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20/12/2018 | FRANCE | N°16BX03677,16BX03685

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2018, 16BX03677,16BX03685


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois requêtes distinctes, enregistrées sous les numéros 1400669, 1401802 et 1403106, Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler, d'une part, la décision du préfet des Deux-Sèvres qui lui a été notifiée le 31 décembre 2013, relative à l'instruction de la demande de droits à paiement unique (DPU) à la suite d'un constat d'écart de surfaces au titre de l'année 2013, d'autre part, la décision du 18 avril 2014 du préfet des Deux-Sèvres relative à l'instruction du porte

feuille de DPU et enfin, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 401 524 eur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois requêtes distinctes, enregistrées sous les numéros 1400669, 1401802 et 1403106, Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler, d'une part, la décision du préfet des Deux-Sèvres qui lui a été notifiée le 31 décembre 2013, relative à l'instruction de la demande de droits à paiement unique (DPU) à la suite d'un constat d'écart de surfaces au titre de l'année 2013, d'autre part, la décision du 18 avril 2014 du préfet des Deux-Sèvres relative à l'instruction du portefeuille de DPU et enfin, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 401 524 euros, majorée des intérêts légaux, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité des décisions du 10 juin 2011 du préfet des Deux-Sèvres portant refus d'une autorisation d'exploiter à son profit et délivrance d'une autorisation d'exploiter au profit de la commune du Bourdet.

Par un jugement n° 1400669 - 1401802 - 1403106 du 21 septembre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du préfet du 18 avril 2014, condamné l'Etat à verser à Mme D...la somme de 89 852 euros en réparation des préjudices causés par la privation de l'exploitation de terres consécutive aux fautes commises par le préfet des Deux-Sèvres et rejeté le surplus des demandes de cette dernière.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée sous le n° 16BX03677, un mémoire et des pièces complémentaires enregistrés le 21 novembre 2016 et les 12 janvier et 15 janvier 2018, Mme D..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 septembre 2016 en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision du préfet des Deux-Sèvres notifiée le 31 décembre 2013 et, en conséquence, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 22 744, 35 euros au titre des droits à paiement unique perdus pour l'année 2013 ainsi que la somme de 15 834,73 euros retenue à titre de pénalité, assorties des intérêts à compter du 27 février 2014, avec capitalisation des intérêts ;

2°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a sous-évalué les pertes de revenus subies et condamner l'Etat à lui verser une somme de 55 950, 45 euros à ce titre, avec intérêt au taux légal à compter du 14 janvier 2016 avec capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du préfet qui lui a été notifiée le 31 décembre 2013 est illégale : le tribunal aurait dû tenir compte des annulations prononcées par son jugement n° 11017755-1101785 rendu le 6 mars 2014 ; la commune perd rétroactivement toute qualité pour exploiter les terres litigieuses, et le préfet ne pouvait donc refuser l'octroi des DPU à l'appelante et lui infliger une idemande injustifiée d'aide présentée par la commune ce qui constitue une circonstance exceptionnelle au sens de l'article 35 du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 ; la faute commise par la commune constituait également un cas de force majeure au sens de ces dispositions, l'appelante n'ayant pu retrouver l'usage de ses terres que le 30 novembre 2013 en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers ;

- par ailleurs, les pertes de revenus subies en raison de l'illégalité des décisions du préfet du 10 juin 2011 doivent être évaluées à la somme de 55 950, 45euros au titre des années 2011 à 2013.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 15 décembre 2017 et le 27 juillet 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour d'annuler le jugement n° 1400669 - 1401802 - 1403106 du 21 septembre 2016 en tant qu'il annule la décision du préfet des Deux-Sèvres du 18 avril 2014 et condamne l'Etat à verser à Mme D...une somme de 89 852 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2014, capitalisés à échéance annuelle.

Le ministre fait valoir que :

- le préfet était tenu de prendre la décision contestée qui a été notifiée à l'appelante le 31 décembre 2013 ; aucune activation de droits ne peut être accordée pour des terres non exploitées par le demandeur ; or l'exploitant effectif des terres en litige était la commune et cette dernière ne les a libérées que le 30 novembre 2013, en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers ;

- par suite, le tribunal ne peut pas condamner l'Etat à verser à l'intéressée une somme au titre des DPU non activés de 2012 à 2016 dès lors que le bénéfice de ces aides est uniquement lié à l'exploitation effective des parcelles.

II - Par une requête enregistrée sous le n° 16BX03685 et un mémoire complémentaire, enregistrés le 21 novembre 2016 et le 27 juillet 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour d'annuler le jugement n° 1400669 - 1401862 - 1403106 du 21 septembre 2016 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à Mme D...une somme de 89 852 euros en réparation des préjudices subis en raison de l'illégalité de décisions du préfet des Deux-Sèvres, avec intérêts et capitalisation.

Le ministre soutient que :

- le refus illégal du 10 juin 2011 d'accorder à Mme D...l'autorisation d'exploiter les terres en litige ne constitue pas un cas de force majeure au sens de l'article 15 du règlement (CE) du 29 octobre 2009 et le préfet a pu, en conséquence, retirer du portefeuille de Mme D...55,40 droits de paiement unique (DPU) pour les reverser à la réserve nationale ;

- le tribunal ne peut pas condamner l'Etat à indemniser l'intéressée au titre de la privation d'activer ses droits à paiement unique au titre des années 2012 à 2016 dès lors que Mme D...n'exploitait pas les terres litigieuses.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 août 2018, MmeD..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par le ministre ;

2°) d'annuler le jugement du 21 septembre 2016 en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'annulation de la décision du préfet des Deux-Sèvres qui lui a été notifiée le 31 décembre 2013 et, en conséquence, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 22 744, 35 euros au titre des DPU perdus sur les hectares effectivement cultivés pour l'année 2013 ainsi que la somme de 15 834, 73 euros retenue à titre de pénalité, assorties des intérêts à compter du 14 janvier 2016 ;

3°) d'annuler le jugement en tant également qu'il a sous-évalué les préjudices subis et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 55 950, 45 euros et la somme de 33 842 euros au titre de la perte des DPU liées à la décision annulée du 18 avril 2014, assorties des intérêts à taux légal, les intérêts étant capitalisés ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 23 juillet 2018, l'instruction de cette affaire a été clôturée au 31 août 2018, à 12h00.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune ;

- le règlement (CE) n° 1120/2009 de la Commission du 29 octobre 2009 portant modalités d'application du régime de paiement unique prévu par le titre III du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs ;

- le règlement (CE) n° 1122/2009 de la Commission du 30 novembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil ;

- le code rural et de la pêche ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvande Perdu,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant MmeD....,

Considérant ce qui suit :

1. Mme D...a souhaité poursuivre l'exploitation de 61,43 hectares de terres du marais communal de l'île Bapaume, situé sur le territoire de la commune de Bourdet, que son oncle M.C..., décédé en 2010, exploitait par bail conclu avec la commune. Elle a estimé devoir déposer une demande d'autorisation d'exploitation à cette fin. Toutefois, par deux décisions du 10 juin 2011, le préfet des Deux-Sèvres a autorisé la commune à reprendre l'exploitation de ces terres et rejeté la demande de MmeD.... Cependant, par un arrêt du 26 juin 2013 devenu définitif, la cour d'appel de Poitiers a jugé que le droit au bail avait été transmis à Mme D...au décès de son oncle, que Mme D...aurait pu rependre l'exploitation après une simple déclaration et que la commune devait libérer les terres au plus tard le 30 novembre 2013.

2. Mme D...a sollicité l'aide liée aux droits à paiement unique (DPU) pour ces mêmes terres dans sa déclaration de surface pour l'année 2013. Le système intégré de gestion et de contrôle prévu par l'article 28 du règlement (CE) n° 1122/2009 a détecté que ces surfaces étaient également déclarées par la commune du Bourdet en vue de bénéficier de l'aide. Par une décision notifiée à Mme D...le 31 décembre 2013, le préfet des Deux-Sèvres a ramené à zéro euro le compartiment d'aide DPU de Mme D...et lui a infligé une pénalité d'un montant de 15 834,73 euros.

3. Par une décision du 18 avril 2014, le préfet des Deux-Sèvres a encore estimé que 55,40 droits à paiement unique (DPU) n'avaient été activés ni en 2012 ni en 2013, pendant deux années consécutives, et décidé que ces droits devaient par suite être repris du portefeuille de Mme D...et reversés à la réserve nationale définie par l'article 41 du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune.

4. Les décisions du 10 juin 2011 par lesquelles le préfet des Deux-Sèvres a autorisé la commune à exploiter ces terres et refusé de délivrer cette autorisation à Mme D...ont été annulées par le jugement n° 1101755-1101785 du 6 mars 2014 du tribunal administratif de Poitiers, devenu définitif.

5. Par trois requêtes distinctes, Mme D...a demandé au tribunal de Poitiers d'annuler la décision qui lui a été notifiée le 31 décembre 2013 ainsi que la décision du 18 avril 2014 et de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices moral et financier qu'elle estimait avoir subis en raison des décisions illégales prises par le préfet le 10 juin 2011.

6. Par la requête n° 16BX03677 Mme D...interjette appel du jugement du 21 septembre 2016 en tant, d'une part, que le tribunal a seulement annulé la décision du 18 avril 2014 et a rejeté sa demande d'annulation de la décision qui lui a été notifiée le 31 décembre 2013 et, d'autre part, en tant qu'il a sous-évalué les préjudices consécutifs aux décisions illégales du 10 juin 2011.

7. Par la requête n° 16BX03685, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation interjette appel du jugement du 21 septembre 2016 en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à Mme D...une somme de 89 852 euros en réparation des préjudices subis.

8. Les requêtes n° 16BX03677 et 16BX03685 sont dirigées contre le même jugement, ont trait et à la situation d'une même requérante. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de la décision du préfet notifiée le 31 décembre 2013 relative à l'instruction de la demande de droits à paiement unique à la suite d'un constat d'écart de surfaces au titre de l'année 2013 :

9. Aux termes de l'article 34 du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 : " 1. L'aide au titre du régime de paiement unique est octroyée aux agriculteurs après activation d'un droit au paiement par hectare admissible. Les droits au paiement activés donnent droit au paiement des montants qu'ils fixent (...) " et aux termes de l'article 35 du même règlement : " 1. L'agriculteur déclare les parcelles correspondant à la superficie admissible liée à un droit au paiement. Sauf en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles, ces parcelles sont à la disposition de l'agriculteur à une date fixée par l'Etat membre (...) ". Aux termes de l'article D. 615-64 du code rural et de la pêche maritime, alors en vigueur : " Pour l'application du 1 de l'article 35 du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 susmentionné, les superficies admissibles doivent être à la disposition de l'agriculteur au plus tard le 15 mai de l'année au titre de laquelle la demande d'aide est déposée. ".

10. Il est constant que les terres en litige n'étaient pas à la disposition de Mme D... au plus tard le 15 mai 2013. Le jugement postérieur du 6 mars 2014 n° 1101755-1101785 du tribunal administratif de Poitiers, s'il a annulé avec effet rétroactif le refus d'autorisation d'exploiter les terres opposé à l'intéressée en 2011, est sans incidence sur les circonstances de fait ayant existé en 2013 et sur lesquelles le préfet s'est régulièrement fondé en l'absence de toute force majeure ou circonstances exceptionnelles à prendre en compte au titre de cette dernière année. Mme D...n'est donc pas fondée à demander l'annulation de la décision même si elle peut prétendre à la réparation des préjudices que lui a causés la privation illégale de la poursuite d'exploitation des terres cultivées par son oncle, laquelle a empêché qu'elle puisse faire valoir ses droits à paiement unique.

En ce qui concerne la légalité de la décision du 18 avril 2014 du préfet des Deux-Sèvres relative à l'instruction du portefeuille de droits à paiement unique (DPU) et au versement de 55,4 DPU à la réserve nationale :

11. Aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1120/2009 de la Commission du 29 octobre 2009 : " 1. Sauf en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles, les droits au paiement non utilisés sont reversés à la réserve nationale le jour suivant la date limite prévue pour la modification des demandes au titre du régime de paiement unique durant l'année civile d'expiration de la période visée à l'article 28, paragraphe 3, et à l'article 42 du règlement (CE) n° 73/2009 (...) ". Aux termes de l'article 28, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 73/2009 : " Les droits au paiement ne donnant pas droit à des paiements au cours des deux années consécutives par suite de l'application des paragraphes 1 et 2 sont reversés dans la réserve nationale " et aux termes de l'article 42 du même règlement : " Tout droit au paiement qui n'a pas été activé conformément à l'article 34 au cours d'une période de deux ans est ajouté à la réserve nationale, sauf en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles (...) ".

12. Le préfet des Deux-Sèvres a, par lettre du 18 avril 2014, indiqué à Mme D... que son portefeuille faisait apparaitre 55,40 droits à paiement unique qui n'avaient été activés ni en 2012 ni en 2013. Dès lors, en application des dispositions susmentionnées, il a repris ces droits à paiement unique pour les reverser dans la réserve nationale.

13. Toutefois, la cour d'appel de Poitiers, par l'arrêt du 26 juin 2013, a rétabli Mme D... dans ses droits d'exploitation et les décisions du préfet des Deux-Sèvres du 10 juin 2011 autorisant la commune à exploiter ces terres et refusant à Mme D...cette autorisation ont été annulées par le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 6 mars 2014, devenu définitif. Par suite, à la date à laquelle le préfet a pris sa décision, ce dernier aurait dû regarder les circonstances dans lesquelles Mme D...avait été empêchée d'activer ses droits à paiement en 2012 et 2013 comme un cas de force majeure au sens de l'article 15 du règlement (CE) n° 1120/2009 de la Commission du 29 octobre 2009 faisant obstacle à la mise en réserve des droits au paiement de l'intéressée. C'est par suite à juste titre que le tribunal a annulé la décision du préfet des Deux-Sèvres du 18 avril 2014.

En ce qui concerne la demande d'indemnisation présentée par Mme D... fondée sur l'illégalité des décisions du 10 juin 2011 lui ayant refusé l'autorisation d'exploiter les terres en litige:

14. Devant la cour, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ne conteste pas que les fautes commises par le préfet des Deux-Sèvres en raison de l'illégalité des décisions prises par le préfet des Deux-Sèvres le 10 juin 2011 sont de nature à engager la responsabilité de l'Etat et il ne remet pas en cause l'indemnisation du préjudice moral de Mme D...par le tribunal, fixée à 10 000 euros. En revanche, le ministre conteste le montant de l'indemnisation accordée par les premiers juges en ce qui concerne le préjudice pour perte des droits à paiement unique et au titre des frais financiers engagés par MmeD.... Cette dernière, quant à elle, demande à la cour que la perte nette de ses revenus soit portée à la somme de 55 940, 45 euros.

S'agissant de la perte des droits à paiement unique :

15. En raison de l'illégalité des décisions préfectorales du 10 juin 2011, Mme D..., qui ne pouvait exploiter les terres en cause, n'a pu percevoir les droits à paiement unique au titre des années 2012 et 2013. Le préjudice subi à ce titre pour les deux années s'établit à 24 000 euros. Mme D...ne justifie pas d'une perte supplémentaire de droits à paiement unique directement liée au refus d'exploiter les terres en litige.

16. Pour le même motif, Mme D...a droit à une indemnisation égale à la pénalité de 15 834,73 euros qui lui a été infligée à tort.

17. Enfin, il résulte de l'instruction, et notamment des nouvelles pièces produites en appel par MmeD..., que cette dernière a bénéficié d'un montant d'aide au titre des droits à paiement unique, devenus droits à paiement de base, pour les campagnes 2014, 2015 et 2016. Elle ne justifie pas qu'elle devait bénéficier d'une somme supplémentaire à ce titre.

18. Par suite, l'indemnisation de Mme D...au titre du préjudice de privation des droits à paiement et de pénalité illégale doit être limitée à la somme de 39 834, 73 euros.

S'agissant de la perte de revenus tirés de l'exploitation agricole :

19. Mme D...a été privée de récoltes sur les terres litigieuses de 2011 à 2013. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise comptable réalisée le 7 octobre 2014, qu'il y a lieu de prendre en compte pour chaque année les recettes retirées de l'exploitation de 20 hectares cultivés en maïs et de 40 hectares de prairie produisant du foin, après déduction des charges variables et des frais fixes. Compte tenu du rendement des terres en litige et des cours observés pendant les trois campagnes, il sera fait une juste appréciation du préjudice pour perte de récoltes en portant à 25 000 euros le somme à laquelle peut prétendre l'intéressée.

S'agissant des frais financiers :

20. Mme D...avait sollicité la somme totale de 11 486 euros au titre des frais de conseils juridiques et financiers exposés à la suite des décisions illégales susmentionnées. Le tribunal n'a pas statué ultra petita en fixant à 5 000 euros l'indemnisation à ce titre alors que Mme D...avait chiffré le montant total de ses préjudices à 401 524 euros. Et il n'y a pas lieu de revenir sur la juste appréciation des frais financiers fixée par les premiers juges.

21. Il résulte de tout ce qui précède d'une part que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté le surplus de ses demandes d'annulation et, d'autre part, que le montant de son indemnisation doit être ramené à la somme globale 79 834, 73 euros.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

22. La somme de 79 834, 73 euros produira des intérêts à compter du 20 novembre 2014, date d'enregistrement de la demande d'indemnisation présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Poitiers. La capitalisation des intérêts a été demandée le 21 novembre 2016. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'articles L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : L'Etat versera à Mme D...une somme de 79 834, 73 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2014. Les intérêts échus à la date du 20 novembre 2015 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du 21 septembre 2016 du tribunal administratif de Poitiers est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.

Le rapporteur,

Sylvande Perdu

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 16BX03677 et 16BX03685


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03677,16BX03685
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

03-03-05 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Aides à l'exploitation.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : CABINET CHATEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-20;16bx03677.16bx03685 ?
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