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25/06/2020 | FRANCE | N°18BX00472

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 25 juin 2020, 18BX00472


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 12 juin 2015 par laquelle l'Agence nationale de l'habitat (Anah) a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision du 8 décembre 2014 par laquelle l'Anah a décidé de lui retirer le bénéfice de la subvention qui lui avait été allouée et a ordonné le reversement des sommes versées.

Par un jugement n° 1500828 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté cette demande.
>Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 février 2018, M. C..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 12 juin 2015 par laquelle l'Agence nationale de l'habitat (Anah) a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision du 8 décembre 2014 par laquelle l'Anah a décidé de lui retirer le bénéfice de la subvention qui lui avait été allouée et a ordonné le reversement des sommes versées.

Par un jugement n° 1500828 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 février 2018, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 23 novembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 12 juin 2015 par laquelle l'Anah a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision du 8 décembre 2014.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que sa minute n'a pas été régulièrement signée conformément aux dispositions de l'article R. 742-5 du code de justice administrative.

- la décision attaquée est insuffisamment motivée dans la mesure où elle ne mentionne aucune circonstance de droit ;

- l'avis de la commission locale de l'amélioration de l'habitat auquel la décision attaquée fait référence n'est pas joint ;

- la décision attaquée révèle l'existence d'un précédent avis de cette commission qui ne lui pas non plus été communiqué ;

- la décision de retrait de la subvention est entachée d'erreur d'appréciation et repose sur des faits matériellement inexacts dès lors que les 30 325 euros, correspondant aux deux acomptes versés par l'Anah, ont été effectivement affectés à la rénovation de la maison dans le cadre du projet, objet de la décision attributive de subvention et que ses difficultés sont dues au défaut de l'entreprise EG2C en cours de chantier alors que les travaux n'étaient pas achevés, ce qui l'a contraint à faire appel à d'autres entreprises et à acheter lui-même les matériaux nécessaires ;

- il a été victime d'une escroquerie revêtant les caractères d'irrésistibilité, d'imprévisibilité et d'extériorité de la force majeure et l'empêchant de satisfaire les engagements qu'il avait souscrits auprès de l'Anah ;

- la convention à loyer social ou très social conclue entre lui et l'Anah fixe le loyer actualisé à la date d'achèvement des travaux à 5,40 euros par mètres carrés de surface fiscale soit un montant maximum de 648 euros pour 120 mètres carrés de superficie louée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2019, l'Anah, représentée par la SCP Seban et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- l'arrêté du 1er août 2014 portant approbation du règlement général de l'Agence nationale de l'habitat ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... B...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... est propriétaire d'une maison située 66 Grand fond intérieur sur le territoire de la commune de L'Entre-Deux (La Réunion). Le 9 décembre 2009, il a présenté une demande de subvention auprès de la délégation locale de l'Anah en vue de réaliser des travaux de réhabilitation. Une subvention de 43 322 euros lui a été accordée à ce titre par décision du 22 avril 2010. Des acomptes de 12 997 euros et 17 328 euros lui ont été versés respectivement le 23 décembre 2010 et le 12 avril 2011, sur présentation de factures émanant de l'entreprise EG2C. À la suite du constat d'incohérences dans les justificatifs produits et d'irrégularités dans les travaux effectués, l'Anah a décidé, par décision du 8 décembre 2014, de retirer à M. C... le bénéfice de la subvention accordée, et lui a ordonné de procéder au reversement d'une somme de 31 841 euros. M. C... a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été rejeté le 12 juin 2015. Il relève appel du jugement du 23 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision portant retrait de la subvention et ordonnant le reversement de la somme de 31 841 euros ainsi qu'à l'annulation du rejet de son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Par suite, à supposer que l'appelant ait entendu se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées et non de celles de l'article R. 742-5 du même code, inapplicables en l'espèce, le moyen doit être écarté.

Sur la légalité de la décision du 8 décembre 2014 :

3. Lorsque l'Anah rejette un recours gracieux formé contre la décision ordonnant le reversement d'une subvention perçue, la décision qu'elle prend sur ce recours ne se substitue pas à la décision initiale. Par suite, s'il appartient au juge administratif, saisi de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale, les moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision prise sur ce recours gracieux ne peuvent être utilement invoqués au soutien des conclusions dirigées contre la décision initiale. Par suite, les moyens de M. C... tirés du défaut de motivation et de la méconnaissance du principe du contradictoire dont serait entachée la décision du 12 juin 2015 portant rejet de son recours gracieux sont inopérants et doivent être écartés.

4. La décision du 8 décembre 2014 mentionne qu'elle est prise sur le fondement des dispositions de l'article R. 321-21 du code de la construction et de l'habitation. Elle indique également qu' " il apparaît que les engagements ou les conditions attachés à l'attribution de la subvention n'ont pas été tenus " et renvoie, pour l'exposé précis de ces motifs, à une " fiche de calcul " qui lui est annexée. Cette fiche de calcul précise que " Le projet n'a pu être mené à son B.... En effet, les justificatifs de fin de travaux ne sont pas parvenus dans les délais prévus, soit jusqu'au 22/04/2013 " et détaille les modalités de calcul du reversement. Par ailleurs, si la décision attaquée mentionne qu'elle a été prise après avis de la commission locale de l'amélioration de l'habitat, la circonstance que cet avis n'ait pas été communiqué au requérant est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation de la décision litigieuse dès lors que cette dernière ne se réfère pas au contenu de l'avis. La décision attaquée comporte ainsi les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, et est, par suite, suffisamment motivée.

5. Il ressort des pièces du dossier que par un premier courrier du 17 juillet 2012, le délégué départemental de l'Anah a adressé au requérant une première demande d'informations complémentaires afin, d'une part, d'obtenir des éclaircissements sur les incohérences résultant de la comparaison des travaux effectués selon le constat d'huissier établi le 2 septembre 2011 à la demande du requérant et ceux effectués selon les factures du 21 novembre 2010 et du 23 février 2011 produites en vue du paiement des deux premiers acomptes, et, d'autre part, de demander des justificatifs concernant les conditions de réalisation des travaux ultérieurs, entre la date de réalisation de ce constat et la date de la visite de la délégation locale de l'Anah le 17 avril 2012. En réponse aux observations formulées par le requérant par courriers des 20 juillet et 20 août 2012, le délégué départemental de l'Anah a informé M. C..., par courrier du 30 août 2012, que ces éléments ne permettaient pas de lever les contradictions relevées entre les factures et le constat d'huissier, et semblaient indiquer en outre qu'après la défection de l'entreprise EG2C, les travaux avait été réalisés par l'entreprise Rivière au moyen de matériaux achetés par le requérant lui-même, en contrariété avec ses engagements initiaux. Ce courrier informait également le requérant qu'à défaut d'autre élément justificatif, le montant de la subvention serait recalculé au prorata des travaux constatés par l'huissier et que le reversement du trop-perçu serait demandé. Enfin, par courrier du 18 mars 2013, après avoir rappelé la teneur des précédents échanges, le délégué départemental de l'Anah a demandé à M. C... de choisir entre le maintien de ses engagements, tels que découlant de la convention à loyer très social conclue avec l'Anah, moyennant le reversement du trop-perçu de subvention eu égard à l'absence de production de justificatif concernant la fin des travaux, ou l'abandon de ses engagements et le reversement de la totalité des sommes perçues. Ce courrier lui impartissait un délai d'un mois pour faire valoir ses observations.

6. Il ressort de ces éléments que M. C..., qui ne conteste pas ne pas avoir répondu à ce dernier courrier, a été informé des griefs qui lui étaient reprochés et mis à même de faire valoir ses observations dans un délai raisonnable. Par ailleurs, aucune disposition n'imposait à l'Anah de communiquer à M. C... l'avis de la commission locale d'amélioration de l'habitat rendu préalablement à la décision du 8 décembre 2014, et ce dernier ne soutient d'ailleurs pas en avoir demandé communication avant de former son recours gracieux le 7 février 2015, alors que cet avis était mentionné dans la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.

7. Aux termes des quatrième et cinquième alinéas du I de l'article R. 321-21 du code de la construction et de l'habitation : " Le retrait de l'aide versée par l'agence est prononcé et le reversement des sommes perçues exigé s'il s'avère que celle-ci a été obtenue à la suite de fausses déclarations ou de manoeuvres frauduleuses. / Le retrait et le reversement total ou partiel peuvent également être prononcés en cas de non-respect des prescriptions de la présente section ou des conventions conclues en application des articles L. 321-4 et L. 321-8, ou de toute autre convention liée au bénéfice des aides de l'agence, selon les modalités fixées par le règlement général de l'agence. Ce règlement prévoit une procédure de communication préalable et des éléments de calcul sur le montant du reversement et son actualisation indexée sur l'évolution de l'indice de référence des loyers mentionné à l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. / Ces décisions sont prises à tout moment, avant ou après le versement du solde de la subvention ". Aux termes de l'article 14 du règlement général de l'Anah : " (...) II. L'achèvement des travaux doit être justifié par le bénéficiaire de la subvention sous peine de retrait de la décision d'octroi de la subvention et du remboursement des sommes déjà perçues, dans un délai de trois ans (...) à compter de la notification de la décision attributive de la subvention. Sur demande motivée du bénéficiaire de la subvention, une prorogation de ces délais, de deux ans maximum, peut être accordée par le délégué de l'agence dans le département ou le délégataire, notamment lorsque des circonstances extérieures à la volonté du demandeur ont fait obstacle à la réalisation des travaux, telles que : - un motif d'ordre familial ou de santé ; - une défaillance d'entreprise ; - des difficultés importantes d'exécution ". Enfin, aux termes de l'article 21 du même règlement : " En cas de non-respect des prescriptions relatives aux aides de l'ANAH (articles R. 321-12 à R. 321-21 du CCH, engagements conventionnels, présent règlement général...), la décision de subvention sera retirée et tout ou partie des sommes perçues devra être reversé, en application du I de l'article R. 321-21 du CCH et dans les conditions précisées au présent article (...) ".

8. Les subventions conditionnelles accordées par l'Anah ne créent de droits au profit de leurs bénéficiaires que pour autant que ceux-ci justifient, après l'achèvement des travaux, que les conditions imposées lors de l'attribution de l'aide se trouvent effectivement réalisées. Si les bénéficiaires de ces subventions sont placés vis-à-vis de cet établissement public dans une situation réglementaire et non contractuelle, cette situation ne fait pas obstacle à ce que ces usagers puissent, le cas échéant, invoquer un cas de force majeure ayant rendu impossible l'exécution des engagements auxquels était subordonné le versement de l'aide financière de l'agence.

9. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle l'entreprise EG2C a fait défaut, M. C... disposait encore d'un délai de près de deux ans pour achever les travaux avant l'expiration du délai prévu par les dispositions de l'article 14 du règlement général de l'Anah précité, ce qui lui laissait un délai suffisant pour trouver une autre entreprise et faire effectuer le reste des travaux dans des conditions conformes à ses engagements initiaux. Par ailleurs, M. C... ne pouvait ignorer que les factures produites par l'entreprise EG2C qu'il avait transmises à l'Anah étaient insincères, dès lors qu'elles portaient sur des prestations non réalisées, et a donc lui-même concouru aux irrégularités relevées par l'Anah. En tout état de cause, M. C... ne démontre pas en quoi cette défaillance rendait indispensable qu'il achetât lui-même le reste des matériaux nécessaires à la poursuite du chantier, en contrariété avec ces mêmes engagements, quand bien même il aurait souhaité " maîtriser les coûts du chantier ", ou empêchait qu'il fasse appel à une autre entreprise dans des conditions conformes avec ses engagements, compte tenu du délai qui lui restait pour les réaliser. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la défaillance de l'entreprise EG2C serait constitutive d'un cas de force majeure et aurait mis M. C... dans l'impossibilité de prendre les dispositions matérielles nécessaires à l'exécution des conditions d'octroi de la subvention.

10. Il résulte des dispositions précitées que l'Anah pouvait légalement décider le retrait et le reversement de la totalité de la subvention litigieuse compte tenu des manquements de M. C... et de son absence de réponse au courrier du 18 mars 2013 par lequel le délégué départemental de l'Anah lui demandait s'il entendait maintenir ses engagements. Par suite, M. C... ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il pratique un loyer mensuel conforme à la convention à loyer social ou très social passée avec l'Anah.

11. De même, M. C... ne peut utilement faire valoir qu'il n'a pas commis de manoeuvre frauduleuse justifiant le retrait de la subvention qui lui avait été octroyée, la décision attaquée ayant été prise sur le fondement du cinquième alinéa du I de l'article R. 321-21 précité et n'étant pas motivée par l'existence de manoeuvres frauduleuses. Enfin, M. C... ne peut davantage utilement faire valoir que les sommes versées par l'Anah au vu des factures irrégulières produites par lui ainsi que celles qu'il a exposées pour la poursuite des travaux auraient été en totalité utilisées pour mener à bien son projet de rénovation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa requête.

Sur les frais liés au litige :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme de 1 500 euros au bénéfice de l'Anah, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera à l'Anah une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et à l'Agence nationale de l'habitat.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Salvi, président,

M. A... B..., premier conseiller,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 juin 2020.

Le président,

Didier Salvi

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18BX00472


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00472
Date de la décision : 25/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

38-03-03-01 Logement. Aides financières au logement. Amélioration de l'habitat. Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.


Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP SEBAN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-25;18bx00472 ?
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