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12/06/2018 | FRANCE | N°16BX01228

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 12 juin 2018, 16BX01228


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Les jardins de Petrus a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2010, 2011 et 2012 d'une part et de prononcer le sursis de paiement jusqu'à l'intervention d'une décision définitive d'autre part.

Par un jugement n° 1301031 du 11 février 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête

enregistrée par télécopie le 11 avril 2016, la SAS Les jardins de Petrus, représentée par M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Les jardins de Petrus a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2010, 2011 et 2012 d'une part et de prononcer le sursis de paiement jusqu'à l'intervention d'une décision définitive d'autre part.

Par un jugement n° 1301031 du 11 février 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée par télécopie le 11 avril 2016, la SAS Les jardins de Petrus, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 11 février 2016 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a omis de répondre à son moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique ;

- le jugement est entaché de contradiction : dès lors qu'il a admis que les serres chaudes présentaient le caractère de lieux de production, il devait les exclure de l'assiette de la taxe dès lors que le rôle prépondérant des lieux doit être pris en considération (6-F-2-12 du 23 avril 2012) ;

- elle est fondée à se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80A du livre des procédures fiscales de la lettre du directeur du commerce extérieur du ministère des entreprises et du développement économique du 13 avril 1995, reprise par l'administration fiscale dans sa notice 3350 NOT SD relative à la taxe sur les surfaces commerciales, qui exclut les serres chaudes de l'assiette de la taxe exigible ; la notice jointe aux imprimés déclaratifs de la taxe ne précise pas que les surfaces des serres ne doivent pas être ouvertes au public ; la doctrine administrative ne devant pas donner lieu à interprétation, il convient d'exclure les serres chaudes sans autre condition ;

- les serres chaudes ne correspondent ni à la définition donnée au point 29 ni à celle figurant au point 30 de l'instruction 6-F-2-12 du 23 avril 2012 ; l'administration ne peut à la fois reconnaître que les serres chaudes présentent le caractère de locaux de production et de stockage et considérer qu'elles servent d'espace de vente ;

- la réponse apportée par le directeur du commerce extérieur du ministère des entreprises et du développement économique répond aux particularités des jardineries qui nécessitent des surfaces importantes d'exposition alors que la rentabilité de leur surface est faible et qui sont ainsi dans une situation comparable à celle des magasins d'ameublement, lesquels bénéficient d'un abattement de 30 % ;

- les serres sont des lieux de production et de service, les biens n'étant pas réellement vendus en l'état mais adaptés aux besoins de la clientèle ;

- l'arrêté du 17 juin 2014 a inclus les jardineries dans la liste des établissements nécessitant des surfaces de vente anormalement élevées et qui bénéficient de ce fait d'une réduction de 30% du taux de la taxe ; cette modification de la réglementation démontre une atteinte au principe de sécurité juridique et au principe d'égalité devant les charges publiques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 9 avril 2018

à 12 heures

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 modifiée instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marianne Pouget,

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Les Jardins de Pétrus qui exploite une activité de jardinerie à Brive-la-Gaillarde a fait l'objet d'une proposition de rectification du 3 octobre 2012 en ce qui concerne la taxe sur les surfaces commerciales due au titre des années 2010, 2011 et 2012. La SAS Les Jardins de Pétrus relève appel du jugement du 11 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.

Sur la compétence de la cour :

2. En vertu de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, lorsqu'une cour administrative d'appel est saisie de conclusions qu'elle estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, le dossier doit être transmis au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire.

3. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif (...) peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale (...).". Pour l'application de ces dispositions, doit être regardé comme un impôt local tout impôt dont le produit, pour l'année d'imposition en cause, est majoritairement affecté aux collectivités territoriales, à leurs groupements ou aux établissements publics qui en dépendent.

4. La taxe sur les surfaces commerciales due au titre des années d'imposition 2011 et suivantes constitue, du fait de son affectation aux communes et établissements publics de coopération intercommunale, un impôt local au sens du 4° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Il en résulte que les jugements ou ordonnances afférents aux demandes tendant à la décharge de cette taxe, rendus en premier et dernier ressort, ne peuvent faire l'objet d'un appel, mais seulement donner lieu à pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat.

5. En conséquence, les conclusions de la SAS Les jardins de Pétrus dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Limoges en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales mis à sa charge au titre des années 2011 et 2012 ressortissent à la compétence du Conseil d'Etat, auquel il y a lieu de les transmettre.

Sur les rappels de taxe sur les surfaces commerciales au titre de l'année 2010 :

Sur la régularité du jugement :

6. Il ressort de l'examen de la demande de première instance que la société requérante a expressément soulevé le moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique. Le tribunal a omis de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué qui est entaché d'irrégularité et de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions aux fins de décharge de la taxe en litige.

Sur le bien-fondé des rappels :

En ce qui concerne la prise en compte de la surface des serres chaudes dans l'assiette de la taxe :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

7. Aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse quatre cents mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. (...) La surface de vente des magasins de commerce de détail, prise en compte pour le calcul de la taxe, et celle visée à l'article L. 720-5 du code de commerce, s'entendent des espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, de ceux affectés à l'exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement, et de ceux affectés à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente. (...) ".

8. La requérante soutient qu'il convient de retrancher de la surface à retenir pour le calcul de la taxe sur les surfaces commerciales celle des serres chaudes qui, abritant des plantes nécessitant des soins particuliers et poursuivant leur croissance, présentent le caractère de lieux de production et se distinguent ainsi des surfaces de vente au détail. Il est toutefois constant que les serres sont ouvertes à la clientèle qui y circule librement pour choisir les plantes conditionnées en vue de la vente immédiate au détail. Par suite, la superficie de ces serres chaudes constitue une surface de vente devant être prise en compte pour déterminer la surface d'assujettissement de la SAS Les jardins de Pétrus à la taxe sur les surfaces commerciales au titre de l'année 2010.

9. La société requérante invoque une atteinte au principe de sécurité juridique et une rupture de l'égalité devant les charges publiques au détriment des jardineries, en se prévalant de

l'arrêté du 17 juin 2014, postérieur aux années d'imposition en litige, qui a inclus les magasins vendant à titre principal des fleurs, des plantes, des graines, des engrais, des animaux de compagnie et des aliments pour ces animaux à la liste des activités dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées et qui bénéficient d'un taux de réduction de 30 %.

10. Toutefois, la circonstance qu'une réduction de taxation applicable aux commerces de jardinerie comportant des serres ouvertes au public est entrée en vigueur postérieurement à l'année d'imposition en litige ne révèle aucune atteinte au principe de sécurité juridique, ce principe ne faisant pas obstacle à l'édiction d'une réglementation nouvelle plus favorable aux opérateurs s'appliquant aux effets futurs de situations nées sous l'empire de la réglementation antérieure.

11. Et la société ne peut pas sérieusement se prévaloir d'une rupture d'égalité devant les charges publiques, alors que tous les commerces de jardinerie comportant des serres ouvertes au public se trouvant ainsi, objectivement, dans la même situation sur ce marché, étaient soumis en 2010 aux mêmes règles de taxation que celles qu'elle conteste et qu'elle ne justifie pas non plus ni même n'allègue que ces règles auraient sérieusement préjudicié au développement de ce type de distribution avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 17 juin 2014, par rapport à des modes concurrents de commercialisation de végétaux au détail.

S'agissant de la doctrine :

12. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...). ".

13. En premier lieu, la requérante invoque les termes d'une lettre du 13 avril 1995 du directeur du commerce intérieur du ministère des entreprises et du développement économique adressée au directeur de la fédération nationale des distributeurs spécialistes jardin dont les termes sont les suivants : " Lors de notre dernière entrevue du 5 janvier 1995, nous avons eu l'occasion d'aborder les modalités de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat. Je vous précisais qu'il pouvait être envisagé d'exclure des superficies de vente soumises à la taxe d'aide, les serres chaudes installées dans les établissements de vente au détail de végétaux d'ornement. En raison de leur configuration, ces locaux sont davantage destinés à une production qu'à l'accueil du public. J'ai le plaisir de vous informer que cette disposition a été traduite dans l'instruction dont le service de recouvrement ORGANIC est destinataire. En conséquence les détaillants de végétaux d'ornement peuvent déduire de l'assiette de la taxe exigible au 1er février 1995, la superficie de serres chaudes en joignant à leur déclaration toute pièce justificative, telle que plan des lieux, copie du devis de construction ou d'entretien.".

14. Toutefois, la réponse de M.A..., relative à la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat alors affectée au Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), porte sur une taxe parafiscale. Par suite, la société requérante ne peut s'en prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

15. En second lieu, la requérante ne peut se prévaloir de la notice 3350-NOT-SD associée à la déclaration de la taxe sur les surfaces commerciales, qui ne constitue pas l'interprétation d'un texte fiscal au sens des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

16. Il résulte de ce qui précède que la demande de la SAS Les Jardins de Pétrus tendant à la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales mis à sa charge au titre de l'année 2010 est rejetée. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête de la SAS Les Jardins de Pétrus dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Limoges du 29 février 2016 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales mis à sa charge au titre des années 2011 et 2012 sont transmises au Conseil d'Etat.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Limoges en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales mis à la charge de la SAS Les jardins de Pétrus au titre de l'année 2010 est annulé.

Article 3 : La demande de la SAS Les Jardins de Pétrus tendant à la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales mis à sa charge au titre de l'année 2010 et les conclusions présentées par la société sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à la SAS Les Jardins de Pétrus et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera délivrée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2018 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 juin 2018.

Le rapporteur,

Marianne Pouget

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 16BX01228


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01228
Date de la décision : 12/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxes sur le chiffre d`affaires et taxes assimilées autres que la TVA.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Marianne POUGET M.
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : MONTAGARD et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-12;16bx01228 ?
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