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20/02/2020 | FRANCE | N°17BX02028

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 20 février 2020, 17BX02028


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SASU Enseignes Hodé a demandé au tribunal administratif de Toulouse de la décharger des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2012, pour un montant total de 275 326 euros.

Par un jugement n° 1501485 du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a réduit l'intérêt de retard appliqué au rappel de TVA d'un montant de 266 789 euros en base assigné à

la SASU Enseignes Hodé pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2012, en le dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SASU Enseignes Hodé a demandé au tribunal administratif de Toulouse de la décharger des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2012, pour un montant total de 275 326 euros.

Par un jugement n° 1501485 du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a réduit l'intérêt de retard appliqué au rappel de TVA d'un montant de 266 789 euros en base assigné à la SASU Enseignes Hodé pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2012, en le décomptant au dernier jour du mois de chaque paiement effectué, dans la limite du montant notifié, et rejeté le surplus de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juin 2017, la SASU Enseignes Hodé, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 mai 2017 en ce qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande en décharge ;

2°) de la décharger des impositions et pénalités encore en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne la qualification de son activité en prestations de services ou livraison de biens ;

- la proposition de rectification et la réponse à ses observations sont insuffisamment motivées ;

- les prestations de services complémentaires qu'elle fournit à ses clients sont prépondérantes et constituent une fin en soi pour ces derniers ; dès lors, son activité doit, contrairement à ce que soutient l'administration, être qualifiée de prestation de services.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la SASU Enseignes Hodé n'est fondé.

Par ordonnance du 13 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 4 octobre 2019 à 12:00.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... B...,

- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SASU Enseignes Hodé exerce une activité de marquage et production d'enseignes, signalétiques, panneaux et impressions sur divers supports, dans les locaux appartenant à la SCI Garonne Invest situés au 7 rue Isabelle Eberhardt à Toulouse (Haute-Garonne). Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 15 novembre 2012 au 10 avril 2013 ayant porté sur la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2012. A la suite de cette vérification, l'administration a considéré que, contrairement à ce qu'estimait la société, les opérations qu'elle réalisait étaient des livraisons de biens pour lesquelles la taxe sur la valeur ajoutée était exigible à la facturation, et non des prestations de services pour lesquelles la TVA est exigible lors de l'encaissement des acomptes ou du prix. Les rectifications correspondantes ont été notifiées à la société par une proposition de rectification en date du 24 juin 2013, confirmées par l'administration, à la suite des observations de la société en date du 14 août 2013, par un courrier du 2 octobre 2013, puis, après un entretien accordé le 7 novembre 2013 au représentant de la société, par un courrier du responsable de la brigade du 17 novembre 2013. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, saisie à la demande de la redevable, s'est déclarée incompétente dans sa séance du 16 mai 2014. L'imposition supplémentaire a donc été mise en recouvrement par un avis en date du 21 juillet 2014 pour un montant de 275 326 euros en droits et pénalités au titre de la période vérifiée. La réclamation présentée le 31 juillet 2014 par la SASU Enseignes Hodé a été rejetée par une décision du 22 janvier 2015. La SASU Enseignes Hodé relève appel du jugement du 2 mai 2017 en tant que le tribunal administratif de Toulouse ne l'a déchargée des impositions et pénalités contestées qu'à hauteur de 6 651 euros.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal administratif de Toulouse, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments avancés par la SASU Enseignes Hodé à l'appui du moyen tiré de ce que son activité devrait être qualifiée globalement de prestations de services compte tenu du caractère prédominant desdites prestations, pour ses clients, par rapport à la livraison de biens, a, en l'espèce suffisamment motivé sa réponse à ce moyen, comme cela ressort du point 6 de son jugement.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations mais que sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

4. La SASU Enseignes Hodé fait valoir que la procédure de rectification est irrégulière en ce que l'administration n'aurait pas suffisamment motivé la proposition de rectification en date du 24 juin 2013. Elle soutient à cet égard qu'il revenait à l'administration de démontrer, client par client, que la part des services complémentaires était prépondérante dans la prestation, ce qu'elle n'a pas fait. Néanmoins, l'administration respecte l'obligation de motivation prévue par l'article L. 57 précité lorsqu'elle donne aux contribuable toutes les informations nécessaires pour lui permettre de comprendre sa décision, le bien fondé de celle-ci n'ayant à cette égard aucune conséquence sur sa régularité. En l'espèce, tant la proposition de rectification que la réponse aux observations de la SASU Enseignes Hodé expliquent clairement les raisons pour lesquelles l'administration considère que la société ne peut se prévaloir du régime juridique des prestations de services. Par suite, et comme l'a jugé le tribunal administratif, la proposition de rectification satisfait aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

5. Aux termes des dispositions de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / II. 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire. (...) / IV. 1° Les opérations autres que celles qui sont définies au II, notamment la cession ou la concession de biens meubles incorporels, le fait de s'obliger à ne pas faire ou à tolérer un acte ou une situation, les opérations de façon, les travaux immobiliers et l'exécution des obligations du fiduciaire, sont considérés comme des prestations de services (...) " ; que selon les dispositions de l'article 269 du même code : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) 2. La taxe est exigible : / a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 (...), lors de la réalisation du fait générateur ; (...) / c) Pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que la fourniture d'un bien corporel et le transfert du droit d'en disposer comme un propriétaire caractérisent une livraison de biens. Toutefois, l'opération peut être qualifiée de prestations de services si, compte tenu de l'importance que les services complémentaires revêtent pour la clientèle, de leur ampleur, du temps nécessaire à leur exécution et de la part de leur coût dans le coût total, ceux-ci ne sont ni mineurs ni accessoires mais présentent un caractère prédominant par rapport à la livraison de sorte qu'ils constituent une fin en soi pour le client.

7. D'une part, il résulte de l'instruction que la société requérante exerce une activité de réalisation de dispositifs de signalétiques et de marquage, s'agissant notamment d'enseignes et de signalétiques extérieures et intérieures, sous forme de totems, panneaux, bâches tendues, adhésifs, plaques de portes, de marquage industriel et de marquage de véhicules. A la demande de ses clients, elle effectue un travail de création, de mise en page et d'adaptation à partir des fichiers qu'ils lui procurent, elle propose et conçoit parfois des maquettes, en accord avec eux, elle peut être amenée à visiter les lieux où le client souhaite installer le dispositif de marquage ou de signalétique commandé et à lui procurer des conseils, elle procède ensuite à la fabrication du produit puis, le plus souvent, à sa pose. Ces différentes opérations, indissociables d'un point de vue économique, concourent à une réalisation unique, soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.

8. D'autre part, il résulte de l'instruction que la fabrication et la livraison des panneaux, enseignes, supports publicitaires, adhésifs, pochoirs, qui sont des biens corporels, constituent l'objet même des contrats passés par la SASU Enseignes Hodé. A cet égard, les prestations réalisées préalablement par la société, telles que le conseil, les prises de vues ou de cotes, le repérage sur site, la réalisation ou la mise en page de maquettes, la conception technique et l'adaptation du support, et la pose des dispositifs fabriqués, ne constituent pas pour sa clientèle des services complémentaires revêtant du fait de leur ampleur, du temps nécessaire à leur exécution et de la part de leur coût dans le coût total, un caractère prédominant par rapport à la livraison du bien.

9. Il résulte de ce qui précède que c'est par une exacte application des articles 256 et 269 du code général des impôts que l'administration a estimé que la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux opérations réalisées par la SASU Enseignes Hodé était exigible lors de la livraison des biens. Par suite, la SASU Enseignes Hodé n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes à ce titre.

En ce qui concerne les intérêts de retard :

10. Il résulte de ce qui précède que la SASU Enseignes Hodé n'est pas fondée à soutenir qu'elle était en droit de collecter la TVA lors de l'encaissement des factures pour contester les intérêts de retard mis à sa charge, lesquels portent seulement sur les impositions dont le versement a été différé.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la SASU Enseignes Hodé demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SASU Enseignes Hodé est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Enseignes Hodé et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

Mme A... B..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 février 2020.

Le rapporteur,

Sylvie B...Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX02028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX02028
Date de la décision : 20/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-05 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Fait générateur.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : CABINET COTEG et AZAM

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-20;17bx02028 ?
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