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18/02/2020 | FRANCE | N°18BX00908,18BX01015,18BX01124

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 18 février 2020, 18BX00908,18BX01015,18BX01124


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. La société Solairwatt, société par actions simplifiée, par trois demandes distinctes, a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer, d'une part, la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012 dans les rôles des communes de Giroussens, Tecou et Lisle-sur-Tarn et au titre de l'année 2013 dans les rôles des communes de Giroussens, Tecou, Lisle-sur-Tarn, Le Garric, Labastide Gabausse et Saint-Jean-de-Marcel, m

is en recouvrement le 30 avril 2014, d'autre part, la décharge de la cotisati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. La société Solairwatt, société par actions simplifiée, par trois demandes distinctes, a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer, d'une part, la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012 dans les rôles des communes de Giroussens, Tecou et Lisle-sur-Tarn et au titre de l'année 2013 dans les rôles des communes de Giroussens, Tecou, Lisle-sur-Tarn, Le Garric, Labastide Gabausse et Saint-Jean-de-Marcel, mis en recouvrement le 30 avril 2014, d'autre part, la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015 dans les rôles de la commune de Lisle-sur-Tarn à raison de l'établissement situé au lieu-dit Les Compayres, mise en recouvrement le 31 octobre 2015 et, enfin, la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015 dans les rôles de la commune de Tecou, mis en recouvrement le 31 octobre 2015.

Par un jugement n° 1505583-1506080-1506082 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 18BX00908, le 1er mars 2018, le 5 octobre 2018 et le 25 septembre 2019, la société Solairwatt, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 décembre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions susmentionnées ;

3°) de lui rembourser les frais engagés dans la présente procédure selon la facture produite.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal a opéré une confusion sur sa demande en l'analysant comme tendant à la décharge totale de la cotisation foncière des entreprises alors qu'elle ne sollicitait que la correction de la base d'imposition à la cotisation foncière des entreprises, et n'a pas répondu à sa demande ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- en application du 11° et du 12° de l'article 1382 du code général des impôts, les installations photovoltaïques sont exonérées de taxe foncière ;

- en application de l'article 1467 du même code, le prix de revient des hangars agricoles ne doit pas être pris en compte dans le calcul de la base d'imposition à la cotisation foncière des entreprises dès lors qu'un dégrèvement de taxe foncière a été prononcé ; dans les communes où les centrales photovoltaïques sont posées sur la toiture des hangars agricoles dont elle n'a pas la propriété et dont la toiture seule est louée par voie de bail emphytéotique, les hangars ne sont pas en tant que tels, donnés à bail ; dans les communes où un bail à construction a été signé, le bail stipule que l'utilisateur du bâtiment est le bailleur ;

- ainsi, elle n'a pas disposé de ces immeubles pour les besoins de son activité de production ; elle ne les exploite pas ainsi qu'il résulte des procès-verbaux de constat d'huissier ;

- les immeubles ont été exonérés de taxe foncière en vertu du 6° de l'article 1382 du code général des impôts ; la base de la cotisation foncière des entreprises correspond à la valeur locative des biens passibles de taxe foncière ; ainsi, dès lors que les immeubles en cause constituent des biens exonérés de taxe foncière, les centrales ne sont pas assujetties à la cotisation foncière des entreprises ;

- le prix de revient des panneaux photovoltaïques dont le montant est arbitraire, a été inclus à tort par le service dans la base d'imposition retenue pour le calcul de la cotisation foncière des entreprises ; ce n'est que par une erreur matérielle qu'elle a inclus en comptabilité dans le poste " construction " les installations photovoltaïques alors qu'elles sont exonérées de cotisation foncière des entreprises ; le service a considéré à tort qu'il y avait lieu d'inclure une partie des panneaux photovoltaïques dans le prix de revient de ces constructions ;

- le centre des finances publiques de Castres, saisi d'une réclamation contentieuse motivée sur le même fondement et en termes identiques a opéré un dégrèvement en cotisation foncière des entreprises pour l'année 2018 concernant les immeubles situés sur les communes de Giroussens et Puylaurens.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 septembre 2018 et le 11 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Procédure contentieuse antérieure :

II. La société Solairwatt a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015 dans les rôles de la commune de Lisle-sur-Tarn à raison de l'établissement situé au lieu-dit Vergat, mise en recouvrement le 31 octobre 2015.

Par un jugement n° 1506081 du22 janvier 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 18BX01015, le 9 mars 2018, le 5 octobre 2018, le 23 septembre 2019 et le 27 décembre 2019, la société Solairwatt, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 janvier 2018 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition susmentionnée ;

3°) de lui rembourser les frais engagés dans la présente procédure selon la facture produite.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal a opéré une confusion sur sa demande en l'analysant comme tendant à la décharge totale de la cotisation foncière des entreprises alors qu'elle ne sollicitait que la correction de la base d'imposition à la cotisation foncière des entreprises, et n'a pas répondu à sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

- en application du 11° et du 12° de l'article 1382 du code général des impôts, les installations photovoltaïques sont exonérées de cotisation foncière des entreprises ;

- en application de l'article 1467 du même code, le prix de revient des hangars agricoles ne doit pas être pris en compte dans le calcul de la base d'imposition à la cotisation foncière des entreprises dès lors qu'un dégrèvement de taxe foncière a été prononcé ; dans les communes où les centrales photovoltaïques sont posées sur la toiture des hangars agricoles dont elle n'a pas la propriété et dont la toiture seule est louée par voie de bail emphytéotique, les hangars ne sont pas en tant que tels, donnés à bail ; dans les communes où un bail à construction a été signé, le bail stipule que l'utilisateur du bâtiment est le bailleur ;

- ainsi, elle n'a pas disposé de ces immeubles pour les besoins de son activité de production ; elle ne les exploite pas ainsi qu'il résulte des procès-verbaux de constat d'huissier ;

- les immeubles ont été exonérés de taxe foncière en vertu du 6° de l'article 1382 du code général des impôts ; la base de la cotisation foncière des entreprises correspond à la valeur locative des biens passibles de taxe foncière ; ainsi, dès lors que les immeubles en cause constituent des biens exonérés de taxe foncière, les centrales ne sont pas assujetties à la cotisation foncière des entreprises ;

- le prix de revient des panneaux photovoltaïques dont le montant est arbitraire, a été inclus à tort par le service dans la base d'imposition retenue pour le calcul de la cotisation foncière des entreprises ; ce n'est que par une erreur matérielle qu'elle a inclus en comptabilité dans le poste " construction " les installations photovoltaïques alors qu'elles sont exonérées de cotisation foncière des entreprises ; le service a considéré à tort qu'il y avait lieu d'inclure une partie des panneaux photovoltaïques dans le prix de revient de ces constructions ;

- le centre des finances publiques de Castres, saisi d'une réclamation contentieuse motivée sur le même fondement et en termes identiques a opéré un dégrèvement en cotisation foncière des entreprises pour l'année 2018 concernant les immeubles situés sur les communes de Giroussens et Puylaurens.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 septembre 2018 et le 11 septembre 2019 et le 3 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Procédure contentieuse antérieure :

III. La société Solairwatt a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer, d'une part, la décharge de la cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014 dans les rôles de la commune de Lisle-sur-Tarn à raison de l'établissement situé au lieu-dit Les Compayres, mise en recouvrement le 30 avril 2014, s'agissant des années 2012 et 2013, et le 30 novembre 2015, s'agissant de l'année 2014, d'autre part, la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014 dans les rôles de la commune de Tecou à raison de l'établissement situé au lieu-dit Gamot, mise en recouvrement le 30 avril 2015, de troisième part, la décharge des cotisations foncières des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 dans les rôles de la commune de Puylaurens à raison de l'établissement situé au lieu-dit Camp Grand, mise en recouvrement le 30 avril 2014 et, enfin, la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014 dans les rôles de la commune de Lisle-sur-Tarn à raison de l'établissement situé au lieu-dit Vergat, mise en recouvrement le 30 novembre 2015.

Par un jugement n° 1602411-1602412-1602413-1602414 du 19 février 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 18BX01124, le 19 mars 2018, le 5 octobre 2018, le 24 septembre 2019 et le 27 décembre 2019, la société Solairwatt, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 février 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions susmentionnées ;

3°) de lui rembourser les frais engagés dans la présente procédure selon la facture jointe.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal a opéré une confusion sur sa demande en l'analysant comme tendant à la décharge totale de la cotisation foncière des entreprises alors qu'elle ne sollicitait que la correction de la base d'imposition à la cotisation foncière des entreprises, et n'a pas répondu à sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

- en application du 11° et du 12° de l'article 1382 du code général des impôts, les installations photovoltaïques sont exonérées de cotisation foncière des entreprises ;

- en application de l'article 1467 du même code, le prix de revient des hangars agricoles ne doit pas être pris en compte dans le calcul de la base d'imposition à la cotisation foncière des entreprises dès lors qu'un dégrèvement de taxe foncière a été prononcé ; dans les communes où les centrales photovoltaïques sont posées sur la toiture des hangars agricoles dont elle n'a pas la propriété et dont la toiture seule est louée par voie de bail emphytéotique, les hangars ne sont pas en tant que tels, donnés à bail ; dans les communes où un bail à construction a été signé, le bail stipule que l'utilisateur du bâtiment est le bailleur ;

- ainsi, elle n'a pas disposé de ces immeubles pour les besoins de son activité de production ; elle ne les exploite pas ainsi qu'il résulte des procès-verbaux de constat d'huissier ;

- les immeubles ont été exonérés de taxe foncière en vertu du 6° de l'article 1382 du code général des impôts ; la base de la cotisation foncière des entreprises correspond à la valeur locative des biens passibles de taxe foncière ; ainsi, dès lors que les immeubles en cause constituent des biens exonérés de taxe foncière, les centrales ne sont pas assujetties à la cotisation foncière des entreprises ;

- le prix de revient des panneaux photovoltaïques dont le montant est arbitraire, a été inclus à tort par le service dans la base d'imposition retenue pour le calcul de la cotisation foncière des entreprises ; ce n'est que par une erreur matérielle qu'elle a inclus en comptabilité dans le poste " construction " les installations photovoltaïques alors qu'elles sont exonérées de cotisation foncière des entreprises ; le service a considéré à tort qu'il y avait lieu d'inclure une partie des panneaux photovoltaïques dans le prix de revient de ces constructions ;

- le centre des finances publiques de Castres, saisi d'une réclamation contentieuse motivée sur le même fondement et en termes identiques a opéré un dégrèvement en cotisation foncière des entreprises pour l'année 2018 concernant les immeubles situés sur les communes de Giroussens et Puylaurens.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 septembre 2018, le 11 septembre 2019 et le 3 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... C...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me D...-A..., représentant la société Solairwatt.

Considérant ce qui suit :

1. La société Solairwatt, société par actions simplifiée (SAS) qui a pour activité la production d'électricité au moyen de panneaux photovoltaïques installés sur des bâtiments agricoles, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a soumis les biens fonciers mis en oeuvre pour l'activité de la société Solairwatt à la cotisation foncière des entreprises.

2. La SAS Solairwatt a demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre de l'année 2012 dans les rôles des communes de Giroussens, Tecou et Lisle-sur-Tarn et au titre de l'année 2013 dans les rôles des communes de Giroussens, Tecou, Lisle-sur-Tarn, Le Garric, Labastide Gabausse et Saint-Jean-de-Marcel, mises en recouvrement le 30 avril 2014, la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015 dans les rôles de la commune de Lisle-sur-Tarn à raison de l'établissement situé au lieu-dit Les Compayres, mise en recouvrement le 31 octobre 2015 et la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015 dans les rôles de la commune de Tecou, mis en recouvrement le 31 octobre 2015.

3. Elle a également demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015 dans les rôles de la commune de Lisle-sur-Tarn à raison de l'établissement situé au lieu-dit Vergat, mise en recouvrement le 31 octobre 2015.

4. Enfin la société Solairwatt a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014 dans les rôles de la commune de Lisle-sur-Tarn à raison de l'établissement situé au lieu-dit Les Compayres, mise en recouvrement le 30 avril 2014, s'agissant des années 2012 et 2013, et le 30 novembre 2015, s'agissant de l'année 2014, la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014 dans les rôles de la commune de Tecou à raison de l'établissement situé au lieu-dit Gamot, mise en recouvrement le 30 avril 2015, la décharge des cotisations foncières des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 dans les rôles de la commune de Puylaurens à raison de l'établissement situé au lieu-dit Camp Grand, mise en recouvrement le 30 avril 2014 et la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014 dans les rôles de la commune de Lisle-sur-Tarn à raison de l'établissement situé au lieu-dit Vergat, mise en recouvrement le 30 novembre 2015.

5. La SAS Solairwatt relève appel des trois jugements par lesquels le tribunal administratif de Toulouse a rejeté l'ensemble de ses demandes, par trois requêtes distinctes qu'il y a lieu de joindre dès lors qu'elles concernent le même contribuable et présentent à juger des questions communes.

Sur la régularité des jugements attaqués :

6. Il ressort des termes des jugements attaqués que le tribunal ne s'est pas mépris sur la portée des conclusions dont il était saisi et a répondu à l'ensemble des moyens soulevés par la société. La circonstance qu'il aurait écarté ces moyens par des motifs erronés n'est pas de nature à entacher le jugement d'irrégularité mais doit être examiné dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

7. Aux termes du I de l'article 1447 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale ou les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée ". L'article 1467 du même code dispose que : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période (...) ". Aux termes de l'article 1382 de ce code : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : (...) 6° a. Les bâtiments qui servent aux exploitations rurales tels que granges, écuries, greniers, caves, celliers, pressoirs et autres (...) L'exercice d'une activité de production d'électricité d'origine photovoltaïque ayant pour support un bâtiment visé au premier alinéa n'est pas de nature à remettre en cause l'exonération (...) 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l'article 1381 ; 12° Les immobilisations destinées à la production d'électricité d'origine photovoltaïque ".

8. Il résulte des dispositions précitées de l'article 1467 du code général des impôts que les biens dont la valeur locative est ainsi intégrée dans l'assiette de la cotisation foncière des entreprises sont ceux placés sous le contrôle du redevable et que celui-ci utilise matériellement pour la réalisation des opérations qu'il effectue pendant la période de référence. Si l'article 1382 précité du code général des impôts, en son 6°, exonère les bâtiments agricoles de taxe foncière sur les propriétés bâties, ces bâtiments sont cependant au nombre des biens passibles de taxe foncière et doivent ainsi être retenus pour la détermination de la base de la cotisation foncière des entreprises s'il s'agit de biens placés sous le contrôle du redevable et que celui-ci utilise matériellement pour la réalisation des opérations qu'il effectue.

9. Pour l'application de l'article 1467 précité, les bâtiments agricoles installés par la société Solairwatt dans le cadre de baux à construction ou mis à sa disposition par bail emphytéotique ne peuvent être regardés comme utilisés matériellement par elle pour la réalisation des opérations qu'elle effectue que pour la partie de ces bâtiments affectée à la production d'énergie électrique.

10. Pour déterminer la cotisation foncière des entreprises dont la société Solairwatt est redevable, l'administration fiscale a exclu de la base imposable les matériels et panneaux photovoltaïques, conformément aux dispositions combinées de l'article 1467 et du 12° de l'article 1382 du code général des impôts, mais a en revanche retenu la valeur locative des bâtiments agricoles sur le toit desquels la société a installé ses panneaux photovoltaïques.

11. S'agissant des supports mis à disposition de la société Solairwatt par bail emphytéotique, il résulte de l'instruction, et notamment des baux produits au dossier, lesquels précisent qu'est donné à bail " une partie du bâtiment en nature de toiture ... sur une propriété agricole ", que ces baux ne portent que sur la partie toiture des bâtiments agricoles concernés, selon des états descriptifs de division, et qu'ils donnent à la société Solairwatt la jouissance de cette partie toiture. Ainsi, la société Solairwatt doit être regardée comme ayant le contrôle et la jouissance de la seule partie toiture des bâtiments au titre desquels elle a conclu un bail emphytéotique. Mais bien que les toitures abritent l'activité agricole déployée dans les bâtiments, la société doit, aux termes de ces baux, être regardée comme ayant l'entière maîtrise de ces toitures pour les besoins de sa propre activité.

12. S'agissant des supports réalisés par la société à la suite d'un bail à construction, il résulte de l'instruction, et notamment des baux produits au dossier, lesquels précisent que " le bailleur, propriétaire du sol, pourra céder, louer, mettre à disposition, tout ou partie du bâtiment ou l'apporter en société à des tiers de son choix ", que les bâtiments construits par la société Solairwatt, qui seront sa propriété durant le bail, sont à usage agricole à l'exception de la toiture, destinée à supporter une centrale photovoltaïque et des locaux techniques et que la société a la jouissance des constructions pendant les travaux et durant le bail, alors même que le bailleur a le pouvoir de céder, louer ou mettre à disposition le bâtiment. Il résulte également de ces baux que la société, seule responsable des accidents ou dommages pouvant survenir notamment à l'occasion de l'exploitation de la centrale photovoltaïque, a l'obligation de souscrire un contrat d'assurance à ce titre. Dans ces conditions, la société requérante doit être regardée comme ayant le contrôle et la jouissance de la partie toiture et locaux techniques nécessaires à son activité des bâtiments construits, tandis que les autres parties des bâtiments sont mis à la disposition du bailleur qui les utilise pour les besoins de son activité agricole.

13. Il résulte de ce qui précède que les bâtiments agricoles installés par la requérante et ceux dont la toiture a été mise à sa disposition pour l'installation de panneaux photovoltaïques, alors même qu'ils sont inscrits au bilan de la société, ne doivent être compris dans les bases de la cotisation foncière des entreprises à laquelle est assujettie la société requérante qu'à concurrence de la valeur locative de la partie toiture de ces bâtiments qui supportent des centrales photovoltaïques.

En ce qui concerne l'application de la doctrine fiscale :

14. Aux termes de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. ". Aux termes de l'article L 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L 80 A est applicable lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal. ".

15. Si la société requérante se prévaut du dégrèvement qu'elle a obtenu au titre de la cotisation foncière des entreprises pour les biens situés dans les communes de Giroussens et de Puylaurens, il résulte toutefois de l'instruction que l'avis de dégrèvement, qui ne comporte aucune motivation particulière, ne constitue pas une prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation de la situation de la société requérante au regard de l'application de la loi. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales précitées pour demander la décharge ou la réduction des impositions litigieuses.

16. L'état des dossiers ne permet pas à la cour de déterminer les éléments à prendre en compte pour la détermination de la base d'imposition, et notamment la fraction à retenir du prix de revient total des bâtiments, en excluant les dépenses concernant les matériels et panneaux photovoltaïques. Il y a lieu d'ordonner, avant de statuer sur les conclusions des requêtes de la société Solairwatt, un supplément d'instruction contradictoire sur ce point.

DECIDE :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur les conclusions des requêtes de la société Solairwatt, procédé par l'administration fiscale, contradictoirement avec la société Solairwatt, à un supplément d'instruction afin de déterminer, le cas échéant de manière forfaitaire, la valeur locative des toitures des bâtiments supportant les installations photovoltaïques, qui doivent être comprises dans les bases de la cotisation foncière des entreprises en litige.

Article 2 : Il est accordé aux parties un délai de trois mois à compter du présent arrêt pour faire parvenir à la cour les renseignements définis à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Tous droits et moyens sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Solairwatt et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera délivrée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme B... C..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 février 2020.

Le rapporteur,

Caroline C...Le président,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX00908, 18BX01015, 18BX01124


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00908,18BX01015,18BX01124
Date de la décision : 18/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-045-02 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SCP LALANNE - DERRIEN-LALANNE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-18;18bx00908.18bx01015.18bx01124 ?
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