La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2018 | FRANCE | N°18BX00399

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 29 juin 2018, 18BX00399


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Sogéa Martinique a saisi le tribunal administratif de la Martinique le 26 octobre 2016 d'une demande de condamnation du Syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique (SICSM) à lui verser la somme de 711 332,09 euros incluant les intérêts moratoires, au titre du règlement du marché n° 20131-32 relatif aux travaux de construction des réseaux gravitaires et de refoulement de la station d'épuration de Dizac au Diamant et la somme de 2 000 euros en application

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En cours d'insta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Sogéa Martinique a saisi le tribunal administratif de la Martinique le 26 octobre 2016 d'une demande de condamnation du Syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique (SICSM) à lui verser la somme de 711 332,09 euros incluant les intérêts moratoires, au titre du règlement du marché n° 20131-32 relatif aux travaux de construction des réseaux gravitaires et de refoulement de la station d'épuration de Dizac au Diamant et la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En cours d'instance et après dissolution du SICSM par le préfet de la Martinique, elle a sollicité au même titre la condamnation de la communauté d'agglomération Pays nord Martinique (CAPNM) et de la communauté d'agglomération Espace Sud Martinique (CAESM) à lui verser une somme portée à 767 011,43 euros compte tenu d'intérêts moratoires arrêtés au 31 décembre 2017.

Par une ordonnance n° 1600622 du 15 janvier 2018, le président du tribunal administratif de la Martinique, statuant en qualité de juge des référés, a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er février 2018, la société Sogéa Martinique SAS, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1600622 du 15 janvier 2018 du président du tribunal administratif de la Martinique ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération Espace Sud Martinique (CAESM) à lui verser la somme de 770 785,06 euros TTC à titre de provision ;

3°) de mettre à la charge de la CAESM une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le juge des référés aurait dû communiquer aux parties le motif qu'il s'apprêtait, en l'absence de défense de la CAESM, à retenir pour rejeter la demande ; il a ainsi méconnu les articles L. 522-1 et R. 611-7 du code de justice administrative ;

- ni le Syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique (SICSM) ni la CAESM qui lui a été substituée de plein droit le 1er janvier 2017, n'ont contesté le montant ou l'exigibilité des sommes dont le paiement est demandé par le groupement requérant sur le fondement contractuel, qui correspondent aux certificats de paiement n°s 8 et 10 et au montant des intérêts moratoires arrêtés au 31 janvier 2018 ; le SICSM ne pouvait utilement faire état devant le tribunal d'une absence de trésorerie pour justifier n'avoir pas honoré ses mandats.

La procédure a été régulièrement communiquée à la CAESM, qui n'a produit aucune observation.

Le président de la cour a désigné Mme B...en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique (SICSM), qui exerçait la compétence " eau et assainissement " pour le compte des communes membres de la communauté d'agglomération de l'espace sud de la Martinique (CAESM), a entrepris en 2013 la construction de la nouvelle station d'épuration de Dizac sur le territoire de la commune du Diamant. La société SOGEA Martinique SAS a été chargée de la réalisation des travaux du lot n° 3 portant sur la construction des réseaux gravitaire et de refoulement. La réception des travaux a été prononcée sans réserves le 9 février 2015. La société SOGEA Martinique a saisi le tribunal administratif de la Martinique le 26 octobre 2016 d'une demande de condamnation du SICSM, puis, après dissolution de celui-ci, de la communauté d'agglomération du nord de la Martinique et de la communauté d'agglomération de l'espace sud de la Martinique (CAESM) à lui verser une provision de 767 011,43 euros au titre des prestations réalisées pour l'exécution de ce marché, dont 167 688,31 euros au titre des intérêts moratoires arrêtés au 31 décembre 2017. Elle relève appel de l'ordonnance du 15 janvier 2018 par laquelle le président du tribunal a rejeté sa demande, et majore le montant de sa demande à la somme de 770 785,06 euros, dont 171 461,94 euros au titre des intérêts moratoires actualisés au 31 janvier 2018.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence ". Aux termes de l'article R. 541-1 du même code : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Aux termes de l'article R. 611-7 du même code : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué./ (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que le juge des référés, lorsqu'il statue en matière de provision à l'issue d'une procédure contradictoire, est tenu de communiquer le moyen d'ordre public soulevé d'office sur lequel il entend fonder sa décision.

3. Pour rejeter la demande, le juge des référés a rappelé que, par un arrêté du 2 décembre 2015 " portant substitution de la CAESM au SICSM pour les compétences exercées ", pris sur le fondement de l'article L. 5216-6 du code général des collectivités territoriales, le préfet de la Martinique, après avoir relevé l'identité de périmètre entre la CAESM et le SICSM résultant du retrait du syndicat des communes du Robert et de Trinité opéré par arrêté préfectoral du 16 novembre 2015, a constaté la substitution de plein droit de la CAESM au SICSM " dans tous ses actes et délibérations ", prononcé la dissolution du SICSM et transféré l'ensemble des biens, droits et obligations du syndicat dissous à la CAESM, avec effet au 1er janvier 2017. Il a en outre précisé que le préfet de la Martinique a de nouveau prononcé la dissolution du SICSM à compter du 31 décembre 2016, par un arrêté du 29 décembre 2016 prévoyant que, sous réserve du droit des tiers, l'actif et le passif du syndicat serait transféré " selon la clef de répartition qui sera retenue entre la CAESM et la communauté d'agglomération du nord de la Martinique sur la base des modalités comptables résultant de la clôture de l'exercice 2016 " et que " les écritures comptables définitives seront précisées par arrêté ". Il a estimé " qu'en l'absence de l'arrêté préfectoral répartissant l'actif et le passif du SICSM, la question de savoir quelle est la collectivité débitrice des créances qui résultent de contrats conclus par l'établissement initialement compétent et venus à expiration avant la transformation soulève une difficulté sérieuse relevant de la seule compétence du juge du fond et qu'il n'appartient pas au juge des référés de trancher ". Ce faisant, il n'a pas soulevé d'office un moyen d'ordre public, mais s'est borné, dans le respect de son office, à apprécier les éléments figurant au dossier au regard des deux défendeurs désignés, alors même qu'aucune défense n'avait été présentée par la CAESM ni par la communauté d'agglomération du nord de la Martinique. Par suite, son ordonnance n'est pas entachée d'irrégularité.

Sur le bien-fondé de la demande de provision :

4. En appel, la société Sogéa Martinique ne demande plus que la condamnation de la CAESM. Si cette dernière a été destinataire d'une communication de la requête sur l'application Télérecours le 8 février 2018 et est réputée en avoir effectivement pris connaissance huit jours après en application des dispositions alors applicables de l'article R.611-8-2 du code de justice administrative, elle n'a cependant produit aucune défense devant la cour, et doit par suite être regardée comme ne contestant pas l'exigibilité des sommes en cause, qui avaient fait l'objet, après vérification par le maître d'oeuvre, de trois mandats de paiement de 259 130,16 euros le 19 octobre 2015 au titre du certificat de paiement n° 8, de 265 643,46 euros le 19 octobre 2016 au titre du certificat de paiement n° 10, et de 18 433,60 euros au titre du certificat de paiement n° 11, lesquels n'ont pu être honorés par le SICSM faute de trésorerie suffisante. Par ailleurs, les intérêts moratoires sur diverses factures réglées tardivement et sur celles précitées étaient arrêtés à 59 237,14 euros le 12 décembre 2016. Le dernier calcul au 31 janvier 2018 les a arrêtés à la somme de 171 461,94 euros.

5. La CAESM ne conteste pas davantage qu'au regard de la situation des travaux en cause et de son propre périmètre, elle vient aux droits et obligations du SICSM en application de l'article L.5216-6 du code général des collectivités territoriales et de l'arrêté préfectoral précité prononçant la dissolution de ce syndicat. La circonstance que les difficultés financières que ce syndicat invoquait devant le premier juge aient résulté d'un conflit avec la communauté d'agglomération du Centre de la Martinique (CACEM), qui serait redevable envers le SICSM de sommes importantes, ne saurait être opposée à la société Sogéa.

6. Il n'est pas davantage indiqué à la cour que le préfet de la Martinique aurait pris l'arrêté de répartition des dettes prévu par l'arrêté de dissolution du SICSM du 29 décembre 2016, ni qu'une partie des dettes relatives au marché litigieux auraient été affectées à la communauté d'agglomération du nord de la Martinique. Dans ces conditions, la créance revendiquée par la société Sogéa Martinique à l'encontre de la CAESM n'apparaît pas sérieusement contestable en tant qu'elle porte sur le paiement des travaux réalisés. S'agissant des intérêts moratoires, leur calcul arrêté au 31 janvier 2018 et détaillé dans un tableau produit au dossier n'est pas davantage contesté. Par suite, il y a lieu d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Martinique et de faire droit à la demande de provision à hauteur de la somme de 714 669,16 euros correspondant aux trois situations de travaux en litige et aux intérêts moratoires, la société ne justifiant pas le surplus de sa demande pour atteindre la somme de 770 785,06 euros.

Sur les conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions.

ORDONNE :

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Martinique est annulée.

Article 2 : La CAESM versera à la société Sogéa Martinique la somme de 714 669,16 euros à titre de provision sur le règlement des sommes dues au titre du marché relatif aux travaux de construction des réseaux gravitaires et de refoulement de la station d'épuration de Dizac au Diamant.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Sogéa Martinique est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Sogéa Martinique et à la communauté d'agglomération de l'espace sud de la Martinique. Copie en sera adressée au préfet de la Martinique et à la communauté d'agglomération du pays Nord Martinique.

Fait à Bordeaux, le 29 juin 2018

Le juge d'appel des référés

Catherine B...

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

N° 18BX00399


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 18BX00399
Date de la décision : 29/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CABINET BALIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-29;18bx00399 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award