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05/07/2018 | FRANCE | N°16BX01541

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 05 juillet 2018, 16BX01541


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1500375 du 10 mars 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mai 2016, M. A... B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 mars 2016 du tribunal administrati

f de Pau ;

2°) de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1500375 du 10 mars 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mai 2016, M. A... B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 mars 2016 du tribunal administratif de Pau ;

2°) de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012.

Il soutient que :

- l'indemnité qu'il a reçue aux mois de novembre 2011 et janvier 2012 doit être considérée comme la conséquence de la fermeture de l'entreprise et du licenciement pour motif économique de l'ensemble des salariés et comme ayant le caractère de dommages-intérêts exonérés sur le fondement des dispositions de l'article 80 duodecies du code général des impôts, et doit être exclue de la base de calcul de sa rémunération imposable ;

- son objet est de réparer le préjudice subi par la démission du mandat de représentant du personnel qui constituait la condition nécessaire du licenciement pour motif économique et de la possibilité de percevoir les indemnités prévues dans le plan de sauvegarde de l'emploi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 29 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 21 novembre 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code du travail ;

- la décision n° 2013-340 QPC du 20 septembre 2013 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... E...,

- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., salarié de la société Acetex Chimie, exerçait des fonctions de représentant du personnel au sein du comité d'entreprise de l'établissement de Pardies (Pyrénées-Atlantiques) de cette société. Il a perçu une somme de 54 000 euros en exécution d'un protocole d'accord encadrant la fin des mandats des représentants du personnel conclu le 24 octobre 2011 entre la société précitée et deux organisations syndicales. M. B... a sollicité la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 2011 et 2012 au motif que cette somme de 54 000 euros devait être exonérée de l'impôt sur le revenu sur le fondement de l'article 80 duodecies du code général des impôts. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Pau qui a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes. /Ne constituent pas une rémunération imposable : /1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-2, L. 1235-3 et L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail ; /2° Les indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail ".

3. Pour l'application et l'interprétation d'une disposition législative, aussi bien les autorités administratives que le juge sont liés par les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel, statuant sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, assortit la déclaration de conformité à la Constitution de cette disposition.

4. Il résulte de la réserve d'interprétation dont la décision n° 2013-340 QPC du 20 septembre 2013 du Conseil constitutionnel a assorti la déclaration de conformité à la Constitution du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts que ces dispositions, qui définissent les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail bénéficiant, en raison de leur nature, d'une exonération totale ou partielle d'impôt sur le revenu, ne sauraient, sans instituer une différence de traitement sans rapport avec l'objet de la loi, conduire à ce que le bénéfice de l'exonération varie selon que l'indemnité a été allouée en vertu d'un jugement, d'une sentence arbitrale ou d'une transaction et qu'en particulier, en cas de transaction, il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt, de rechercher la qualification à donner aux sommes objet de la transaction.

5. Il résulte de l'instruction que la société Acetex Chimie qui a décidé, en 2009, de cesser son activité de production d'acide acétique en France et de fermer son établissement de Pardies, a mis en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi. L'ensemble des postes de travail de cet établissement étant supprimés, la société a sollicité des services de l'inspection du travail l'autorisation de licencier les salariés protégés concernés, au nombre desquels figurait M. B..., représentant du syndicat CFDT au sein du comité d'entreprise. Par décisions du 21 octobre 2009 et du 16 février 2010, l'inspection du travail des Pyrénées-Atlantiques a refusé le licenciement des représentants du personnel et ce refus a été confirmé par le ministre chargé du travail. La société a saisi, le 7 octobre 2010, le tribunal administratif de Pau afin d'obtenir l'annulation de ces décisions. Elle a également demandé, le 12 août 2011, aux services de la DIRECCTE des Pyrénées-Atlantiques l'autorisation de supprimer le comité d'entreprise et les mandats de délégués syndicaux, ses effectifs ayant été réduits durablement en dessous du seuil de cinquante salariés. Dans ce contexte, à la suite d'une médiation sollicitée par les représentants de la CFDT auprès du directeur de l'unité territoriale des Pyrénées-Atlantiques de la DIRECCTE, et acceptée par la société et l'autre organisation syndicale concernée, un protocole d'accord a été conclu le 24 octobre 2011, par lequel les salariés protégés concernés se sont engagés à démissionner de l'ensemble de leurs mandats et ont consenti à la disparition des instances représentatives du personnel, tandis que la société Acetex s'engageait à verser à chacun desdits salariés une somme de 54 000 euros. Un accord a également été conclu entre la société et les salariés protégés concernés dont M. B... le 26 octobre 2011, afin notamment de fixer les modalités de versement de la somme de 54 000 euros précitée.

6. M. B... fait valoir que l'indemnité transactionnelle dont il a bénéficié doit être exonérée de l'impôt sur le revenu dès lors que son versement a eu lieu à l'occasion du plan de sauvegarde de l'emploi mis en place par la société Acetex Chimie. Il résulte de l'instruction et notamment du protocole d'accord du 24 octobre 2011 dont l'accord individuel du 26 octobre 2011 est issu, que les salariés protégés concernés se sont engagés à démissionner de l'ensemble de leurs mandats, acceptant ainsi de perdre leur statut de salarié protégé. L'article 2 du protocole prévoit qu'après la période de fin de protection légale découlant de la démission des mandats, les représentants du personnel feront l'objet d'un licenciement pour motif économique dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi. Il est précisé à l'article 3 que cette indemnité ne se substitue pas aux indemnités conventionnelles de licenciement et aux indemnités transactionnelles de " préjudice subi " telles que prévues aux articles 5-1 et suivant du plan de sauvegarde de l'emploi et n'entre pas dans l'assiette de calcul de ces indemnités. Cette indemnité transactionnelle est applicable à l'ensemble des salariés placés dans une situation analogue à la sienne et est liée à leur démission de leurs mandats de délégué du personnel et à la perte de leur statut de salarié protégé, ce qui a permis à la société de procéder à leurs licenciements avec les autres salariés dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi. Ainsi, dès lors que le principe du versement de cette indemnité transactionnelle est prévu à l'occasion du plan de sauvegarde de l'emploi mis en oeuvre par la société Acetex Chimie, et alors même qu'elle est fixée pour les seuls salariés protégés pour permettre l'application du plan de sauvegarde de l'emploi aux salariés concernés et qu'elle ait été soumise aux contributions sociales, et aux cotisations salariales, cette indemnité doit être regardée comme équivalant à une indemnité de licenciement accordée dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Par suite, c'est à tort que l'administration fiscale a rejeté la demande présentée par M. B... tendant au bénéfice de l'exonération applicable aux indemnités versées en application des dispositions du 2° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts précité.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande en réduction des impositions contestées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500375 du 10 mars 2016 du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 2 : Le montant des revenus retenus pour l'établissement des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels M. B... a été assujetti au titre des années 2011 et 2012 est réduit de 54 000 euros.

Article 3 : M. B... est déchargé des droits et pénalités correspondant à la réduction de la base d'imposition prononcée à l'article 2.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. A... Bentolila, président-assesseur,

Mme C... E..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 juillet 2018.

Le rapporteur,

Florence E...Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX01541


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16BX01541
Date de la décision : 05/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-07 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Traitements, salaires et rentes viagères.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SCP ETCHEVERRY-ETCHEGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-07-05;16bx01541 ?
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