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25/06/2019 | FRANCE | N°17BX02526

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 25 juin 2019, 17BX02526


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Pastel Capital a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 pour un montant total de 123 731 euros.

Par un jugement n° 1303556 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la SCI Pastel Capital a été assujettie

au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 pour un montant de 4...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Pastel Capital a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 pour un montant total de 123 731 euros.

Par un jugement n° 1303556 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la SCI Pastel Capital a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 pour un montant de 40 230 euros et des pénalités y afférentes correspondant aux biens du site de Charlary et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2017, la SCI Pastel Capital, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 mai 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige d'un montant de 68 306 euros et des pénalités y afférentes concernant la résidence " La Barbacane " à Carcassonne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son activité soumise à TVA sur le fondement de l'article 261-D-4° b et c du code général des impôts et ses opérations ouvraient droit à la déduction de la TVA supportée lors de l'acquisition des biens immobiliers loués ;

- le 5° de l'article 207 III-1 de l'annexe II au code général des impôts est inapplicable tant que la cessation d'activité de l'exploitant n'est pas intervenue ;

- la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) juge dans son arrêt en date du 29 février 1996 (aff. 110/94 Intercommunale voor zeewaterontzilting -Inzo-) que le principe de neutralité de la TVA s'oppose à ce que l'administration revienne sur le statut fiscal d'assujetti qu'elle a reconnu à l'intéressé ; en l'espèce, il ne fait aucun doute qu'elle a la qualité d'assujetti à la TVA conformément à l'article 261-D-4°-c du code général des impôts ; par ailleurs, la CJCE juge dans un arrêt en date du 8 juin 2000 (aff. 400/98, Brigitte Breitsohl) que le droit de déduire la TVA acquittée sur les opérations effectuées en vue de la réalisation d'un projet d'activité économique subsiste même lorsque l'administration fiscale sait, dès la première liquidation de la taxe, que l'activité économique envisagée, qui devait donner lieu à des opérations taxées, ne sera pas exercée ; selon la Cour, l'appréciation de l'intention de l'entrepreneur se fait à la date de la naissance du droit à déduction ;

- la jurisprudence administrative applique les conséquences d'une cessation d'activité dans les seuls cas où le bailleur n'a volontairement pas confié le bien immobilier à la location à la suite de la fin d'un contrat, en ne mettant pas tout en oeuvre pour entreprendre les démarches pour rechercher un nouvel occupant ou en proposant un loyer exorbitant ; seule sa cessation définitive d'activité pourrait justifier la remise en cause du droit à déduction, ce qui n'est pas le cas, puisqu'elle exerce toujours une activité économique ;

- conformément à la doctrine administrative, tant que la cessation d'activité n'est pas intervenue, il n'y a pas lieu de tenir compte du fait que la continuation de l'activité n'est plus assurée par l'assujetti lui-même mais par un tiers interposé ayant la qualité d'administrateur ou de liquidateur ; le tribunal a commis une erreur de droit en ne tirant pas les conséquences des recodifications de l'article 210 à l'article 207 de l'annexe II au CGI et de la doctrine administrative 3 D 1411 n°23 du 2 novembre 1996 reprise au BOI-TVA-DED-60-20-10 ;

- en ce qui concerne la résidence " la Barbacane " à Carcassonne également exploitée par la société Valgo Résidences, un mandat de gestion a été donné à la société Citéa qui a continué l'exploitation ; l'activité hôtelière s'est poursuivie sans que le mandataire liquidateur n'y mette un terme ; la requérante a continué à facturer les sociétés Valgo Résidences et Citéa jusqu'au mois de juin 2010 ; les déclarations fiscales de TVA des années 2008 à 2010 et les déclarations fiscales de la société Pastel Capital démontrent qu'elle a encaissé des recettes en 2008, 2009 et 2010 ;

- seule la décision du tribunal de grande instance de Carcassonne du 3 juin 2010 qui a ordonné l'expulsion de la société Citéa des locaux de la résidence a permis à la requérante de procéder à nouveau à la mise en location du bien ;

- comme pour les biens situés à Rouffiac Tolosan, les baux commerciaux la liant à la société Valgo Résidences n'ont pas été rompus de son fait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête de la SCI Pastel Capital.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 12 novembre 2018 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, reprise par la directive 2006/112/CE du Conseil du 26 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Pastel Capital qui a pour activité l'acquisition et la location d'immeubles consentie à des exploitants d'établissements d'hébergement avec prestations de services para-hôtelières, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle, l'administration lui a notifié des rehaussements en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, par une proposition de rectification du 20 décembre 2011. Elle a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes pour un montant total de 123 731 euros. Par un jugement du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à sa demande en ce qui concerne les biens situés dans la résidence " Les trois Cannelles " et dans la résidence " Les terrasses de Charlary " situées à Rouffiac-Tolosan, et a prononcé la décharge pour un montant de 40 230 euros et des pénalités y afférentes. La SCI Pastel Capital relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande s'agissant du bien situé résidence " La Barbacane " à Carcassonne.

2. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : / a. Aux prestations d'hébergement fournies dans les hôtels de tourisme classés, les villages de vacances classés ou agréés et les résidences de tourisme classées lorsque ces dernières sont destinées à l'hébergement des touristes et qu'elles sont louées par un contrat d'une durée d'au moins neuf ans à un exploitant qui a souscrit un engagement de promotion touristique à l'étranger dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat ; / b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. / c. Aux locations de locaux nus, meublés ou garnis consenties à l'exploitant d'un établissement d'hébergement qui remplit les conditions fixées aux a ou b, à l'exclusion de celles consenties à l'exploitant d'un établissement mentionné à l'article L. 633-1 du code de la construction et de l'habitation dont l'activité n'ouvre pas droit à déduction. (...) ".

3. La location d'un local nu à usage d'habitation à un établissement d'hébergement qui remplit les conditions du a. ou du b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts constitue une opération entrant dans le champ d'application des dispositions précitées ouvrant droit à la déduction ou à défaut, au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé la construction ou l'acquisition de celui-ci à son propriétaire.

4. La SCI Pastel Capital a acquis en 2006 et 2007 des biens immobiliers se situant à Carcassonne (Aude) et à Rouffiac-Tolosan (Haute-Garonne). Elle a consenti la location de ces locaux nus à la SARL Valgo Résidences qui les exploitait et a déduit la taxe sur la valeur ajoutée sur l'acquisition de ces biens.

5. Le tribunal de commerce de Toulouse ayant ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL Valgo Résidences le 31 juillet 2008 et fixé la date de cessation de paiements au 28 décembre 2008, les différents baux commerciaux qui lui ont été consentis ont été résiliés. Au stade de la réclamation de la société, l'administration a admis que ces locations de locaux nus étaient imposables à la taxe sur la valeur ajoutée de plein droit, reconnaissant ainsi la qualité d'assujettie à la SCI Pastel Capital mais a considéré que les biens lui appartenant avaient cessé d'être utilisés à des opérations ouvrant droit à déduction de la taxe et a procédé, en application de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts, à la régularisation de son droit à déduction au titre de 2008, date à laquelle le coefficient de taxation de la SCI était devenu nul.

6. Aux termes de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts : " III.-1. Une régularisation de la taxe initialement déduite et grevant un bien immobilisé est également opérée : (...) 5° Lorsqu'il cesse d'être utilisé à des opérations imposables. (...) ".

7. Il résulte du principe de neutralité fiscale de la taxe sur la valeur ajoutée et du principe de sécurité juridique que lorsque l'administration a admis la qualité d'assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée d'un contribuable qui a déclaré son intention de commencer une activité économique donnant lieu à des opérations imposables, elle ne peut rétroactivement lui retirer cette qualité d'assujetti au vu d'éléments postérieurs à la reconnaissance de cette qualité.

8. Il résulte de l'instruction que l'administration a admis, pendant les deux premières années d'exercice, que l'intention de la SCI Pastel Capital était de réaliser des opérations imposables, consistant à mettre à disposition ses lots dans la Résidence La Barbacane, par bail commercial, à des établissements para-hôteliers. Si le bail commercial en date du 17 mai 2006 liant la SCI Pastel Capital à la SARL Valgo Résidences pour l'exploitation de la résidence " La Barbacane " a été résilié à compter du 1er novembre 2008 à la suite de la liquidation judiciaire de la société Valgo Résidences, cette circonstance indépendante de la volonté de la société requérante, est par elle-même sans incidence sur son droit à déduction. Dès l'instant où elle a été en mesure de le faire, la SCI Pastel Capital a confié ses lots à un nouvel établissement para-hôtelier, la société Adonis Carcassonne, le 28 janvier 2011, par un bail commercial où figure comme condition substantielle la prestation de services para-hôteliers. Dans ces conditions, le bien immobilisé n'ayant pas cessé d'être utilisé à des opérations imposables par la SCI Pastel Capital, c'est à tort que l'administration a considéré que les conditions d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée définies au c du 4° de l'article 261 D du code général des impôts n'étaient plus remplies depuis le mois de décembre 2008 et que la société relevait des dispositions du 5° du 1. du III de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts.

9. Il résulte de ce qui précède que la SCI Pastel Capital est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en son article 3, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros au profit de la SCI Pastel Capital au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La SCI Pastel Capital est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée procédant de la régularisation au 1er janvier 2008 de la déduction par la SCI Pastel Capital de la taxe ayant grevé les éléments des opérations de location de ses lots dans la résidence " La Barbacane ".

Article 2 : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la SCI Pastel Capital au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Pastel Capital et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera transmise à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 juin 2019.

Le rapporteur,

Florence Madelaigue

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 17BX02526


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02526
Date de la décision : 25/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables. Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET COTEG et AZAM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-25;17bx02526 ?
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