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18/12/2018 | FRANCE | N°16BX02607

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 18 décembre 2018, 16BX02607


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELARL Malmezat Prat, mandataire liquidateur de la SARL Action Automobiles, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er septembre 2009 au 31 décembre 2010 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1500394 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a constaté un non-lieu à statuer sur les rappels de TVA relatifs à la période du 1er septembre au 3

1 décembre 2009 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELARL Malmezat Prat, mandataire liquidateur de la SARL Action Automobiles, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er septembre 2009 au 31 décembre 2010 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1500394 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a constaté un non-lieu à statuer sur les rappels de TVA relatifs à la période du 1er septembre au 31 décembre 2009 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 juillet 2016 et le 5 mars 2018, la SELARL Malmezat Prat, mandataire liquidateur de la SARL Action Automobiles, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 juin 2016 ;

2°) de lui accorder la décharge intégrale des rappels d'impôt en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'acceptation expresse de ses observations en application de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales, s'agissant des rappels notifiés en 2009, constitue une prise de position formelle de l'administration fiscale au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales qui justifie l'abandon des redressements en 2010 ;

- la société Action Automobiles remplissait les conditions d'application du régime sur la marge et se trouvait dans une situation conforme aux objectifs de la directive 2006/112/CE ; un professionnel qui vend un véhicule n'a pas nécessairement déduit la taxe qui a grevé son achat ; les indices invoqués par le service à savoir le contenu des certificats d'immatriculation et le fait que les véhicules acquis en Allemagne par les fournisseurs ne transitaient pas par le territoire de ces derniers pour être vendus en France, ne sont pas de nature à remettre en cause l'application du régime de la marge ;

- sur les vingt rehaussements opérés au titre de l'année 2010 le vérificateur ne justifie l'origine de propriété que pour treize d'entre eux ; l'administration ne peut affirmer que sept véhicules ont appartenu à des assujettis utilisateurs ayant récupéré la TVA ; l'annexe 2 de la proposition de rectification ne comporte qu'une seule facture allemande et les rectifications des dix-neuf autres véhicules doivent donc être annulées ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, modifiée par la directive 94/5/CE du Conseil du 14 février 1994 ;

- la directive 2006/112/ CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Action Automobiles avait pour activité l'achat-revente de véhicules d'occasion. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) portant sur la période du 1er septembre 2009 au 31 mars 2012 à l'issue de laquelle, l'administration lui a, par propositions de rectifications du 17 décembre 2012 et du 6 décembre 2013, notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et infligé la majoration de 40 % pour manquement délibéré sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts et une amende de 5 % sur le fondement de l'article 1788 A-4 du même code. Les impositions supplémentaires qui en résultent ont été mises en recouvrement pour un montant total de 237 683 euros le 12 mai 2014. En raison de la liquidation judiciaire de la société le 13 août 2014, les intérêts de retard dont les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige avaient été assortis ainsi que l'amende prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts ont fait l'objet par la suite d'un dégrèvement. La SELARL Malmezat Prat, mandataire liquidateur de la SARL Action Automobiles, relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux qui, après avoir constaté un non-lieu à statuer résultant de la décision de dégrèvement du 28 juillet 2015, des rappels de TVA relatifs à la période du 1er septembre au 31 décembre 2009, a rejeté le surplus de sa demande.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. En premier lieu, aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises. / (...) 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ". Aux termes du 1° du I de l'article 297 A du même code : " La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) ". Aux termes de l'article 297 E du même code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ".

3. Ces dispositions, issues de la loi du 29 décembre 1994 de finances rectificative pour 1994, ont pour objet de transposer l'article 26 bis de la sixième directive du 17 mai 1977, issu de l'article 1er de la septième directive du 14 février 1994. Il en résulte qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur situé dans un autre Etat membre qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 26 bis de la directive du 17 mai 1977.

4. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs et mentionnant que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxation sur la marge, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, et sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs.

5. La SARL Action Automobiles a acquis au cours de l'année 2010, vingt véhicules auprès de sociétés espagnoles et d'une société roumaine, en provenance d'Allemagne. Les factures d'achat qu'elle a présentées à l'appui de sa comptabilité, dans le cadre de la vérification, mentionnaient, pour ces opérations, l'application du régime de taxation sur la marge. L'administration a remis en cause l'application de ce régime aux reventes desdits véhicules automobiles au motif que les mentions portées sur les factures d'achat de la société Action Automobiles étaient erronées et que cette dernière ne pouvait ignorer que ses fournisseurs n'avaient pas la qualité d'assujettis revendeurs au sens des dispositions de l'article 256 bis du code général des impôts.

6. Les investigations menées par l'administration et notamment les documents indispensables à l'immatriculation des véhicules en France ainsi que les informations transmises par les autorités fiscales allemandes et roumaines dans le cadre de l'assistance administrative, ont révélé que les véhicules en litige avaient été acquis auprès de sociétés allemandes assujetties et redevables de la TVA. Il résulte de l'instruction, et notamment des tableaux annexés à la proposition de rectifications du 6 décembre 2013, retraçant les informations figurant sur les certificats d'immatriculation des véhicules, que ces derniers ont été initialement immatriculés à l'état neuf, en Allemagne par des sociétés de location de véhicules ou des sociétés de financement des constructeurs automobiles. Il résulte également de l'instruction que les certificats d'immatriculation étrangers étaient en la possession de la société qui en a obtenu copie au moment de l'achat pour l'exécution des formalités d'immatriculation des véhicules et que ces véhicules quittaient le territoire allemand sous le régime des livraisons intracommunautaires faisant obstacle à l'application ultérieure du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, mais ne parvenaient jamais en Espagne, les véhicules achetés auprès des sociétés espagnoles et de la société roumaine étant directement pris en charge en Allemagne par des transporteurs payés par la société Action Automobiles, qui livraient directement les véhicules depuis les premiers propriétaires assujettis utilisateurs allemands chez un prestataire de nettoyage de la société Action Automobiles situé en France, ce qui confirme sa connaissance de l'origine exacte des véhicules. Dans ces conditions, compte tenu en particulier de la qualité de professionnel de la revente de véhicules d'occasion de la société Action Automobiles que cette dernière exerçait depuis 1995, la SELARL Malmezat Prat ne peut sérieusement affirmer qu'elle aurait ignoré que ses fournisseurs qui ne jouaient aucun rôle effectif dans la cession, n'étaient pas autorisés à appliquer, eux-mêmes, le régime de taxation sur la marge. Ainsi, l'administration établit que les mentions portées sur les factures d'achat de la société Action Automobiles étaient erronées et que cette dernière savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients. Ces faits sont suffisamment établis et sont de nature à justifier la remise en cause de l'application par la société, pour les véhicules dont il s'agit, du régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts sans qu'elle ne puisse utilement invoquer la circonstance que l'administration ait délivré un quitus fiscal à raison de ces opérations.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal. ".

8. La société requérante soutient que l'administration aurait pris une position formelle au sens de l'article L. 80 B, résultant, s'agissant des rappels notifiés en 2009, de l'acceptation expresse de ses observations en application de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales opposable à l'administration s'agissant des rappels de TVA notifiés au titre de l'année 2010 dès lors qu'ils reposent sur les mêmes motifs que ceux retenus pour l'année 2009. Toutefois, si, en application de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales, le défaut de notification d'une réponse par l'administration, dans le délai de soixante jours, équivaut à une acceptation tacite des observations du contribuable, l'abandon des rectifications qui en résulte ne peut être regardé comme révélant une prise de position formelle du service au sens des articles précités. Par suite, et en tout état de cause, le moyen ne peut qu'être écarté.

Sur les pénalités :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts: " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

10. Il résulte de l'ensemble des circonstances de fait relatées au point 6, que l'administration apporte la preuve de l'absence de bonne foi de la SARL Action Automobiles qui, en sa qualité de professionnel de l'achat et de la vente de véhicules d'occasion, ne pouvait ignorer que, compte tenu de l'origine exacte des véhicules achetés auprès de tiers, dont elle avait nécessairement connaissance au vu des mentions portées sur les cartes grises de ces véhicules, elle n'était pas en droit d'appliquer le régime de taxation sur la marge prévu à l'article 297 A du code général des impôts aux ventes qu'elle consentait à ses clients. Par suite, l'administration était fondée à appliquer la majoration prévue à l'article 1729 du même code en cas de manquement délibéré.

11. Il résulte de ce qui précède que la SELARL Malmezat Prat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande la SELARL Malmezat Prat, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SELARL Malmezat Prat, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SARL Action Automobiles, est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Malmezat Prat et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera transmise à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.

Le rapporteur,

Florence MadelaigueLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 16BX02607


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