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11/06/2019 | FRANCE | N°17BX02174

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 11 juin 2019, 17BX02174


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. ou Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge des pénalités pour manquement délibéré qui leur ont été appliquées sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1502535 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enreg

istrés le 11 juillet 2017, le 16 février 2018 et le 2 avril 2019, M. et MmeC..., représentés par MeA......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. ou Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge des pénalités pour manquement délibéré qui leur ont été appliquées sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1502535 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 11 juillet 2017, le 16 février 2018 et le 2 avril 2019, M. et MmeC..., représentés par MeA..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 juin 2017 ;

2°) la décharge de la majoration prévue à l'article 1729 du code général des impôts sur les droits dégrevés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent, en ce qui concerne la majoration de 25 % des revenus distribués, que :

- cette majoration est prévue par l'article 158-7-2° du code général des impôts qui a fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil Constitutionnel ; dans sa décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017, le Conseil Constitutionnel a relevé que la majoration a pour effet d'assujettir le contribuable à une imposition dont l'assiette inclut des revenus dont le contribuable n'a pas disposé ; il l'a ainsi jugée contraire au principe d'égalité devant les charges publiques ;

- c'est dès lors à tort que l'administration a majoré de 25 % les revenus considérés comme distribués ;

Ils soutiennent, en ce qui concerne la pénalité pour manquement délibéré, que :

- l'administration n'établit pas la volonté délibérée des requérants d'éluder l'impôt ; le critère tiré de l'importance des sommes ayant échappé à l'impôt est inopérant ;

- le tribunal n'a pas fait application de l'arrêt du Conseil d'Etat n° 391293 du 31 mars 2017 qui a jugé que la majoration de 40 % n'est pas applicable à concurrence des dégrèvements obtenus ; il convient de tenir compte du dégrèvement de la totalité des droits que l'administration avait prononcé le 27 avril 2015.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 décembre 2017, le 29 mars 2019 et le 4 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés et au rejet du surplus des conclusions de la requête d'appel.

Il soutient que :

- les opérations de contrôle ont montré que les travaux de réalisation du bâtiment, partiellement occupé par les requérants au titre de leur habitation principale, n'avaient pas été comptabilisés dans les recettes de la société ; les sommes avancés par la société ont été considérées comme des revenus distribués au profit des requérants imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers assorties de la majoration de 40 % pour manquement délibéré ;

- les requérants connaissaient la situation qui procédait de relations commerciales entre eux-mêmes et la société ; les opérations de contrôle ont montré que la société n'avait pas pour habitude d'accorder de longs délais de paiement à ses clients ; le solde du compte courant d'associé des requérants était nul au 31 décembre 2012 mais débiteur au 31 août 2013 ; les requérants ont attendu la réception de l'avis de vérification pour entamer des démarches de régularisation ;

- ainsi, il est établi que les requérants ont tenté de se soustraire au paiement des travaux réalisés par la société pour leur profit exclusif tout en minorant l'imposition qu'ils étaient tenus d'acquitter ; la pénalité de 40 % pour manquement délibéré est donc justifiée.

Par ordonnance du 5 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 5 avril 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et son annexe III ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M. et MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C...sont associés gérants de la société Coreinco BTP, entreprise de travaux du bâtiment qui a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a réintégré dans les résultats de l'exercice clos le 31 décembre 2012 la somme de 219 853,26 euros. Celle-ci correspond à une créance non comptabilisée détenue par la société sur ses associés en contrepartie de travaux de construction d'un immeuble dont une partie servait à l'habitation principale de ces derniers. La somme de 92 944,50 euros, représentant le solde des travaux non remboursés par M. et MmeC..., a été imposée entre les mains de ces derniers, au titre de l'année 2012, comme revenu distribué sur le fondement des dispositions du a) de l'article 111 du code général des impôts. L'administration a également appliqué sur les droits rectifiés la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts. M. et Mme C...ont sollicité du tribunal administratif de Bordeaux la décharge de cette pénalité et relèvent appel du jugement du 21 juin 2017 ayant rejeté leur demande.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 7 décembre 2017, postérieure à l'introduction de la requête d'appel, l'administration fiscale a accordé aux requérants un dégrèvement de 1 441 euros correspondant à l'abandon de la majoration de 25 %, prévue au 2° du 7. de l'article 158 du code général des impôts, répercutée sur l'assiette de la pénalité en litige. Par suite, le litige d'appel est devenu sans objet à hauteur du montant ainsi dégrevé.

Sur le principe du maintien des pénalités relatives aux rectifications en matière de revenus de capitaux mobiliers :

2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. Nonobstant toutes dispositions contraires, lorsque ces sommes sont remboursées postérieurement au 1er janvier 1960, à la personne morale qui les avait versées, la fraction des impositions auxquelles leur attribution avait donné lieu est restituée aux bénéficiaires ou à leurs ayants cause dans des conditions et suivant des modalités fixées par décret (...) ". Aux termes de l'article 49 bis de l'annexe III au code général des impôts : " Tout remboursement fait depuis le 1er janvier 1960 et portant sur des sommes qui, lors de leur versement à titre d'avances, prêts ou acomptes par une personne morale visée à l'article 108 du code général des impôts, ont été considérées comme revenus distribués en application du a de l'article 111 dudit code (...) ouvre droit (...) à la restitution au profit du bénéficiaire des avances, prêts ou acomptes ou de ses ayants cause, des impositions auxquelles le versement a donné lieu. ". Aux termes de l'article 49 ter de la même annexe : " I. La somme à restituer en vertu de l'article 49 bis est égale, en ce qui concerne chacune des impositions énumérées à l'article 49 quater, à la différence entre : D'une part, le montant de l'impôt régulièrement liquidé et effectivement acquitté pour l'année ou l'exercice au titre duquel l'acompte, le prêt ou l'avance a été pris en compte pour la détermination de la base d'imposition ; D'autre part, le même impôt liquidé en faisant abstraction de l a fraction de l'acompte, prêt ou avance qui a fait l'objet du remboursement. II. Le décompte prévu au I est opéré sur le principal des droits, à l'exclusion de tous intérêts ou indemnités de retard, majorations de droits et amendes fiscales. ".

3. Après que M. et Mme C...eurent justifié avoir intégralement remboursé, le 17 juin 2014, la somme qu'ils restaient devoir à la société Coreinco BTP, l'administration fiscale a procédé à la restitution des droits d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales par une décision du 27 avril 2015 prise en application des dispositions précitées. Les intérêts de retard et la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts ont, en revanche, été maintenus. Selon M. et MmeC..., la majoration de 40 % ne saurait leur être appliquée dès lors qu'ils ont obtenu la restitution des impositions en application des dispositions précitées du deuxième alinéa du a. de l'article 111 du code général des impôts.

4. Il résulte toutefois des dispositions précitées du code général des impôts et de son annexe III que lorsque le contribuable a remboursé des sommes mises antérieurement à sa disposition dans les conditions prévues à l'article 111, précité, du code général des impôts, il ne peut obtenir le dégrèvement que des droits en principal auxquels il a été imposé au titre de l'année où lesdites sommes avaient été mises à sa disposition, à l'exclusion de tous intérêts et indemnités de retard, majorations de droits et amendes fiscales.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

5. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

6. M. et Mme C...avaient la pleine maîtrise de la gestion et des écritures comptables de la société Coreinco dont ils étaient les seuls associés. Ils se sont sciemment abstenus de comptabiliser le montant des travaux que la société avait réalisés pour leur profit et de déclarer l'avantage qu'ils en ont tiré en ne réglant pas le coût de ces travaux au titre de l'année d'imposition en litige. M. et Mme C...ne pouvaient ignorer qu'en procédant ainsi, ils minoraient le montant de leur imposition. Dans ces conditions, l'administration établit le manquement délibéré des requérants à leurs obligations fiscales et, par suite, le bien-fondé de la pénalité résultant de l'application des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande de décharge. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17BX02174 à hauteur de la somme de 1 441 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. ou Mme B...C...et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera délivrée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juin 2019.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 17BX02174


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02174
Date de la décision : 11/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-04-03 Contributions et taxes. Généralités. Amendes, pénalités, majorations. Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : GRYNER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-11;17bx02174 ?
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