La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/10/2018 | FRANCE | N°16BX02215

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 12 octobre 2018, 16BX02215


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Nouziers a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner la société Bois et scieries du centre à lui verser la somme de 112 309,18 euros au titre de la contribution spéciale prévue par l'article L. 141-9 du code de la voirie routière ainsi qu'une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n°1300928 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mé

moire, enregistrés respectivement le 07 juillet 2016 et le 21 février 2017, la commune de Nouz...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Nouziers a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner la société Bois et scieries du centre à lui verser la somme de 112 309,18 euros au titre de la contribution spéciale prévue par l'article L. 141-9 du code de la voirie routière ainsi qu'une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n°1300928 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 07 juillet 2016 et le 21 février 2017, la commune de Nouziers, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 19 mai 2016 ;

2°) de condamner, en application de l'article L. 141-9 du code de la voierie routière, la société Bois et scierie du Centre au paiement de la somme de 112 309,18 euros au titre de la contribution spéciale due à raison de la détérioration d'un chemin communal, indexée sur l'indice du coût de la construction pour être révisée entre le 17 avril 2009 et l'arrêt à intervenir ;

3°) de condamner la société Bois et scierie du Centre à lui verser 10 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

4°) de mettre à la charge de la société Bois et scierie du Centre les entiers dépens ainsi que la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est compétente dès lors que les voies dégradées par la société Bois et scieries du Centre relèvent du domaine public : le chemin de Saint-Joseph a été classé dans la voirie communale par délibération du 17 septembre 1999 et il s'agit d'un chemin rural en tant qu'il est affecté à l'usage direct du public au sens de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime ; le chemin du bois de Fonteny est un chemin rural tel que défini par les articles L. 161-1 et suivants de ce code ;

- sa requête de première instance était recevable dès lors que l'article L. 141-9 du code de la voirie routière ne prévoit aucun délai mais impose seulement aux communes de rechercher un accord amiable avec les entrepreneurs auxquels elles entendent imposer une contribution spéciale ; c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la réunion du 2 septembre 2008, intervenue entre les parties aux fins de conciliation, devait s'analyser comme une tentative d'accord amiable au sens de l'article L. 141-9 du code de la voirie routière en se fondant sur un courrier du 8 septembre 2008 par lequel la société a manifesté son refus de supporter le coût des réparations alors que lors de ladite réunion, il a été acté par les parties qu'un expert serait nommé conjointement afin de chiffrer les dégâts ; les pourparlers ont ainsi repris avec la société Bois et scieries du Centre le 18 juillet 2012 et la société s'était engagée à donner sa réponse le 15 septembre 2012 ; en l'absence de réponse de sa part, l'échec des pourparlers est donc intervenu à cette date de sorte que sa requête de première instance pouvait ainsi être enregistrée jusqu'à la fin de l'année 2013 ;

- elle est fondée à demander l'application de l'article L. 141-9 du code de la voirie routière dès lors que la voirie communale a été fortement dégradée par le passage des véhicules de la société Bois et scieries du Centre chargés du transport du bois, ce qui a nécessité des travaux qui ont été réalisés par le syndicat intercommunal d'équipement rural en juin 2008 ; si l'expert mandaté par le président du tribunal de grande instance de Guéret a estimé que la contribution n'était pas due par la société Bois et scieries du Centre, c'est aux termes d'explications contraires aux éléments du dossier et empreintes de suspicion vis-à-vis des autorités municipales ; en outre, l'expert a ignoré les éléments qu'elle a produits et va jusqu'à considérer qu'elle devrait supporter les dégradations de sa voierie dès lors qu'elle a profité de la vente des grumes alors qu'elle n'est pas propriétaire du massif forestier dont les bois sont issus ; enfin il ressort de l'état des lieux établi le 15 novembre 2006 que les voies étaient en bon état avant les transports en cause et que c'est sans prendre les précautions nécessaires, ni solliciter d'autorisation d'exploiter une permission de voirie, que la société Bois et scieries du Centre a fait circuler ses lourds engins ;

- elle a subi un préjudice distinct de la dégradation des voies, du fait de l'attitude déloyale de la société Bois et scieries du Centre et de ce qu'elle a dû prendre des mesures conservatoires afin d'assurer la sécurité des usagers de la voirie.

Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement le 18 novembre 2016 et le 07 avril 2017, la société Bois et scieries du Centre, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la commune de Nouziers la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la juridiction administrative est incompétente pour connaître de la demande de la commune de Nouziers dès lors que cette dernière n'est pas propriétaire des voies concernées qui sont des chemins d'exploitation ; à supposer que seule la partie bitumée de 900 mètres environ appartiendrait à la commune, il s'agirait toutefois d'un chemin rural et non d'une voie communale en l'absence de classement ;

- la requête de la commune est tardive : le tribunal administratif aurait dû être saisi, au plus tard, le 31 décembre 2009 dès lors que l'échec des pourparlers est intervenu le 8 septembre 2008, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif ;

- la commune n'est pas propriétaire des voies concernées et, à supposer qu'elle le soit, il résulte du rapport d'expertise que les dégradations ne sont pas de son fait dès lors que ses engins n'étaient pas les seuls à emprunter les voies en cause.

Par ordonnance du 06 mars 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 10 avril 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Philippe Pouzoulet,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- les observations de MeB..., représentant la commune de Nouziers.

Considérant ce qui suit :

1. Entre 2007 et 2008, la société Bois et scieries du Centre a effectué des transports de grumes qu'elle avait acquises auprès du groupement forestier de Fonteny, propriétaire d'un massif forestier situé sur le territoire de la commune de Nouziers. Cette dernière, estimant que les transports effectués par la société Bois et scieries du Centre étaient à l'origine de dégradation de la voierie, a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner la société Bois et scieries du Centre à lui verser la somme de 112 309,18 euros au titre de la contribution spéciale prévue par l'article L. 141-9 du code de la voirie routière ainsi qu'une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis. La commune de Nouziers relève appel du jugement du 19 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 141-9 du code de la voirie routière :

2. Aux termes de l'article L. 141-9 du code de la voirie routière : " Toutes les fois qu'une voie communale entretenue à l'état de viabilité est habituellement ou temporairement soit empruntée par des véhicules dont la circulation entraîne des détériorations anormales, soit dégradée par des exploitations de mines, de carrières, de forêts ou de toute autre entreprise, il peut être imposé aux entrepreneurs ou propriétaires des contributions spéciales, dont la quotité est proportionnée à la dégradation causée. / Ces contributions peuvent être acquittées en argent ou en prestation en nature et faire l'objet d'un abonnement. / A défaut d'accord amiable, elles sont fixées annuellement sur la demande des communes par les tribunaux administratifs, après expertise, et recouvrées comme en matière d'impôts directs ". L'article L. 161-8 du code rural et de la pêche maritime dispose que : " Des contributions spéciales peuvent, dans les conditions prévues pour les voies communales par l'article L. 141-9 du code de la voirie routière, être imposées par la commune ou l'association syndicale mentionnée à l'article L. 161-11 aux propriétaires ou entrepreneurs responsables des dégradations apportées aux chemins ruraux ".

3. Il résulte des dispositions précitées que les communes qui entendent imposer aux entrepreneurs ou propriétaires des contributions spéciales sont tenues de rechercher au préalable un accord amiable avec les intéressés. Cette prescription devant être conciliée avec le principe du règlement annuel de ces contributions, posé par les mêmes dispositions, les demandes de règlement pour lesquelles l'administration justifie qu'elle a engagé, avant l'expiration de l'année suivant celle où se sont produites les dégradations en cause, des pourparlers en vue d'aboutir à un accord amiable avec l'entrepreneur ou le propriétaire, ne sont recevables devant les tribunaux administratifs que si elles ont été présentées avant l'expiration de l'année civile suivant celle à partir de laquelle la tentative d'accord amiable doit être regardée comme ayant définitivement échoué.

4. Il suit de là que, ainsi que l'a déjà dit le tribunal, la société Bois et scieries du centre n'est pas fondée à contester la compétence du juge administratif pour statuer sur l'action de la commune tendant à l'application de l'article L. 141-9 du code de la voirie routière.

5. Il est constant que les transports litigieux de bois réalisés par la société Bois et scieries du Centre ont définitivement cessé au mois de mars 2008. La commune de Nouziers devait, dès lors, engager des pourparlers en vue de parvenir à un accord amiable avec la société défenderesse avant le 31 décembre 2009 puis saisir le tribunal administratif avant la fin de l'année civile suivant celle au cours de laquelle la tentative d'accord amiable a définitivement échoué.

6. Il résulte de l'instruction que la commune de Nouziers a organisé une réunion le 2 septembre 2008 afin d'obtenir la réparation des dégradations qu'elle impute à la société Bois et scieries du Centre. Cette dernière a ensuite informé la commune de son refus de supporter le coût de ces réparations par un courrier du 8 septembre 2008, notifié le 10 septembre suivant. Ce courrier doit être regardé, non seulement comme un rejet du devis de réfection de la voirie établi le 27 juin 2008 à la demande de la commune, mais également comme l'acte concrétisant l'échec de la procédure de règlement amiable. Aussi bien, la commune n'établit ni même n'allègue que des pourparlers se seraient tenus postérieurement à la réception dudit courrier et avant le 27 janvier 2009, date à laquelle le juge des référés du tribunal de grande instance de Guéret, alors saisi par l'appelante, a ordonné une expertise. Enfin, la commune, qui n'établit pas non plus, ni même n'allègue avoir eu des échanges avec la société Bois et scieries du Centre postérieurement au dépôt du rapport d'expertise intervenu le 28 août 2009, ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de ce que les pourparlers auraient repris trois ans après cette date, le 18 juillet 2012, en produisant un relevé de conclusions qui, au demeurant, ne permet pas de déterminer avec précision l'origine des dommages dont il a alors été question.

7. Dans ces conditions, ainsi que l'a jugé le tribunal, la tentative d'accord amiable doit être regardée comme ayant définitivement échoué le 10 septembre 2008, date à laquelle la commune de Nouziers a été informée du refus de la société Bois et scieries du Centre de supporter le coût des réparations litigieuses. Le tribunal administratif devait ainsi être saisi, au plus tard, le 31 décembre 2009. La requête de la commune de Nouziers, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Limoges le 15 juin 2013, est donc tardive.

Sur les conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité de la société Bois et scieries du Centre :

8. Les conclusions de la commune de Nouziers tendant à ce que la société Bois et scierie du Centre soit condamnée à lui verser 10 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des dégradations litigieuses sont irrecevables dès lors que la collectivité territoriale peut émettre elle-même, si elle s'y croit fondée, un titre exécutoire en vue de la perception de cette indemnité.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Nouziers n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Bois et scieries du Centre, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Nouziers demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Nouziers une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Bois et scieries du Centre et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Nouziers est rejetée.

Article 2 : La commune versera à la société Bois et scieries du Centre une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Nouziers et à la société Bois et scieries du Centre.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

M. Romain Roussel, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 octobre 2018

Le président-assesseur,

Marianne Pouget

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la Creuse, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°16BX02215


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02215
Date de la décision : 12/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Différentes catégories d'actes - Actes administratifs - classification - Actes individuels ou collectifs - Actes créateurs de droits.

Collectivités territoriales - Commune - Finances communales - Recettes - Subventions.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Philippe POUZOULET
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : CABINET HENRY - CHARTIER-PREVOST - PLAS - GUILLOUT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-12;16bx02215 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award