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21/11/2019 | FRANCE | N°17BX04121

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 21 novembre 2019, 17BX04121


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'État à lui verser une indemnité d'un montant de 75 536,25 euros en réparation des préjudices causés par l'arrêté du 8 octobre 2013 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et le radiant des cadres.

Par un jugement n° 1505709 du 23 octobre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'État à verser à M. C... une indemnité d'un montant de 8 896,25 euros.

Procédure devant la co

ur :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 décembre 2017 et 25 octobre 2018, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'État à lui verser une indemnité d'un montant de 75 536,25 euros en réparation des préjudices causés par l'arrêté du 8 octobre 2013 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et le radiant des cadres.

Par un jugement n° 1505709 du 23 octobre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'État à verser à M. C... une indemnité d'un montant de 8 896,25 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 décembre 2017 et 25 octobre 2018, le ministre des armées demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 octobre 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Il soutient que :

- le lien de causalité direct et certain entre l'affection dont a souffert M. C... et le service n'est pas établi, notamment au regard des conclusions de l'expertise judiciaire ;

- le défaut de notification de l'avis de la commission de réforme des militaires n'est pas de nature à engager la responsabilité de l'administration et ne présente pas de lien direct et certain avec le préjudice allégué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2018, M. C..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que soit mis à la charge de l'État le paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le ministre des armées ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance du 3 mars 2015, par laquelle le président du tribunal administratif de Toulouse a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expertise à la somme de 700 euros.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... A...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., officier de l'armée de terre recruté par contrat le 1er octobre 2001, a été titularisé le 1er août 2005. Il a été placé en congé de longue durée pour maladie à compter du 8 juillet 2006, régulièrement renouvelé jusqu'au 7 juillet 2009 en raison d'un syndrome dépressif. Reconnu apte à la reprise de service à l'issue de ce congé, il a été affecté au 57ème bataillon d'infanterie de Bordeaux, puis au groupement de soutien de la base de défense de Bordeaux Mérignac. Il a ensuite été à nouveau placé en congé de longue durée pour maladie non imputable au service à compter du 17 septembre 2011, régulièrement renouvelé par périodes de six mois. Puis, après un avis d'inaptitude définitive aux fonctions émis par la commission de réforme des militaires, il a été radié des cadres, à compter du 16 novembre 2013, par un arrêté du 8 octobre 2013. M. C... a saisi, le 15 novembre 2013, le ministre des armées d'une demande tendant au versement d'une indemnité en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de cette décision au motif qu'il aurait dû bénéficier d'un congé de longue durée, pour maladie imputable au service, d'une durée maximale de huit ans à compter du 17 septembre 2011. Le ministre des armées relève appel du jugement du 23 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'État à verser à M. C... une indemnité d'un montant de 8 896,25 euros.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 4138-12 du code de la défense : " Le congé de longue durée pour maladie est attribué, après épuisement des droits de congé de maladie (...) pour les affections dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État. / Lorsque l'affection survient du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions ou à la suite de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ce congé est d'une durée maximale de huit ans. Le militaire perçoit, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État, sa rémunération pendant cinq ans, puis une rémunération réduite de moitié les trois années qui suivent. / Dans les autres cas, ce congé est d'une durée maximale de cinq ans et le militaire de carrière perçoit, dans les conditions définies par décret en Conseil d'État, sa rémunération pendant trois ans, puis une rémunération réduite de moitié les deux années qui suivent. ". Aux termes de l'article R. 4138-47 du même code : " Le congé de longue durée pour maladie est la situation du militaire, qui est placé, au terme de ses droits à congé de maladie ou de ses droits à congé du blessé, dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions pour l'une des affections suivantes : (...) 3° Troubles mentaux et du comportement présentant une évolution prolongée et dont le retentissement professionnel ou le traitement sont incompatibles avec le service. ". Aux termes de l'article R. 4138-55 de ce code : " Le militaire placé en congé de longue durée pour maladie, qui a repris son service sans avoir épuisé la totalité de ses droits à congé, peut bénéficier, pour la même affection, de nouvelles périodes de congé dans les limites de la durée maximale fixée à l'article L. 4138-12. ". Enfin, l'article R. 4138-56 dudit code dispose que : " Le militaire ayant bénéficié de la totalité de ses droits à congés de longue durée pour maladie est, s'il demeure dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, radié des cadres ou rayé des contrôles pour réforme définitive après avis de la commission mentionnée au 4° de l'article L. 4139-14.(...) ".

3. Une maladie contractée par un militaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

4. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judiciaire ordonnée par le juge des référés du tribunal, que la pathologie dépressive de M. C..., qui s'était déjà manifestée au cours des années 2006 à 2009, trouve son origine dans ses antécédents familiaux. Si l'expert judiciaire mentionne également, au regard des dires de l'intéressé, qu'il " est crédible que M. C... ait été l'objet d'une forme de harcèlement de la part d'un supérieur " et qu'il " présente un état antérieur qui n'aurait pas décompensé spontanément sans la survenue d'un évènement extérieur dont l'action a fait écho aux blessures de l'enfance ", cette simple hypothèse, qui n'est corroborée par aucune pièce produite au dossier attestant de la réalité des conditions de travail de M. C... de nature à susciter chez lui une décompensation thymique, ne peut suffire à établir le lien direct entre la dépression dont a souffert l'intéressé à compter du 17 septembre 2011 et le service. En outre, et contrairement à ce que soutient M. C..., si le médecin des armées, qui a rendu un avis le 19 août 2011 sur la réouverture du congé de longue durée à compter du 17 septembre suivant, reprend ses dires sur l'existence d'un conflit avec son supérieur hiérarchique, il ne conclut pas à l'imputabilité au service de l'état dépressif de l'intéressé en estimant que les antécédents de ce dernier " ne semblent pas expliquer à eux seuls le déclenchement d'un nouvel épisode dépressif ". L'avis du médecin rendu le 26 mars 2014 n'établit pas davantage le caractère direct entre la pathologie présentée par M. C... et le service. Par suite, la décision par laquelle M. C... a été radié des cadres pour inaptitude définitive aux fonctions, à l'issue du congé de longue durée pour une même affection de dépression d'une durée globale de cinq ans, n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation. D'ailleurs, M. C... n'a contesté aucune des décisions successives, prises sur avis du médecin du service des armées, portant renouvellement de son congé de longue durée pour une nouvelle période de six mois pour maladie non imputable au service.

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 4138-55 du code de la défense : " Le militaire ayant bénéficié de la totalité de ses droits à congés de longue durée pour maladie est, s'il demeure dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, radié des cadres ou rayé des contrôles pour réforme définitive après avis de la commission mentionnée au 4° de l'article L. 4139-14. ". Aux termes de l'article R. 4139-59 du même code : " L'avis de la commission de réforme des militaires est (...) notifié à l'intéressé. / Dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'avis, l'intéressé (...) peut demander que l'avis de la commission de réforme des militaires soit réexaminé par une autre commission de réforme des militaires. ". Aux termes de son article R. 4139-60 : " Le ministre de la défense (...) prend, par arrêté, une décision conforme à l'avis de la commission de réforme des militaires. ".

6. Le ministre des armées ne conteste pas que l'avis défavorable de la commission de réforme, qui s'est prononcée le 25 septembre 2013 sur l'aptitude physique de M. C... à l'exercice des fonctions afférentes aux emplois de son grade, n'a pas été notifié à ce dernier, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 4139-59 du code de la défense. Ce vice, qui a fait perdre une garantie à l'intéressé, entache d'illégalité l'arrêté du 8 octobre 2013. Cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'État à l'égard de M. C.... Cependant, il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que M. C... présentait une inaptitude définitive aux fonctions justifiant sa radiation des cadres. Par suite, les préjudices qu'il invoque, tenant à une perte de rémunération ainsi qu'à une perte de chance sérieuse d'être placé de nouveau en position d'activité et de poursuivre sa carrière militaire, ne peuvent être regardés comme étant en lien de causalité direct avec la faute ainsi commise par l'administration.

7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé, pour condamner l'État à verser à M. C... une indemnité d'un montant de 8 896,25 euros, sur les fautes commises à ne pas avoir reconnu comme imputable au service l'affection dont il souffrait et à ne pas lui avoir notifié l'avis de la commission de réforme.

8. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. C... devant le tribunal.

9. Il résulte de l'instruction que le congé de longue durée a été accordé à M. C... à compter du 17 septembre 2011 pour une même affection, relevant des troubles mentaux et du comportement au sens de l'article R. 4138-47 précité, que celle pour laquelle il avait été placé en congé de longue durée du 8 juillet 2006 au 7 juillet 2009. Ainsi, le ministre a pu, sans commettre d'erreur de droit, prendre en compte la durée de la première période du congé de longue durée accordé à l'intéressé pour calculer la durée maximale du congé de longue durée auquel il pouvait prétendre. Par suite, la responsabilité de l'État ne saurait être engagée de ce fait.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'État à verser à M. C... une indemnité d'un montant de 8 896,25 euros.

Sur les dépens :

11. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 700 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Toulouse du 3 mars 2015, à la charge définitive de M. C..., partie perdante à l'instance.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Bordeaux et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 700 euros, sont mis à la charge définitive de M. C....

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. E... C....

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. B... A..., président-assesseur,

M. David Terme, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.

Le rapporteur,

Didier A...

Le président,

Marianne HardyLe greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N° 17BX04121


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17BX04121
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Armées et défense - Personnels militaires et civils de la défense - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires.

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de longue durée.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET NORAY - ESPEIG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-21;17bx04121 ?
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