La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2020 | FRANCE | N°19BX02848

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 19 mai 2020, 19BX02848


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 février 2019 par lequel le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1900925 du 12 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à l

a cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux du 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 février 2019 par lequel le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1900925 du 12 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux du 12 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 février 2019 du préfet de la Gironde décidant son transfert aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un dossier de demande d'asile et de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, le tribunal administratif de Bordeaux n'ayant pas statué sur le moyen de la méconnaissance de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'article 9 du règlement Dublin a été méconnu dès lors qu'il n'était pas informé qu'il devait fournir par écrit l'information selon laquelle des membres de sa famille ont été admis à la protection subsidiaire en France ;

- l'article 4 du règlement Dublin a été méconnu dès lors qu'il n'a pas été informé de la procédure de transfert et de ses conséquences ;

- la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement n°604/2013 devait être appliquée ;

- les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ont été méconnus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme D... E....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant afghan, déclare être entrée en France le 12 novembre 2018. Il s'est présenté le 19 novembre 2018 à la préfecture de la Gironde afin de déposer une demande d'asile. Après consultation du fichier des empreintes digitales " Eurodac ", il a été constaté qu'il avait déjà déposé des demandes d'asile en Hongrie et en Allemagne. Le 8 janvier 2019, une demande de reprise en charge de l'intéressé a été adressée aux autorités allemandes qui ont accepté le 11 janvier 2019. Par arrêté du 12 février 2019, le préfet de la Gironde a prononcé le transfert de M. C... aux autorités allemandes. M. C... relève appel du jugement du 12 mars 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Comme le relève M. C..., le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui était invoqué dans son mémoire enregistré le 25 février 2019 et n'était pas inopérant. Le jugement attaqué doit, dès lors, être annulé en tant qu'il est entaché de cette omission à statuer.

3. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Sur la demande du requérant :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 9 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un État membre, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit. ". Il résulte toutefois du g) de l'article 2 du même règlement que, pour l'application des dispositions précitées à une personne majeure, seuls le conjoint ou les enfants mineurs du demandeur présents sur le territoire des États membres ont la qualité de membres de sa famille. Par suite, M. C..., né en 1992, qui n'était pas mineur à la date de la décision contestée, ne peut utilement se prévaloir de la présence en France de sa mère et de sa soeur, auxquelles la qualité de réfugié a été reconnue, pour soutenir que la décision litigieuse a été prise en méconnaissance de l'article 9 précité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 9 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'État membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Enfin selon les dispositions de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu de l'entretien individuel dont il a bénéficié le 19 novembre 2018, que le requérant a reçu, avant celui-ci, les informations écrites prévues par le 1 de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit dès lors être écarté.

8. En troisième lieu, si M. C... se prévaut de ce que les services de l'interprète ont été fournis par téléphone sans que le préfet n'en justifie la nécessité conformément aux dispositions précitées de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modalités techniques du déroulement de l'entretien l'auraient privé d'une garantie. Dès lors, ce moyen doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". La faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

10. Au soutien de ce moyen, M. C... se borne à faire valoir que l'Afghanistan est un pays en guerre et que sa mère et sa soeur ont obtenu la protection subsidiaire. Toutefois, ces éléments sont insuffisants pour établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation alors que sa demande d'asile sera instruite en Allemagne. Par suite, en ne mettant pas en oeuvre la procédure dérogatoire prévue par les dispositions précitées du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'illégalité.

11. En cinquième lieu, l'appelant est entré très récemment en France où il ne peut se prévaloir d'aucun lien personnel et familial de nature particulière. Par suite, l'arrêté en litige n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. En sixième et dernier lieu, la décision contestée a seulement pour objet de transférer l'intéressé en Allemagne afin qu'il soit statué sur sa demande d'asile. Par suite, l'appelant ne peut utilement soutenir que cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des risques auxquels il serait exposé dans son pays d'origine.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 12 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre la décision portant transfert aux autorités allemandes. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux du 12 mars 2019 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de M. C... et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera délivrée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 18 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme D... E..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 mai 2020.

Le président,

Dominique NAVES

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX02848


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02848
Date de la décision : 19/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : DA ROS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-19;19bx02848 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award