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12/10/2018 | FRANCE | N°18BX02555

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 12 octobre 2018, 18BX02555


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Vinci construction grands projets, société par action simplifiée, agissant en qualité de mandataire du groupement d'entreprises également composé de la société Bouygues travaux publics, de la société Dodin Campenon Bernard et de la société Demathieu et Bard construction, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion de prescrire une expertise relative aux quantités de terrassements en mer nécessaires pour la réalisation des travaux du viaduc de la nouvelle ro

ute du littoral à La Réunion, aux conditions de mise en dépôt régulière des matériau...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Vinci construction grands projets, société par action simplifiée, agissant en qualité de mandataire du groupement d'entreprises également composé de la société Bouygues travaux publics, de la société Dodin Campenon Bernard et de la société Demathieu et Bard construction, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion de prescrire une expertise relative aux quantités de terrassements en mer nécessaires pour la réalisation des travaux du viaduc de la nouvelle route du littoral à La Réunion, aux conditions de mise en dépôt régulière des matériaux, à l'impact de l'augmentation des terrassements en mer sur le respect des règles de l'art et au bouleversement des conditions d'exécution du contrat qui en résulte.

Par une ordonnance n° 1701064 du 12 juin 2018, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a admis l'intervention de la société Egis villes et transports et a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juin 2018 et des mémoires enregistrés les 9 août 2018 et 11 octobre 2018, la société Vinci construction grands projets, représentée par Me B...et MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 12 juin 2018 du juge des référés du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance tendant à la désignation d'un expert.

Elle soutient que :

S'agissant de la nullité de l'ordonnance :

- le juge des référés du tribunal a méconnu l'article L. 5 du code de justice administrative ; en effet deux mémoires en défense de la région et un mémoire en intervention volontaire ne lui ont pas été communiqués alors qu'ils ont été enregistrés plus de trois mois avant que le juge des référés ne rende sa décision ; tout porte à croire que le tribunal s'est fondé sur les éléments contenus dans ses mémoires pour rendre son ordonnance ; son dernier mémoire en réplique, qui n'est pas visé dans l'ordonnance, n'a pas été pris en compte ;

- le juge des référés du tribunal a commis une erreur de droit en fondant sa décision sur l'absence d'un différend entre les parties dès lors qu'une expertise ne suppose que la perspective d'un litige ;

- l'article 1.2.1 du fascicule E3 du cahier des clauses techniques particulières sur lequel s'est fondé le juge des référés du tribunal est contraire à l'article 2.1 du cahier des clauses administratives particulières qui prévaut et qui intègre l'arrêté préfectoral du 25 octobre 2013 autorisant les travaux au titre de la loi sur l'eau ; l'article 8.4.11 du cahier des clauses administratives particulières confirme que l'entrepreneur doit respecter cet arrêté ; en estimant qu'il n'existait pas de litige sur ce point, le juge des référés du tribunal a fait une fausse application des stipulations contractuelles concernant la destination définitive des sédiments excédentaires alors que son dernier mémoire explicitait ce point ; le juge des référés du tribunal ne pouvait pas rendre sa décision en ignorant le moyen tiré du cahier des clauses administratives particulières et de l'arrêté préfectoral ;

- le juge des référés a également commis une erreur de fait ; en effet, il existe bien un différend dès lors que le maître d'ouvrage a décidé la mise en dépôt provisoire des sédiments excédentaires en mer et que le maître d'oeuvre refuse de notifier sa décision sur cette question ; le groupement s'est trouvé empêché par le maître d'oeuvre d'appliquer la seule solution de traitement définitif des sédiments excédentaires compatible avec le respect des stipulations contractuelles et des dispositions règlementaires applicables ; une solution pour la destination de ces sédiments autre que celle prévue constitue un changement notable du dossier de demande d'autorisation ; il appartient donc à la région et non au groupement d'entreprises d'adresser au préfet un " porter à connaissance " en application de l'article R. 241-18 du code de l'environnement ; ce défaut d'initiative crée une situation de blocage ;

S'agissant du bien-fondé de l'ordonnance :

- le groupement a établi son offre de prix à partir des plans et études de conception et des éléments du dossier de consultation des entreprises ; or, les sols d'implantation des appuis des piles présentés comme homogènes se sont révélés très hétérogènes et différents d'une emprise d'appui à une autre ; les études géotechniques que le groupement a dû faire réaliser ont entraîné une augmentation considérable par rapport aux prévisions du marché, supérieure à l'augmentation limite de 25 % définie à l'article 15.3 du cahier des clauses administratives générales pour les marchés à prix unitaires ;

- la mesure d'expertise est utile pour déterminer la cause et le montant de la valorisation des changements intervenus dans les conditions de déroulement de la construction des 48 piles du viaduc ; aucun des quatre chefs de mission demandés ne porte sur une appréciation ou une qualification juridique des conditions d'exécution du marché ; il s'agit d'apprécier l'évolution des quantités de terrassement en mer par rapport aux quantités initialement prévues, d'apprécier les conditions de mise en dépôt régulière et la finalité des matériaux excédentaires, d'apprécier l'impact de l'augmentation des quantités de sédiments sur les quantités nécessaires à la réalisation dans les règles de l'art des structures en béton des appuis des piles du viaduc et d'apprécier l'impact des augmentations de quantités sur les conditions d'exécution du marché ;

- le groupement a fait réaliser une expertise en géotechnique confirmant que les données du dossier de consultation des entreprises n'étaient pas suffisantes ; si la région et la maîtrise d'oeuvre rejoignent ces conclusions, les conséquences en termes de droit à indemnisation du préjudice subi seront aisées à mesurer ; dans le cas contraire, cela confirmera l'utilité d'une expertise judiciaire ;

- la mission de l'expert consistera à constater les quantités de terrassement en mer des bétons et des armatures métalliques des appuis des piles et des culées du viaduc, à donner son avis sur l'évolution de ces quantités par rapport à celles prévues au marché, à donner son avis sur la cause et l'imputabilité de ces augmentations de quantités, à donner son avis sur les conséquences de ces augmentations en terme de délais et de coûts de construction du viaduc, à apporter tous éléments utiles à l'appréciation des responsabilités encourues et des préjudices subis, à faire toutes autres constatations nécessaires et, si possible, de tenter de concilier les parties.

Par un mémoire enregistré le 20 juillet 2018, la région La Réunion, représentée par la SCP Monod-Colin-Stoclet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge du groupement requérant le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les mémoires qui n'ont pas été communiqués au groupement n'apportaient aucun élément nouveau déterminant au débat ; l'article L. 5 du code de justice administrative n'a pas été méconnu ; son dernier mémoire a été communiqué par ses soins à la société Vinci qui a cru devoir déposer un nouveau mémoire le 23 mars 2018 ; ces derniers échanges se bornaient à reprendre l'argumentation précédemment échangée ;

- le débat dont fait état le groupement en ce qui concerne la destination des sédiments excédentaires est purement juridique, de sorte que le juge des référés du tribunal a jugé à bon droit qu'il n'existait aucun litige entre les parties pouvant relever d'une expertise ;

- l'évolution des quantités de terrassements en mer est établie par le titulaire du marché contradictoirement avec le maître d'oeuvre ; elle peut être constatée par les intervenants au marché sans qu'un expert soit nécessaire ; le groupement ne peut demander que l'expert donne son avis sur les conditions de mise en dépôt régulière et la finalité des matériaux excédentaires sans qu'il en résulte une mission portant sur une question juridique ; le titulaire du marché ayant refusé de donner des éléments de calcul, le maître d'oeuvre a établi un prix nouveau notifié au mandataire pour le réemploi autour des piles ; il appartient au groupement, s'il s'y croit fondé, de former un recours contre ces prix provisoires ; face à l'impossibilité juridique de claper au large, aucun prix nouveau n'a été établi pour cette prestation non réalisée à ce jour ; il en va de même pour les autres solutions techniques évoquées par le groupement sans propositions adaptées pour leur mise en oeuvre ; le groupement cherche à faire trancher par un expert l'étendue de ses obligations contractuelles ; il n'appartient pas davantage à un expert de se prononcer sur des responsabilités encourues ; la région n'a jamais contesté la forte augmentation des déblais ni les quantités de béton nécessaires à la réalisation des ouvrages ; mais il appartient au groupement de saisir le juge de l'impact de ses quantités sur les obligations contractuelles des parties ; l'utilité d'une expertise sur ce point n'est pas démontrée ; pour le surplus, elle s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Par un mémoire enregistré le 31 juillet 2018, la société Egis villes et transports, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Vinci construction grands projets à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le juge des référés n'ayant pas fondé sa décision sur les mémoires non communiqués, le principe du contradictoire n'a pas été méconnu ; la société requérant n'apporte pas d'éléments permettant de penser que son dernier mémoire contenait des éléments qui auraient dû être pris en compte par le juge des référés du tribunal ;

- le juge des référés du tribunal n'a commis aucune erreur d'appréciation des faits ni aucune erreur de droit en considérant que l'avis de l'expert sur les conditions de mise en dépôt régulière et la finalité des matériaux le conduirait à s'immiscer dans des relations contractuelles en cours et ne revêt aucun caractère utile ;

- la demande d'expertise a été motivée par la problématique des déblais et le groupement n'a produit aucun élément permettant d'identifier un litige global sur les quantités de matériaux utiles à la réalisation des travaux ; s'il est fait état d'une problématique financière liée à une sujétion imprévue qui ne trouverait pas sa solution dans l'application des prix unitaires, aucun élément de fait ni aucune pièce ne permet d'attester de cette difficulté ou de l'existence d'un différend entre les parties ; le maître d'oeuvre a accepté à plusieurs reprises d'envisager des modifications contractuelles sous réserve que le groupement fournisse des éléments techniques permettant de valider les solutions envisagées, ce que le groupement n'a pas fait ;

- les quantités doivent être constatées contradictoirement par les parties conformément à l'article 12 du cahier des clauses administratives générales et il n'existe aucun différend sur la constatation des volumes extraits ; le groupement semble vouloir faire intervenir un expert aux fins d'établir un bouleversement des conditions d'exécution du marché, notion juridique qui ne relève pas de la compétence d'un expert ; le groupement ne démontre pas qu'une expertise judiciaire serait le seul moyen d'établir, le cas échéant, les faits en cause sur ce point ; elle s'associe aux conclusions de la région quant à la demande d'intervention d'un expert pour donner son avis sur les conditions de mise en dépôt régulière et la finalité des matériaux ; sur cette question, le maître d'oeuvre a rappelé au groupement ses obligations contractuelles et le groupement n'a pas répondu aux questions de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement ; le groupement cherche à obtenir d'un expert des arguments qui permettraient d'imposer sa solution d'immersion par clapage sans tri préalable ; la régularité d'une solution technique est une question de droit qui échappe à la compétence d'un expert ; la question de la finalité des matériaux relève de l'interprétation du contrat et de la réglementation et constitue donc une question de droit ; le groupement n'établit pas l'existence d'un litige sur les quantités nécessaires à la réalisation des travaux ; quant à l'impact des augmentations de quantités, la demande du groupement suppose que la cour reconnaisse a priori une augmentation massive des quantités et valide un bouleversement des conditions d'exécution du marché ; le groupement n'établit pas en quoi les difficultés de réalisation des travaux qu'il pourrait rencontrer et leurs conséquences notamment financières ne pourraient être recherchées que par un homme de l'art, d'autant qu'au vu de l'avancement des travaux, le cocontractant doit avoir connaissance des moyens humains et matériels qu'il a mis en oeuvre ; il appartient aux entreprises de déterminer les éléments de leurs préjudices et de justifier de leur évaluation et elles ne peuvent se décharger de cette obligation sur un expert judiciaire ; à ce jour les points de désaccord entre le maître d'oeuvre et les entreprises portent non sur la validation des quantités ou sur des questions techniques mais sur des questions d'interprétation et d'application des prix unitaires prévus au marché ou de prix nouveaux ; le chef de mission demandé concernant la détermination des responsabilités est prématuré, le groupement n'ayant pas déterminé l'éventuel préjudice qu'il subirait.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné Mme E...A...comme juge des référés en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) ".

2. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.

3. Le 28 octobre 2013, la région Réunion a passé un marché avec un groupement solidaire d'entreprises ayant pour mandataire la société Vinci construction grands projets et également composé de la société Bouygues travaux publics, de la société Dodin Campenon Bernard et de la société Demathieu et Bard construction, pour la réalisation du viaduc de la nouvelle route du littoral. Après les campagnes de reconnaissance géotechnique complémentaires réalisées après la notification du marché, il est apparu que les terrassements nécessaires, les appuis à traiter par amélioration de sol et les armatures en béton armé des piles seraient plus importants que ceux prévus au marché. Invoquant un blocage de la situation du fait de l'incertitude quant à la destination de l'excédent de déblais, un différend quant aux prix des prestations supplémentaires ainsi qu'un bouleversement des conditions d'exécution du marché, le groupement, représenté par son mandataire, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion d'une demande d'expertise avec mission pour l'expert de donner son avis sur l'évolution des quantités de terrassement en mer par rapport aux quantités prévues au marché, de donner son avis sur les conditions de mise en dépôt régulière et la finalité des déblais correspondants, de donner son avis sur l'impact de cette augmentation des terrassements sur les quantités nécessaires à la réalisation dans les règles de l'art des structures en béton des appuis des piles du viaduc, de " donner son avis sur l'impact significatif des augmentations de quantités qui ont eu pour effet de bouleverser les conditions d'exécution du marché et qui ne pouvaient pas être appréhendées dans le cadre de l'élaboration de l'offre, en l'absence de campagne géotechnique ", d'apporter tous éléments quant à l'appréciation des responsabilités encourues et des préjudices subis et si possible de concilier les parties. Elle fait appel de l'ordonnance du 12 juin 2018 par laquelle le juge des référés du tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité de l'ordonnance du 12 juin 2018 :

4. Il ne résulte pas de l'instruction que les mémoires enregistrés les 2 mars et 18 mai 2018 produits par la région Réunion et le mémoire enregistré le 5 mars 2018 produit par le mandataire du groupement de maîtrise d'oeuvre, la société Egis villes et transports, aient comporté des éléments nouveaux par rapport aux écritures précédemment échangées sur lesquels le juge des référés du tribunal se serait appuyé pour prendre son ordonnance. Par suite, l'absence de communication de ces mémoires au groupement demandeur n'a pas entaché l'ordonnance contestée de méconnaissance du contradictoire. Par ailleurs, le mémoire produit par le groupement d'entreprises demandeur, enregistré le 23 mars 2018, ne contenait pas de conclusions nouvelles. Dans ces conditions, si l'ordonnance contestée ne vise pas ce mémoire, cette absence de visa n'entache pas l'ordonnance d'irrégularité.

5. L'ordonnance contestée, alors même qu'elle ne se prononce pas sur l'application de l'arrêté préfectoral autorisant le projet de nouvelle route littoral et du cahier des clauses administratives particulières pour déterminer le traitement à réserver aux déblais, qui est par elle-même inopérante dans le présent litige, est suffisamment motivée.

6. Les erreurs de droit et de fait invoquées par le groupement requérant ne sont pas susceptibles d'entacher l'ordonnance contestée d'irrégularité.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance du 12 juin 2018 :

7. Les difficultés dont le groupement requérant fait état pour solliciter l'organisation d'une expertise portent, en premier lieu, sur l'évolution des quantités de terrassement en mer à réaliser par rapport aux quantités prévues au marché. Il résulte de l'instruction que cette évolution des quantités est admise dans son principe et dans son étendue, tant par le maître d'ouvrage que par le maître d'oeuvre, et que les quantités doivent en tout état de cause être, conformément aux stipulations du marché, constatées contradictoirement par les parties au cours de l'exécution du marché. Le groupement requérant ne fait état d'aucune question technique susceptible de donner lieu à la désignation d'un expert pour donner un avis sur ce point. Il en va de même des conséquences, admises par le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre, de cette augmentation des terrassements sur les quantités nécessaires à la réalisation dans les règles de l'art des structures en béton des appuis des piles du viaduc, que le groupement ne mentionne d'ailleurs plus dans ses dernières écritures comme faisant partie des questions sur lesquelles il demande l'avis d'un expert.

8. En deuxième lieu, le groupement requérant demande la désignation d'un expert en vue de donner un avis sur les causes, l'imputabilité et les conséquences en termes de délai et de coûts de ces augmentations de quantité. Toutefois, en l'état de l'instruction, aucun désaccord n'oppose les parties sur les causes de ces augmentations dont il est constant qu'elles trouvent leur origine dans l'identification de données ne figurant pas dans le dossier de consultation des entreprises mais apparues lors des campagnes de reconnaissance géotechnique complémentaires. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que la question de l'imputabilité de ces augmentations dépende d'éléments autres que la définition des obligations respectives des parties quant aux études géotechniques, définition qui relève d'une question de droit ne pouvant être confiée à un expert. Quant aux conséquences de ces augmentations en termes de délais et de coûts, le groupement requérant ne fait état d'aucun élément qui ferait obstacle à ce qu'il détermine lui-même ces conséquences. Il ne précise par ailleurs pas de quels points nécessitant la technicité d'un expert dépendrait la détermination des délais et des coûts induits par les augmentations de terrassements. S'il apparaît qu'un désaccord oppose les parties sur le principe de l'application, s'agissant de ces prestations non prévues au marché, du prix unitaire stipulé au contrat, un expert ne peut être consulté sur cette question juridique.

9. Enfin, à supposer que le groupement, qui ne mentionne plus ce chef de mission dans ses dernières écritures concernant l'énumération des missions à confier à l'expert, ait entendu maintenir ses conclusions tendant à ce que soit donné pour mission à l'expert de donner son avis sur les conditions de mise en dépôt régulière et la finalité des déblais, il résulte de l'instruction que le litige entre les parties sur ce point portent non sur des questions techniques mais sur la portée des stipulations contractuelles et des dispositions règlementaires concernant le traitement à réserver aux déblais. Le courrier de la région du 1er octobre 2018 produit par le groupement ne permet pas d'identifier un différend autre que celui portant sur les obligations des parties au regard des stipulations contractuelles et des textes applicables. Dès lors qu'il ne peut être donné pour mission à un expert de donner un avis sur des questions de droit, et alors même que le désaccord des parties sur ce traitement entraînerait un blocage dans le déroulement des travaux, il ne peut être fait droit aux conclusions du groupement d'entreprises requérant sur ce point.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'organisation d'une expertise relative aux points dont le groupement requérant fait état ne présente pas le caractère d'utilité prévu par l'article R. 532-1 du code de justice administrative, même en vue de concilier les parties. Par suite, la société Vinci construction grands projets, en sa qualité de mandataire du groupement d'entreprises titulaire du marché relatif au viaduc de la nouvelle route du littoral, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal a rejeté sa demande.

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du groupement requérant le versement à la région Réunion et à la société Egis villes et transports, qui est partie au litige dès lors que la région Réunion avait demandé sa mise en cause en première instance, de la somme de 1 500 euros à chacune au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Vinci construction grands projets est rejetée.

Article 2 : Le groupement d'entreprises composé de la société Vinci construction grands projets, de la société Bouygues travaux publics, de la société Dodin Campenon Bernard et de la société Demathieu et Bard construction versera à la région Réunion, d'une part, et à la société Egis villes et transports, d'autre part, la somme de 1 500 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Vinci construction grands projets, à la société Bouygues Travaux publics, à la société Dodin Campenon Bernard, à la société Demathieu et Bard construction, à la région Réunion et à la société Egis villes et transports. Copie en sera transmise au ministre des outre-mer.

Fait à Bordeaux, le 12 octobre 2018.

Le juge des référés,

Elisabeth A...

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

7

No 18BX02555


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 18BX02555
Date de la décision : 12/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-011 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé tendant au prononcé d'une mesure d'expertise ou d'instruction.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : CABINET BALIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-12;18bx02555 ?
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