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29/06/2018 | FRANCE | N°18BX00504

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 29 juin 2018, 18BX00504


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Sogéa Martinique, en qualité de mandataire du groupement solidaire formé avec la société anonyme à responsabilité limitée Sotrag et

M. A...D..., architecte, a saisi le tribunal administratif de la Martinique d'une demande tendant à la condamnation du Syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique (SICSM) à lui verser une provision au titre du règlement du lot n° 1 du marché relatif à la création des réseaux de transfert de la nouvelle statio

n d'épuration de Pontaléry sur la commune du Robert, outre les intérêts moratoires, et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Sogéa Martinique, en qualité de mandataire du groupement solidaire formé avec la société anonyme à responsabilité limitée Sotrag et

M. A...D..., architecte, a saisi le tribunal administratif de la Martinique d'une demande tendant à la condamnation du Syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique (SICSM) à lui verser une provision au titre du règlement du lot n° 1 du marché relatif à la création des réseaux de transfert de la nouvelle station d'épuration de Pontaléry sur la commune du Robert, outre les intérêts moratoires, et la somme de 2 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative. En cours d'instance et après dissolution du SICSM par le préfet de la Martinique, elle a sollicité au même titre la condamnation de la communauté d'agglomération Pays nord Martinique (CAPNM) et de la communauté d'agglomération Espace Sud Martinique (CAESM) à lui verser une somme portée à 977 673,60 euros, dont

147 635,09 euros d'intérêts moratoires arrêtés au 31 décembre 2017.

Par une ordonnance n° 1600624 du 15 janvier 2018, le président du tribunal administratif de la Martinique, statuant en qualité de juge des référés, a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 février 2018, la SAS Sogéa Martinique, la

SARL Sotrag et l'architecte M.D..., représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1600624 du 15 janvier 2018 du président du tribunal administratif de la Martinique ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération Pays Nord Martinique à verser au groupement la somme de 982 895 euros TTC à titre de provision ;

3°) de mettre à la charge de Cap Nord Martinique une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le juge des référés aurait dû communiquer aux parties le motif qu'il s'apprêtait, en l'absence de défense des collectivités publiques concernées, à retenir pour rejeter la demande ; il a ainsi méconnu les articles L. 522-1 et R. 611-7 du code de justice administrative ;

- ni le Syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique (SICSM) ni la communauté d'agglomération Pays Nord Martinique, dénommée Cap Nord Martinique , qui lui a été substituée de plein droit le 1er janvier 2017, n'ont contesté le montant ou l'exigibilité des sommes dont le paiement est demandé par le groupement requérant sur le fondement contractuel, qui correspondent aux situations nos 3 à 6 qui ont fait l'objet de certificats de paiement du maître d'oeuvre pour des montants respectifs TTC de 447 569,50 euros, 242 097,16 euros,

123 734,72 euros et 25 354,28 euros, soit la somme globale de 830 038,51 euros à laquelle s'ajoute le montant des intérêts moratoires arrêtés au 31 janvier 2018 à 152 856,49 euros ; le SICSM ne pouvait utilement faire état devant le tribunal d'une absence de trésorerie pour justifier n'avoir pas honoré ses dettes.

La procédure a été régulièrement communiquée à la communauté d'agglomération du nord de la Martinique, qui n'a produit aucune observation.

Le président de la cour a désigné Mme C...en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique (SICSM), qui exerçait la compétence " eau et assainissement " pour le compte des communes membres de la communauté d'agglomération de l'espace sud de la Martinique (CAESM), a entrepris la création des réseaux de transfert de la nouvelle station d'épuration de Pontaléry sur la commune du Robert, et a notamment confié par un acte d'engagement du 23 mars 2015 le lot

n° 1 " transformation de la station d'épuration de Courbaril-Bourg en poste de transfert " à un groupement solidaire constitué de la SAS Sogéa Martinique, désignée mandataire, pour les travaux de génie civil, canalisations, VRD aménagements et démolition, de la SARL Sotrag pour la fourniture et la pose des équipements de pompage, automatisme, électricité, désodorisation et traitement H2S et de M.D..., architecte, pour la constitution du dossier de permis de construire. L'ensemble des travaux du marché a été suspendu à compter du 2 mars 2016 par l'ordre de service n° 11 du 23 mai 2016 dans l'attente d'un projet d'avenant. La société Sogéa Martinique a saisi le tribunal administratif de la Martinique le 26 octobre 2016 d'une demande tendant à la condamnation du SICSM, puis, après dissolution de celui-ci, de la communauté d'agglomération du nord de la Martinique et de la communauté d'agglomération de l'espace sud de la Martinique (CAESM) à lui verser une provision d'un montant, dans le dernier état de ses écritures de 977 673,60 euros au titre des prestations réalisées pour l'exécution de ce marché, dont 147 635,09 euros d'intérêts moratoires arrêtés au 31 décembre 2017. Elle relève appel de l'ordonnance du 15 janvier 2018 par laquelle le président du tribunal a rejeté sa demande, et majore le montant réclamé à la somme de 982 895 euros à titre de provision, dont 152 856,49 euros au titre des intérêts moratoires actualisés au 31 janvier 2018.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence ". Aux termes de l'article R. 541-1 du même code : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Aux termes de

l'article R. 611-7 du même code : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que le juge des référés, lorsqu'il statue en matière de provision à l'issue d'une procédure contradictoire, est tenu de communiquer le moyen d'ordre public soulevé d'office sur lequel il entend fonder sa décision.

3. Pour rejeter la demande des requérants, le juge des référés a rappelé que, par un arrêté du 2 décembre 2015 " portant substitution de la CAESM au SICSM pour les compétences exercées ", pris sur le fondement de l'article L. 5216-6 du code général des collectivités territoriales, le préfet de la Martinique, après avoir relevé l'identité de périmètre entre la CAESM et le SICSM résultant du retrait du syndicat des communes du Robert et de La Trinité opéré par arrêté préfectoral du 16 novembre 2015, a constaté la substitution de plein droit de la CAESM au SICSM " dans tous ses actes et délibérations ", prononcé la dissolution du SICSM et transféré l'ensemble des biens, droits et obligations du syndicat dissous à la CAESM, avec effet au

1er janvier 2017. Il a en outre précisé que le préfet de la Martinique a de nouveau prononcé la dissolution du SICSM à compter du 31 décembre 2016, par un arrêté du 29 décembre 2016 prévoyant que, sous réserve du droit des tiers, l'actif et le passif du syndicat serait transféré " selon la clef de répartition qui sera retenue entre la CAESM et la communauté d'agglomération du nord de la Martinique sur la base des modalités comptables résultant de la clôture de l'exercice 2016 " et que " les écritures comptables définitives seront précisées par arrêté ". Il a estimé " qu'en l'absence de l'arrêté préfectoral répartissant l'actif et le passif du SICSM, la question de savoir quelle est la collectivité débitrice des créances qui résultent de contrats conclus par l'établissement initialement compétent et venus à expiration avant la transformation soulève une difficulté sérieuse relevant de la seule compétence du juge du fond et qu'il n'appartient pas au juge des référés de trancher ". Ce faisant, il n'a pas soulevé d'office un moyen d'ordre public, mais s'est borné, dans le respect de son office, à apprécier les éléments figurant au dossier au regard des deux défendeurs désignés, alors même qu'aucune défense n'avait été présentée par la CAESM ni par la communauté d'agglomération du nord de la Martinique. Par suite, son ordonnance n'est pas entachée d'irrégularité.

Sur le bien-fondé de la demande de provision :

4. En appel, les requérants ne demandent plus que la condamnation de la communauté d'agglomération du nord de la Martinique (Cap Nord Martinique). Si cette dernière a été destinataire d'une communication de la requête avec invitation à s'inscrire dans l'application Télérecours dont elle a accusé réception le 19 février 2018, elle n'a cependant pas donné suite ni produit aucune défense devant la cour, et doit par suite être regardée comme ne contestant pas l'exigibilité des sommes en cause, qui avaient fait l'objet, après vérification par le maître d'oeuvre, de mandats de paiement du SICSM émis d'une part le 21 juillet 2016 d'un montant de 438 069,50 euros correspondant à la situation n° 3 et de 242 097,16 euros correspondant à la situation n° 4 et d'autre part le 2 juin 2016 d'un montant de 123 734,72 euros correspondant à la situation n° 5 et de 25 354,28 euros correspondant à la situation n° 6, soit un total de 829 255,66 euros. Par ailleurs, les intérêts moratoires sur les factures précitées, qui avaient fait l'objet d'un mandat de paiement émis le 12 décembre 2016 d'un montant de 67 924,26 euros, qui n'avait pu davantage que les précédents être honoré par le SICSM faute de trésorerie suffisante, ont été arrêtés à la somme de 152 856,49 euros à la date du 31 janvier 2018.

5. La communauté d'agglomération du pays Nord Martinique, qui a pris la compétence eau et assainissement par délibération du 16 février 2015 et est venue de plein droit, en application des articles L.1321-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, aux droits et obligations du Syndicat des communes du Nord de la Martinique dissous par arrêté préfectoral du 29 décembre 2016, ne conteste pas davantage qu'au regard de la situation des travaux en cause dans la commune du Robert, qui l'a rejointe, et de l'avenant au marché lui transférant la maîtrise d'ouvrage en date du 10 février 2017, elle vient aux droits et obligations du SICSM pour le marché en cause. Il n'est pas davantage indiqué à la cour que le préfet de la Martinique aurait pris l'arrêté de répartition des dettes prévu par l'arrêté de dissolution du SICSM du 29 décembre 2016, ni qu'une partie des dettes relatives au marché litigieux auraient été affectées à la CAESM.

6. La circonstance que les difficultés financières que le SICSM invoquait devant le premier juge aient résulté d'un conflit avec la communauté d'agglomération du Centre de la Martinique (CACEM), qui serait redevable envers le SICSM de sommes importantes, ne saurait être opposée aux sociétés Sogéa et Sotrag ainsi qu'à M.D....

7. Dans ces conditions, la créance revendiquée par les requérants à l'encontre de la communauté d'agglomération du nord de la Martinique n'apparaît pas sérieusement contestable en tant qu'elle porte sur le paiement des travaux réalisés pour un montant de 829 255,66 euros résultant des mandats précités, la société Sogéa ne justifiant pas la somme de 830 038,51 euros qu'elle demande à ce titre. S'agissant des intérêts moratoires, leur calcul arrêté à 152 856,49 euros au 31 janvier 2018 sur la base des chiffres précités, et détaillé dans un tableau produit au dossier incluant en outre des retards sur des sommes effectivement encaissées, n'est pas davantage contesté. Par suite, il y a lieu d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Martinique et de faire droit à la demande de provision à hauteur de la somme de 982 112,15 euros.

Sur les conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions.

ORDONNE :

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Martinique est annulée.

Article 2 : La communauté d'agglomération du pays Nord Martinique versera au groupement constitué de la société Sogéa Martinique, de la société Sotrag et de M. D...la somme de

982 112,15 euros à titre de provision sur le règlement des sommes dues au titre du lot n° 1 du marché relatif à la création des réseaux de transfert de la nouvelle station d'épuration de Pontaléry sur la commune du Robert.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société par actions simplifiée Sogéa Martinique, à la société anonyme à responsabilité limitée Sotrag, à M. A...D...et à la communauté d'agglomération du pays Nord Martinique. Copie en sera adressée au préfet de la Martinique et à la communauté d'agglomération de l'espace sud Martinique.

Fait à Bordeaux, le 29 juin 2018.

Le juge d'appel des référés

Catherine C...

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

5

N° 18BX00504


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 18BX00504
Date de la décision : 29/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : CABINET BALIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-29;18bx00504 ?
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