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09/07/2020 | FRANCE | N°18BX01178

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 09 juillet 2020, 18BX01178


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Immo Sport Invest, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1601372 du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Pau, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande de la société à hauteur du dé

grèvement prononcé par l'administration en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Immo Sport Invest, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1601372 du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Pau, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande de la société à hauteur du dégrèvement prononcé par l'administration en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 mars 2018 et le 7 décembre 2018, l'EURL Immo Sport Invest, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 25 janvier 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de vérification de comptabilité opérée à l'encontre de la SCI J2D dont elle est associée à 99 % est irrégulière dès lors que la vérification de la comptabilité de la société a été effectuée sans débat oral et contradictoire compte tenu que l'ensemble des aspects de la vérification n'a pas été évoqué au cours de la réunion de synthèse ;

- l'acte anormal de gestion n'est pas établi s'agissant de la vente de trois appartements à M. F... D... et à son fils A... dès lors que leurs cessions sont intervenues dans des conditions conformes à l'intérêt de la société ; la circonstance que l'un des descendants du gérant soit bénéficiaire de l'un des appartements est sans incidence pour caractériser l'acte anormal de gestion ;

- la détermination, par l'administration fiscale, du prix d'acquisition des appartements n'est pas pertinente au regard de l'état d'avancement des biens cédés et des prix d'achat des appartements retenus comme éléments de comparaison ; en effet la résidence " les Anthémis ", prise comme élément de comparaison pour les trois lots bénéficie de finitions plus importantes ; la résidence Hydros à Nay notamment constitue un élément de comparaison plus pertinent pour ces lots ;

- les termes de comparaison retenus ne sont pas davantage pertinents au regard des travaux de peinture intérieure et de finition réalisés par les acquéreurs ;

- la superficie retenue par le vérificateur pour évaluer la valeur vénale du lot n°46 correspondant à l'appartement cédé à M. A... D... est erronée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 novembre 2018 et le 17 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 21 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 28 mars 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... C...,

- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI J2D exerce une activité de construction-vente d'immeubles. Elle est détenue pour 99,9 % des parts par l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Immo Sport Invest, qui exerce une activité de promotion immobilière, et par M. D... son gérant et également associé unique de cette dernière, pour une part. La SCI J2D a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, prolongée jusqu'au 30 juin 2014 pour la taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle l'administration a estimé que le prix auquel cette société avait vendu 5 appartements en l'état futur d'achèvement à son associé, au frère de celui-ci et à ses enfants en 2012 et 2013 avait été minoré au regard de la valeur vénale réelle de ces biens. Il en est résulté une proposition de rehaussement des résultats de la SCI J2D et à l'issue d'un contrôle sur pièce réalisé en 2015 de l'EURL Immo Sport Invest, son principal associé, une proposition de rehaussement de son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés à raison de la quote-part des droits qu'elle détenait dans la SCI J2D.

2. Puis suivant l'avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires, l'administration a abandonné les rehaussements relatifs à deux des cinq appartements en cause, seuls le prix de cession de trois appartements correspondants aux lots 17, 18 et 46 demeurant dorénavant en litige. L'EURL Immo Sport Invest a contesté les suppléments d'impôt sur les sociétés correspondants, établis au titre des exercices clos en 2012 et 2013, devant le tribunal administratif de Pau, lequel après avoir constaté que la demande en décharge de la requérante était devenue sans objet à hauteur du dégrèvement opéré par l'administration en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande. L'EURL Immo Sport Invest relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les impositions restant en litige :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

3. La requérante soutient que la procédure de vérification de comptabilité de la SCI J2D dont elle est associée n'a pas respecté le principe d'un débat oral et contradictoire en l'absence de discussion sur l'ensemble des " aspects de la rectification " envisagée. Toutefois il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité s'est déroulée dans les locaux de la société situé au domicile de son gérant et qu'au cours des deux entretiens avec le vérificateur en date des 5 septembre 2014 et le 19 novembre 2014, le gérant de la société, accompagné de son expert-comptable a pu faire valoir ses observations et notamment le fait que la valeur vénale des biens en cause devait être minorée pour tenir compte des travaux de finition de peinture intérieure réalisés par les acquéreurs. Il résulte en outre de l'instruction que l'administration qui, au cours de la seconde intervention, a exposé la motivation et le montant des rehaussements envisagés compte tenu de la minoration de la valeur vénale des biens en cause, a échangé plusieurs courriers avec la requérante afin de fixer un nouveau rendez-vous. Ainsi alors que le gérant de la SCI J2D a fait part par courrier du 30 janvier 2015 de son indisponibilité et a précisé avoir eu toutes les informations nécessaires lors de la réunion de synthèse, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le débat oral et contradictoire avec la société J2D n'aurait pas été respecté.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

4. Aux termes de l'article 238 bis K du code général des impôts : " I. Lorsque des droits dans une société ou un groupement mentionnés aux articles 8, 8 quinquies, 239 quater, 239 quater B ou 239 quater C sont inscrits à l'actif d'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole imposable à l'impôt sur le revenu de plein droit selon un régime de bénéfice réel, la part de bénéfice correspondant à ces droits est déterminée selon les règles applicables au bénéfice réalisé par la personne ou l'entreprise qui détient ces droits .... II. Dans tous les autres cas, la part de bénéfice... est déterminé[e] et imposé[e] en tenant compte de la nature de l'activité et du montant des recettes de la société ou du groupement ". Aux termes de l'article 218 bis du même code : " Les sociétés ou personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206, à l'exception de celles désignées au 5 de l'article précité, sont personnellement soumises audit impôt à raison de la part des bénéfices correspondant aux droits qu'elles détiennent, dans les conditions prévues aux articles 8, 8 quater, 8 quinquies et 1655 ter, en qualité d'associées en nom ou commanditées ou de membres de sociétés visées auxdits articles ".

5. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.

6. Le 28 mars 2012, la SCI J2D a vendu à M. F... D..., son associé et gérant, deux appartements en l'état futur d'achèvement de type T3 d'une surface respective de 61 m2 et 76 m2 correspondant aux lots n° 17 et n°18 situés au deuxième étage de la résidence " les Glycines " construite par la SCI dans le lotissement " espace de la Montjoie " sise à Nay aux prix respectifs de 110 000 euros et 140 000 euros TTC, soit un prix de vente au m² de 1 803,27 euros et 1 842,10 euros. Le 27 mars 2013, cette même société a vendu au fils de son gérant et associé, A... D..., dans la même résidence et au même étage, un appartement de même caractéristique de type T3 correspondant au lot n° 46 de 64 m2 au prix de 120 000 euros TTC soit 1 818,18 euros au m2. Ces trois appartements faisaient partie d'un programme immobilier, réalisé par la SCI J2D. Afin d'établir la minoration du prix ainsi consenti par la société à son associé et au fils de ce dernier, pour ces trois ventes, l'administration fait état des ventes de quatre appartements aux caractéristiques identiques, d'une architecture comparable, situés dans la même résidence " les Glycines " et dans la résidence " les Anthémis " implantée à proximité. La moyenne de ces quatre ventes a fait ressortir un prix de vente au m² de 2 687,60 euros. L'administration a ainsi fixé la minoration de prix TTC pour chacun des trois appartements en cause à 54 566 euros pour le lot n°17, évalué à 164 565 euros, à 65 057 euros pour le lot n° 18, évalué à 205 057 euros, et suivant l'avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires qui a corrigé la superficie de l'appartement et pris en compte les arguments de la requérante, à 40 000 euros pour le lot n° 46, estimé à 160 000 euros.

7. Pour soutenir que les prix consentis lors des trois ventes réalisées en 2012 et 2013 correspondaient à la valeur vénale des biens, la requérante se prévaut d'une estimation des biens réalisée par l'agence immobilière Orpi avant les ventes ainsi que d'annonces immobilières, conteste les éléments de comparaison retenus par l'administration comme non pertinents, propose d'autres termes de comparaison et fait valoir que la valeur réelle des biens doit être minorée des travaux de peinture intérieure à la charge des acquéreurs.

8. D'une part, comme le relève à juste titre l'administration, les appartements retenus comme termes de comparaison par l'administration sont intrinsèquement similaires aux appartements en cause dès lors qu'il s'agit d'appartements de type T3 en état futur d'achèvement ou neufs, situés dans la même résidence que les lots vendus par la SCI J2D ou dans une résidence voisine du même lotissement et de superficie identique. En particulier contrairement à ce que soutient la requérante, il résulte de l'instruction que les résidences " Les Glycines " et " les Anthémis " qui font partie du même lotissement et du même programme immobilier, sont toutes deux neuves et comportent le même nombre d'étage et présentent un aspect extérieur semblable. Si la société soutient que le niveau de finition des deux immeubles ne serait pas comparable, elle n'apporte aucune précision sur ce qui différencierait le niveau de prestation des deux résidences. En outre, d'un point de vue temporel, les lots n° 17 et 18 ont été cédés le même jour que deux des termes de comparaison retenus par l'administration alors que les deux autres termes de comparaison ont été cédés quelques semaines après seulement. Enfin, s'agissant du lot n° 46, pour établir la valeur vénale de ce dernier bien, l'administration a pris en compte aussi bien le terme de comparaison retenu par la requérante et validé par la commission départementale des impôts que la superficie de 66 m2 revendiquée par la requérante. Dès lors, cette dernière ne peut s'en prévaloir à nouveau en appel. Au surplus, il résulte de l'instruction que le terme de comparaison proposé par la requérante pour le lot n° 18 n'est pas pertinent compte tenu qu'il ne se situe pas à Nay et a été cédé plus de deux ans après la vente du lot considéré. De même, le terme de comparaison proposé par la requérante pour le lot n° 17 ne peut davantage être retenu compte tenu qu'il concerne un bien vendu plus de trois ans après la vente du lot considéré. Enfin, l'avis de valeur établi au mois de janvier 2012 par l'agence immobilière Orpi, estimant le lot n° 17 à 125 000 euros et le lot n° 18 à 155 000 euros, indique qu'il a été établi en tenant compte de " l'état actuel du marché " mais aussi d'un indice de l'immobilier interne à l'agence qui n'est précisé, des données statistiques propres à cette agence qui ne sont pas exposées et de ses techniques d'évaluation non détaillées. Cette évaluation, établie à partir d'éléments peu explicites et propres au professionnel de l'immobilier qui l'a réalisée, n'est pas de nature à invalider l'estimation opérée par l'administration à partir d'éléments précis et objectifs.

9. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'à la suite de la production d'un devis de travaux de peinture intérieure en cours d'instance devant le tribunal, l'administration a pris en compte pour établir leur valeur vénale, la réalisation de travaux intérieurs de peinture pour les trois appartements en cause et a ainsi réduit en conséquence leur valeur vénale. Elle a ainsi procédé au dégrèvement correspondant le 12 septembre 2016. Si la requérante se prévaut nouvellement en appel d'une facture de l'entreprise Pommies concluant que les acquéreurs des trois appartements en cause ont réalisés eux-mêmes les travaux de peinture intérieure, elle ne conteste pas utilement que lesdits travaux ont déjà été pris en compte en se bornant à produire des factures d'achat de matériel de peinture en magasin et n'apporte aucun élément permettant d'estimer que l'administration aurait insuffisamment tenu compte de ce que les appartements ont été vendus avant réalisation de ces travaux de peinture.

10. Dans ces conditions, l'administration établit la minoration des prix de vente des trois appartements précités à hauteur des montants de 54 566 euros pour le lot n°17, de 65 057 euros pour le lot n° 18 et de 40 000 euros pour le lot n° 46. En l'absence de contrepartie ou d'intérêt établi ou même allégué à la minoration de ce prix de vente, c'est à bon droit que l'administration a rehaussé à due concurrence et à hauteur de sa quote-part dans la SCI J2D la base d'imposition de l'EURL Immo Sport Invest à l'impôt sur les sociétés à raison de ces ventes.

11. Il résulte de ce qui précède que l'EURL Immo Sport Invest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL Immo Sport Invest est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Immo Sport Invest et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera délivrée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme B... C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.

Le président,

Elisabeth Jayat

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01178


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01178
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-02-03-01 Contributions et taxes. Règles de procédure contentieuse spéciales. Demandes et oppositions devant le tribunal administratif. Formes et contenu de la demande.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SCP CASADEBAIG ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-09;18bx01178 ?
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