaise de l'île de Saint Martin.

10. Toutefois, la société ne précise par la réalité et la consistance de ses préjudices économiques selon qu'ils résulteraient du barème des taux du droit de consommation du tabac tels qu'ils ont été fixés par le conseil général en fonction de la nature des produits, d'une part, ou, d'autre part, des effets de la contrebande du tabac préjudiciant à la vente de tous les tabacs soumis au droit de consommation. En outre, alors que la société demande réparation du préjudice financier qu'elle aurait subi entre 2001 et 2010, il résulte de l'instruction que ce n'est que par une délibération du 26 mars 2009 que le conseil général de la Martinique, usant de la faculté ouverte par les dispositions de l'article 268 du code des douanes, a fixé un taux de 100 % pour les tabacs homologués et un taux de 76 % pour les tabacs non homologués. La société n'apporte, en tout état de cause, aucun élément précis permettant d'apprécier l'impact réel de ces différences de taux sur les ventes et le jeu de la concurrence, et par suite, sur la réalité et le montant du préjudice financier qu'elle aurait subi de ce fait. En tout état de cause, la société ne saurait incriminer la responsabilité du département de la Martinique en raison de la fixation d'un tarif fiscal élevé sur les produits du tabac destiné à freiner la consommation de ces produits et répondant ainsi à un objectif légitime de protection de la santé publique.

11. Enfin, la société Sodipam n'établit pas davantage l'existence et l'étendue du préjudice économique qu'elle aurait elle-même subi du fait de l'institution d'un prix de détail des cigarettes par le département de la Martinique à compter de l'année 2007, alors que tous les opérateurs du secteur ont dû se soumettre à cette réglementation.

12. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'indemnisation dirigées par la société Sodipam contre le département de la Martinique ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions dirigées contre l'Etat tendant au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le droit de consommation :

13. Les conclusions aux fins de remboursement de la taxe dirigées contre l'Etat ne peuvent être présentées que dans les formes et les délais prévus par l'article L. 199 du livre des procédures fiscales. Elles sont par suite irrecevables.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sodipam n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la collectivité territoriale de la Martinique et de l'Etat. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Sodipam à verser la somme de 1 500 euros à cette collectivité et une somme de même montant à l'Etat sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Sodipam est rejetée.

Article 2 : La société Sodipam versera à la collectivité territoriale de la Martinique la somme de 1 500 euros et une somme de même montant à l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sodipam, à la collectivité territoriale de la Martinique et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 mars 2018.

Le rapporteur,

Marianne Pouget

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

8

N° 15BX03761


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