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03/10/2019 | FRANCE | N°19BX01065

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 03 octobre 2019, 19BX01065


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... F... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 3 mai 2012 par laquelle le directeur général de l'office public de l'habitat " Habitat Toulouse " a exercé le droit de préemption sur un terrain situé 86, chemin du Boudou à Launaguet (31140), ensemble la décision en date du 24 avril 2012 par laquelle le conseil d'administration de " Habitat Toulouse " a autorisé le directeur général à exercer le droit de préemption urbain en vue de l'acquisition de ce terra

in et la décision en date du 25 avril 2012 par laquelle le président de la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... F... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 3 mai 2012 par laquelle le directeur général de l'office public de l'habitat " Habitat Toulouse " a exercé le droit de préemption sur un terrain situé 86, chemin du Boudou à Launaguet (31140), ensemble la décision en date du 24 avril 2012 par laquelle le conseil d'administration de " Habitat Toulouse " a autorisé le directeur général à exercer le droit de préemption urbain en vue de l'acquisition de ce terrain et la décision en date du 25 avril 2012 par laquelle le président de la communauté urbaine du Grand Toulouse a délégué à " Habitat Toulouse " l'exercice du droit de préemption pour l'acquisition de cette parcelle.

Par un jugement n° 1203023 du 9 juillet 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 15BX02742 du 13 novembre 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement en tant qu'il avait rejeté la demande d'annulation de M. et Mme F... dirigée contre la délibération du 24 avril 2012 du conseil d'administration de l'office public de l'habitat " Habitat Toulouse " et la décision du 3 mai 2012 du directeur général de cet office et annulé cette délibération et cette décision.

Par une décision n° 417265 du 12 juillet 2018, le Conseil d'Etat n'a pas admis le pourvoi en cassation formé contre l'arrêt n° 15BX02742 du 13 novembre 2017.

Procédure devant la cour :

Par un mémoire enregistré le 26 octobre 2018, M. et Mme F... représentés par Me G... ont demandé à la cour qu'en application des dispositions des articles L. 911-4 et suivants et R. 921-5 et suivants du code de justice administrative, qu'elle prescrive les mesures propres à assurer l'exécution de l'arrêt du 13 novembre 2017 sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un mémoire enregistré le 24 janvier 2019, " Habitat Toulouse " devenu Toulouse Métropole Habitat a informé la cour des modalités d'exécution de l'arrêt.

Par un mémoire enregistré le 31 janvier 2019, M. et Mme F... ont persisté dans leur demande.

Par une ordonnance n° 19BX01065 du 21 mars 2019, le président de la cour administrative d'appel a ouvert une procédure juridictionnelle à l'effet d'assurer l'exécution de l'arrêt.

Par des mémoires enregistrés le 5 avril 2019 et le 25 juin 2019, Toulouse Métropole Habitat conclut au rejet de la requête, à ce que la cour homologue les modalités d'exécution de l'arrêt qu'elle a mises en oeuvre et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le bien préempté a été acquis par adjudication par M. et Mme F..., dans le cadre d'une procédure de licitation ; il a fait notifier par huissier à chaque indivisaire une proposition d'acquisition du bien préempté au prorata de ses droits dans l'indivision ; cinq des huit indivisaires identifiés ont accepté la proposition, un a refusé et deux n'ont pas répondu ;

- l'article L. 211-11-1 du code de l'urbanisme a pour finalité de rétablir le statu quo ante, c'est-à-dire de restituer le bien au vendeur ou à l'acquéreur ; le bien peut être restitué aux cinq co-indivisaires qui l'ont accepté ; ceux qui ont refusé ont abandonné leur droit et la quote-part de droits indivis doit être proposée à l'acquéreur évincé ; l'indivision n'a pas de personnalité juridique et ne peut pas être regardée comme le vendeur du bien ; aucune proposition de cession ne peut donc être faite à l'indivision ;

- il n'y a pas d'atteinte à l'autorité de chose jugée par la cour d'appel de Toulouse dans l'arrêt du 16 mars 2010 ordonnant le partage qui n'est pas remis en cause ; celui-ci n'a pas porté sur le bien préempté mais sur le produit de la cession ; Mme F... s'est vu attribuer le bien non par l'effet du partage mais par celui de l'adjudication ;

- il n'y a pas lieu de recueillir le consentement unanime des indivisaires pour procéder à l'acquisition de droits indivis auprès de tiers ;

- ainsi, il a correctement exécuté l'arrêt et il n'y a pas lieu de proposer la rétrocession du bien préempté directement à M. et Mme F....

Par des mémoires enregistrés le 8 avril 2019, le 10 avril 2019 et le 26 juillet 2019, M. et Mme F... demandent à la cour d'annuler la proposition de rétrocession de Toulouse Métropole Habitat, de prescrire à Toulouse Métropole Habitat de leur proposer directement la rétrocession du bien, à titre subsidiaire de proposer le bien illégalement préempté à l'indivision, à charge pour elle de l'accepter unanimement dans un délai de trois mois, faute de quoi la rétrocession du bien devra leur être proposée, et de mettre à la charge de Toulouse Métropole Habitat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- Toulouse Métropole Habitat ne peut effectivement s'adresser qu'aux indivisaires puisque l'indivision n'a pas la personnalité morale ; toutefois, les indivisaires ne sont pas propriétaires à concurrence de leur quote-part dans l'indivision mais du tout indivis de sorte que les actes de disposition de l'indivision supposent l'unanimité des indivisaires ;

- ainsi, le propriétaire du bien préempté est l'indivision et non les indivisaires à concurrence de leurs droits ; or cette indivision a été forcée d'être partagée par licitation ;

- une décision définitive du juge judiciaire ordonne qu'il soit mis fin à l'indivision par partage définitif de l'actif successoral au moyen d'une licitation ; Toulouse Métropole Habitat est forcée de se conformer à ce qui a été décidé par le juge judiciaire ; le fait de proposer la rétrocession du bien aux indivisaires revient à mettre en échec le décision de ce juge, en remettant les indivisaires dans une situation non seulement antérieure au partage mais encore antérieure à l'injonction au partage ; les modalités d'exécution mises en oeuvre par Toulouse Métropole Habitat reviendraient à rétablir l'indivision avant partage, alors que le partage ne peut pas être annulé ; a minima, on pourrait considérer que seul l'accord unanime des indivisaires pour accepter la rétrocession du bien pourrait faire naître une situation différente de celle en fonction de laquelle la cour d'appel a statué ; par suite, la rétrocession du bien devrait leur être proposée directement ;

- à titre subsidiaire, la simple application du parallélisme des formes implique que soit recueillie l'unanimité des indivisaires.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. H...,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- les observations de Me G..., représentant M. et Mme F...,

- et de Me C..., représentant Toulouse Métropole Habitat.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ".

2. Aux termes de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le titulaire du droit de préemption propose aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause universels ou à titre universel l'acquisition du bien en priorité. / Le prix proposé vise à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle. A défaut d'accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation, conformément aux règles mentionnées à l'article L. 213-4. / A défaut d'acceptation dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle devenue définitive, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel sont réputés avoir renoncé à l'acquisition. / Dans le cas où les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel ont renoncé expressément ou tacitement à l'acquisition dans les conditions mentionnées aux trois premiers alinéas du présent article, le titulaire du droit de préemption propose également l'acquisition à la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien, lorsque son nom était inscrit dans la déclaration mentionnée à l'article L. 213- 2 ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens par l'ancien propriétaire ou l'acquéreur évincé, d'exercer les pouvoirs qu'il tient des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative afin d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, les mesures qu'implique l'annulation, par le juge de l'excès de pouvoir, de la décision de préemption.

4. Il résulte de l'instruction qu'en raison d'un conflit persistant entre les héritiers de M. I... D... et de Mme B... E..., la cour d'appel de Toulouse, par un arrêt du 16 mars 2010, a ordonné le partage de l'indivision existant entre les enfants de ces derniers et la licitation de plusieurs parcelles dont M. D... et Mme E... étaient propriétaires sur le territoire de la commune de Launaguet. M. et Mme A... F..., dans le cadre de cette licitation, ont ainsi été déclarés adjudicataires d'un terrain situé 86 chemin du Boudou à Launaguet d'une contenance de 8 812 m² par jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 5 avril 2012. Cette opération a fait l'objet d'une déclaration d'intention d'aliéner à la suite de laquelle l'office public de l'habitat Habitat Toulouse devenu Toulouse Métropole Habitat a exercé le droit de préemption délégué par la communauté urbaine du Grand Toulouse devenue Toulouse Métropole.

5. Toutefois, par un arrêt n° 15BX02742 du 13 novembre 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement n° 1203023 du 9 juillet 2015 du tribunal administratif de Toulouse, en tant qu'il avait rejeté la demande d'annulation de M. et Mme F... dirigée contre la délibération du 24 avril 2012 du conseil d'administration de l'office public de l'habitat Habitat Toulouse par laquelle le conseil d'administration de l'office a autorisé son directeur à exercer le droit de préemption sur ce terrain en vue de la construction de logements sociaux et la décision du 3 mai 2012 du directeur général de l' office exerçant le droit de préemption. La cour a encore annulé cette délibération et cette décision. Par une décision n° 417265 du 12 juillet 2018, le Conseil d'Etat n'a pas admis le pourvoi en cassation formé contre l'arrêt n° 15BX02742 du 13 novembre 2017. A la demande de M. et Mme F..., et par une ordonnance du 21 mars 2019, le président de la cour administrative d'appel a ouvert une procédure juridictionnelle d'exécution en vue d'assurer l'exécution de l'arrêt du 13 novembre 2017 devenu irrévocable.

6. En application des dispositions précitées de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme, Toulouse Métropole Habitat a proposé aux membres de l'indivision ou à leurs ayants droit l'acquisition du bien à concurrence de la quote-part de chaque héritier dans l'indivision en leur précisant qu'en l'absence de réponse de leur part, ils seraient réputés avoir renoncé à l'acquisition et en ajoutant : " Si tous les membres de l'indivision renoncent à l'acquisition de leur quote-part, le bien sera alors proposé aux acquéreurs évincés, à savoir M. et Mme F... ". Seule une partie des indivisaires a accepté dans le délai fixé la proposition d'acquisition de Toulouse Métropole Habitat. Ce dernier estime qu'il aura exécuté l'arrêt en proposant à M. et Mme F... la quote-part des droits indivis non rétrocédés à certains co-indivisaires.

7. L'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de l'acte par lequel le titulaire du droit de préemption décide d'exercer ce droit emporte pour conséquence que ce titulaire doit être regardé comme n'ayant jamais décidé de préempter. Toulouse Métropole Habitat ne peut donc conserver aucun droit même partiel, sur le bien préempté. L'arrêt de la cour ne peut être pleinement exécuté conformément à l'article L. 213-11-1 précité que si tous les membres de l'indivision ou leurs ayants droit sont replacés dans les droits initiaux des héritiers de M. D... et de Mme E... sur les parcelles en litige de façon à pouvoir en disposer par consentement unanime ainsi que l'exige l'article 815-3 du code civil ou de sorte qu'il puisse être procédé derechef à une licitation. A défaut, le bien doit être proposé aux acquéreurs évincés, M. et Mme F.... Par conséquent, la renonciation de certains des co-indivisaires à récupérer leur quote-part de droits indivis ne laisse d'autre possibilité à Toulouse Métropole Habitat que de proposer à M. et Mme F... la rétrocession, dans son intégralité, du bien préempté.

8. En application de l'article L. 911-4 du code de justice administrative il y a donc lieu de prescrire cette rétrocession qui devra intervenir dans les deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

9. Par voie de conséquence, les conclusions de Toulouse Métropole Habitat tendant à ce que la cour homologue les mesures prises à la suite de l'arrêt et les conclusions à fin d'annulation de M. et Mme F... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. M. et Mme F... ne sont pas les parties perdantes à l'instance. Par suite, les conclusions de Toulouse Métropole Habitat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de Toulouse Métropole Habitat au même titre.

DECIDE :

Article 1er : Il est enjoint à Toulouse Métropole Habitat de proposer à M. et Mme F... la rétrocession du terrain situé 86 chemin du Boudou à Launaguet illégalement préempté par l'office public de l'habitat " Habitat Toulouse " dans les deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 2 : Toulouse Métropole Habitat tiendra la cour immédiatement informée des mesures prises pour exécuter le présent arrêt.

Article 3 : Toulouse Métropole Habitat versera à M. et Mme F... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de Toulouse Métropole Habitat à fin d'homologation et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le surplus des conclusions de M. et Mme F... sont rejetés.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. et Mme A... F... et à Toulouse Métropole Habitat.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Philippe H..., président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

L'assesseur,

Dominique Ferrari

Le président-rapporteur,

Philippe H...

Le greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX01065


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01065
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Analyses

54-06-07-008 Procédure. Jugements. Exécution des jugements. Prescription d'une mesure d'exécution.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : T et L AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-03;19bx01065 ?
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