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28/11/2019 | FRANCE | N°17BX01849

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 28 novembre 2019, 17BX01849


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des bénéfices industriels et commerciaux pour un montant de 204 564 euros au titre des années 2007, 2008 et 2009 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1502334, 1502335 du 12 avril 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête,

un mémoire en production de pièces et un mémoire en réplique, enregistrés le 12 juin 2017, le 27...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des bénéfices industriels et commerciaux pour un montant de 204 564 euros au titre des années 2007, 2008 et 2009 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1502334, 1502335 du 12 avril 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire en production de pièces et un mémoire en réplique, enregistrés le 12 juin 2017, le 27 juin 2017 et le 21 mars 2018, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 avril 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 à 2009 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en ce qui concerne la régularité du jugement : celui-ci a irrégulièrement prononcé la jonction de deux instances alors qu'elles concernent deux contribuables distincts et des impositions et des périodes différentes ;

- en ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition : le recours à la procédure d'évaluation d'office n'est pas justifié car l'opposition de la SARL Ixion au contrôle fiscal engagé à son encontre n'est pas caractérisé. Par ailleurs, son comportement ne traduisait pas une volonté d'opposition au contrôle fiscal mais surtout un état dépressif ;

- en ce qui concerne le bien-fondé des impositions : il justifie par les pièces produites de la réduction du montant des résultats de la SARL Ixion.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 5 décembre 2017 et le 12 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- depuis le revirement de jurisprudence du Conseil d'Etat, opéré par une décision n° 370251 373530 du 23 octobre 2015, le juge administratif dispose, sans jamais y être tenu, de la faculté de joindre deux ou plusieurs affaires, y compris lorsqu'elles concernent des contribuables ou des impositions distinctes. Ainsi, la jonction ne peut pas être contestée en tant que telle devant le juge d'appel ; le moyen d'irrégularité du jugement pour ce motif doit donc être rejeté ;

- c'est à bon droit que l'attitude du requérant a été qualifiée d'opposition à contrôle fiscal justifiant la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office dans le cadre du contrôle de la SARL Ixion ;

- il appartient au contribuable d'établir que le montant des charges dont il peut justifier est supérieur au montant forfaitaire globalement admis par le service. De plus, les justificatifs produits ne sont pas de nature à établir que les dépenses mentionnées par le requérant satisfont aux conditions générales de déductibilité des charges.

Par ordonnance du 21 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 21 février 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... A...,

- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., est le gérant et associé unique de la SARL Ixion, société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes relevant des dispositions de l'article 8 du code général des impôts. Il relève appel du jugement du 12 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 à 2009 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, évalués d'office par l'administration dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SARL Ixion.

Sur la régularité du jugement :

2. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif dispose, sans jamais y être tenu, de la faculté de joindre deux ou plusieurs affaires, y compris lorsqu'elles concernent des contribuables ou des impositions distinctes. Ainsi, la jonction est, par elle-même, insusceptible d'avoir un effet sur la régularité de la décision rendue et ne peut, par suite, être contestée en tant que telle devant le juge d'appel.

3. Il résulte de ce qui précède que la décision des premiers juges n'est pas irrégulière du seul fait que le tribunal a joint le jugement de la demande de M. C... tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ce dernier a été assujetti et celui de la demande de la société Ixion tendant à la décharge de rappels de taxe sur la valeur ajoutée, l'ensemble de ces impositions ayant procédé du même contrôle opéré dans la société.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que M. C..., gérant et associé unique de la SARL Ixion, n'a pas donné suite aux actes de procédure ni aux propositions de rendez-vous qui lui ont été transmises par lettre recommandée avec avis de réception et n'a pas non plus donné suite au procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal dont il avait été préalablement informé des risques encourus, qui lui a été communiqué et qu'il a réceptionné le 20 novembre 2010. Par ailleurs, si le requérant soutient qu'il souffrait de troubles anxio-dépressifs au moment du contrôle en raison des difficultés financières auxquelles il était confronté, il ne résulte pas du certificat médical établi le 8 novembre 2011 par son médecin traitant, mentionnant une consultation du 10 septembre 2009 pour un syndrome dépressif réactionnel, et des deux attestations établies par des proches, que sa dépression le rendait totalement incapable d'accomplir les actes de la vie civile et de gérer ses affaires ou de désigner un conseil pouvant le représenter. Dans ces conditions, M. C... s'est placé dans une situation caractérisant l'opposition au contrôle fiscal visée par les dispositions précitées de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration fiscale a mis en oeuvre la procédure d'évaluation d'office.

En ce qui concerne le bien fondé de l'imposition :

6. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition en démontrant son caractère exagéré. ". Par ailleurs, en vertu de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, comme ce fût le cas de la détermination du montant des bénéfices industriels et commerciaux de la société Ixion, au titre des années 2007 à 2009, dont M. C... est le gérant et associé unique, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition.

7. Aux termes des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Par ailleurs, aux termes du 1 de l'article 39 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Toutefois, pour être admis en déduction des bénéfices imposables, les frais et charges doivent être exposés dans l'intérêt direct de l'exploitation, se rattacher à la gestion normale de l'entreprise ou correspondre à une charge effective.

8. En outre, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions et les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

9. En l'espèce, confrontée à l'absence de présentation de documents comptables, l'administration a déterminé le chiffre d'affaires de la société Ixion sur la base des encaissements reconstitués à partir des relevés bancaires obtenus dans le cadre du droit de communication exercé auprès de la banque BNP Paribas et du montant des créances des clients à l'ouverture et à la clôture des exercices vérifiés. Puis, dans un souci de réalisme économique, et alors qu'en raison de l'opposition au contrôle fiscal, aucune charge n'était justifiée, le vérificateur a néanmoins admis en déduction un montant correspondant à 10 % du chiffre d'affaires hors taxe reconstitué, soit les sommes de 8 828 euros en 2007, 25 151 euros en 2008 et 15 754 euros en 2009. Elle a également accepté de retenir, au titre des achats de marchandises, un montant correspondant à celui des acquisitions intracommunautaires ressortant des bases de données de l'administration, corrigé de la variation des stocks, tel qu'il apparaissait dans la liasse fiscale déposée au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007. Ainsi, l'administration a admis, au titre des achats retenus, les sommes de 45 977 euros en 2007, 127 535 euros en 2008 et 94 064 euros en 2009. En conséquence, le montant global des charges admises par l'administration s'est élevé à 54 805 euros, 152 686 euros et 109 818 euros au titre de ces trois années.

10. M. C... demande que les charges retenues lors de l'évaluation d'office du bénéfice industriel et commercial de la société Ixion, qui ont ainsi été évaluées forfaitairement à 10 % du chiffre d'affaires, soient portées de 8 828 euros à 27 042 euros pour 2007, de 25 151 à 80 338 euros pour 2008 et de 15 754 à 42 040 euros pour 2009. Cependant, ces montants sont inférieurs à ceux finalement admis en déduction par l'administration. Par suite, l'argumentation du requérant à ce titre n'est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé des impositions en litige. Au surplus, pour justifier de ces charges supplémentaires, M. C... produit divers documents. Cependant, faute d'avoir présenté une comptabilité lors des opérations de vérification, le requérant a mis l'administration dans l'impossibilité d'établir si les charges en cause avaient été exposées dans l'intérêt direct ou correspondaient à une charge de la SARL Ixion et seraient déductibles du bénéfice imposable qui, par suite, a été évalué d'office alors que le service a également constaté plusieurs anomalies et incohérences concernant ces documents qui pour certains ne correspondent pas à des factures ou ne sont pas libellés au nom de la SARL Ixion. En outre s'agissant des factures produites, elles ne permettent pas d'établir si les frais et charges en résultant répondaient aux conditions requises qui viennent d'être rappelées. En effet, M. C..., auquel incombe la charge de la preuve de justifier du montant des charges qu'il entend déduire de son bénéfice imposable, en s'abstenant de produire sa comptabilité, ainsi qu'il a été dit, n'établit pas une inscription comptable ayant valeur probante permettant de retenir ces montants en déduction du résultat de la société imposable entre ses mains. Ainsi, le requérant n'apporte pas de précision suffisante quant à l'objet de ces dépenses et ainsi ne justifie pas du principe même de leur déduction. Dès lors, il résulte de ce qui précède que M. C... n'apporte pas la preuve qui lui incombe que le bénéfice net arrêté d'office par l'administration de la SARL Ixion est exagéré et en conséquence, il ne peut être regardé comme apportant la preuve de l'exagération de son imposition à l'impôt sur le revenu. Par suite, les conclusions tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti pour un montant de 204 564 euros au titre des années 2007 à 2009 doivent être rejetées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 31 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. E... A..., président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 novembre 2019.

Le rapporteur,

Dominique A...Le président

Philippe PouzouletLe greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX01849


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX01849
Date de la décision : 28/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : CABINET CAMILLE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-28;17bx01849 ?
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